Tribunal de Meaux : Deux « vies perdues » après la saisie de 19,3 kilos de drogue

Publié le 22/09/2023

Birane étudiait pour « devenir professeur de sociologie ». Yanis voulait « faire ça deux semaines » pour l’argent « facile ». « Ça », soit la vente de résine et d’herbe de cannabis à Villeparisis (Seine-et-Marne). La brigade des stupéfiants a stoppé net l’élan de ces deux jeunes, incarcérés à l’issue de leur procès au tribunal de Meaux.

Tribunal de Meaux : Deux « vies perdues » après la saisie de 19,3 kilos de drogue
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

« Quel gâchis ! Si je comprends que l’on s’adonne au trafic de drogue pour se faire 150 euros par jour en se levant à 14 heures, je ne les envie pas. Cela représente peut-être beaucoup d’argent, mais combien de vies perdues en prison ? Combien d’années ? Jusqu’à 20 ans ! Et pensent-ils aux balles dans la tête ? Moi, aujourd’hui, je pense à la jeune Marseillaise tuée alors qu’elle travaillait dans sa chambre. » Le procureur Alexandre Boulin marque une pause, fixe les prévenus dans le box : « C’est ça, le trafic de stupéfiants ! »

Birane et Yanis baissent la tête. L’allusion à Socayna, étudiante en droit de 24 ans morte le 11 septembre dernier après qu’une rafale de Kalachnikov a transpercé le mur de son logement du Xe arrondissement marseillais, les émeut, semble-t-il. Plus tôt, Yanis, 19 ans, a admis « l’avalanche d’erreurs » qu’il a commises. Birane, 20 ans, a indiqué que « trois jours de prison [lui] ont fait permis de réfléchir. Je m’en veux énormément ». Sont-ils sincères ? S’agit-il d’une posture ? Le procès, le 18 septembre devant la chambre des comparutions immédiates à Meaux, n’a pas permis de trancher entre les deux hypothèses.

« Je ne savais pas qu’il y avait 17 kilos dans l’appart »

 Leur dossier est hélas banal : repérage de la Fiat 500 que conduit Yanis sur un point de deal à Villeparisis, mise en place de surveillances, de filatures, interpellation le 13 septembre. Yanis et son passager Birane viennent de se délester d’1,3 kilo d’herbe. Les deux jeunes filles recrutées à Paris, qui ont acheté la drogue, refuseront de balancer « par peur des représailles ». Elles ont opté pour une procédure de « plaider-coupable » : six mois de sursis.

Pas de CRPC pour Yanis et Birane, récidivistes. La police a trouvé sur eux des clés qui l’ont menée à un appartement où étaient stockés 16,8 kilos de résine, 1,2 kilo d’herbe, 1 610 €. Et les 3 350 € dans les poches du second ? « C’étaient toutes mes économies pour payer la location de la Fiat », argue-t-il sans rire. Les permis de conduire en sa possession ? « Je les ai ramassés dans la voiture louée et sur la voie publique. J’allais les rendre. » L’ardoise Velleda affichant les prix au gramme ? Pas de réponse. Le stock au sein du logement voisin ? « Je ne savais pas qu’il y avait 17 kilos dans l’appart », ose Yanis, quand un seul joint se repère à l’odeur. Il jure avoir voulu « faire ça deux semaines » pour l’argent « facile ».

Visiblement, ces deux-là n’ont guère été « briefés » par leurs avocats venus de Paris. La présidente Isabelle Verissimo juge à raison leur défense « pas très claire, pas très cohérente ».

« Professeur ? C’est fini ! Vous comparaissez pour la 5e fois en 2023 »

 Ni l’un ni l’autre n’ont accepté de fournir les codes de leur téléphone. Par conséquent, ils répondent aussi de cette infraction, en plus de trafic. « Quel dommage, avec les capacités qui sont les vôtres, dit le procureur à Birane, en licence de sociologie. Professeur, c’est fini ! Vous comparaissez pour la 5e fois en 2023. » Par surcroît, il n’a pas réglé ses amendes, évaluées par un assesseur à 100 000 euros. Notant « une gradation dans la délinquance », estimant « que la justice a tout essayé », M. Boulin requiert un an ferme, le maintien en détention, mais ne retient pas la récidive pour trafic de stups. Contre Yanis, il sollicite 14 mois à effectuer séance tenante et la révocation de ses 10 mois de sursis. Enfin, les deux ne doivent plus remettre les pieds à Villeparisis jusqu’en 2026.

Les deux avocats parisiens, dont l’un apprécie le rap anti-flics et se dévoue « aux stupeux », vont tenter de pilonner la procédure, évoquant le procès-verbal « risible » d’un enquêteur, stigmatisant « un dossier aussi pauvre », « l’absence de la nourrice et des cerveaux ». Sans convaincre le tribunal.

Birane est condamné à l’année ferme requise, Yanis à 18 mois. Tandis que l’escorte les menotte, ils jettent un regard stupéfait à leurs défenseurs.

 

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