Tribunal de Meaux : Ivre mort, il roulait à tombeau ouvert frein à main serré

Publié le 18/07/2023

Yannick traversait à toute vitesse la commune de Montévrain lorsqu’une patrouille de gendarmes a aperçu de la fumée s’échappant de sa voiture. Avec 2,7 grammes d’alcool dans le sang, associés à du cannabis, « l’étoile filante » n’avait pas remarqué qu’il circulait frein à main serré. Quant à son permis de conduire, il était annulé depuis l’année 2020.

Tribunal de Meaux : Ivre mort, il roulait à tombeau ouvert frein à main serré
Intérieur du TJ de Meaux ©I. Horlans

 Yannick, 32 ans, est le sosie de Joey Starr avec des expressions de Droopy, le chien anthropomorphe de Tex Avery : apathique, regard triste, une voix lente et monocorde. Mais, contrairement au petit personnage des cartoons hollywoodiens, le prévenu ne peut pas se présenter en héros de l’histoire qu’étudie la chambre des comparutions immédiates du tribunal de Meaux (Seine-et-Marne). Son tee-shirt noir chiffonné, au col distendu, en dit long sur ses deux derniers jours : interpellé en milieu de nuit, il a fallu attendre environ 18 heures pour qu’il puisse aligner deux mots cohérents devant le juge des libertés et de la détention. Le JLD n’a pas eu le choix : placement en détention provisoire jusqu’à complet dégrisement.

Voici donc Yannick, tout penaud, face à la présidente Isabelle Verissimo et ses assesseurs. Il répond de conduite sans permis sous l’empire de drogue et d’un état alcoolique, deux infractions en récidive légale. « Avec tout ce que contient votre dossier, le JLD ne pouvait pas vous relâcher hier soir », lui explique la magistrate. « Vous comprenez que l’on ne puisse plus vous faire confiance, que vous mettez des gens en danger ? » Très ému, Yannick l’admet : « Oui. Je ne suis pas un imbécile. On m’a donné plusieurs fois la chance de m’en sortir… »

« Avant, j’étais à cinq ou six verres par jour et autant de joints »

 En habitué des infractions routières, il se présente à la juridiction meldoise sans minimiser les faits. À quoi bon ? Déjà neuf condamnations, plus une 10e mention au TAJ, le fichier du traitement des antécédents judiciaires, et toujours pour les mêmes délits. Récemment encore, il a été sanctionné par le tribunal de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), il a bénéficié d’un sursis avec obligation de soins. Yannick assure que « ça va mieux. Avant, j’étais à cinq ou six verres par jour, et autant de joints. Là, j’ai ralenti ».

S’il a diminué sa consommation d’alcool et de stupéfiant, cela ne s’est pas vu ce 3 juillet et le « ralentissement » évoqué ne concernait pas sa traversée à 2 heures du matin de Montévrain, commune peuplée de quelque 14 000 habitants, heureusement calfeutrés chez eux. À la faveur de cette audience correctionnelle, on apprend d’ailleurs qu’il est loisible de rouler à tombeau ouvert avec le frein à main enclenché. Seul inconvénient : « Les plaquettes fumaient », ont indiqué les gendarmes. L’employeur du chauffard, à qui il empruntait régulièrement le véhicule, sera fort marri de devoir payer leur remplacement, et sans doute plus de découvrir que le salarié ne possédait plus son permis depuis le mois de novembre 2020.

« J’ai ces problèmes à cause d’une déception sentimentale »

 Celui-ci est carrément annulé, et non suspendu comme relevé hâtivement par le parquet, qui demande donc la requalification des faits. Cela n’influe pas sur la peine encourue, deux ans de prison et une amende de 4 500 € – en l’espèce beaucoup plus en raison des récidives. Yannick fait ses yeux de Droopy, les larmes coulent : « J’ai ces problèmes à cause d’une déception sentimentale. » Justification un peu courte, sauf à supposer que le chagrin d’amour dure depuis plusieurs années, guère audible selon la procureure Nathalie Scholler : « Les déceptions n’impliquent pas de conduire avec 2,7 grammes d’alcool sans permis. » D’autant qu’en préambule des débats, il a indiqué vivre avec une compagne.

Bref, Yannick tente de se défendre comme il peut, sachant que les dés sont pipés. Son va-tout fait pschitt : « Quelle tristesse ! Vous risquez de perdre ce que vous avez construit », déplore la parquetière, allusion à son CDI de chef de service qu’il détient depuis neuf ans dans une entreprise. « Je n’ai pas envie de détruire votre vie mais je dois penser à celle de ceux qui vous croisent. On ne peut plus vous signer un chèque en blanc. » La procureure Scholler requiert un an de prison, moitié avec sursis, elle ne s’oppose pas à la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), lui intime de ne plus jamais s’aventurer au volant tant qu’il n’aura pas régularisé sa situation d’automobiliste délinquant.

Tandis que Yannick n’en finit plus de pleurer sur son avenir professionnel qui risque de s’assombrir, son avocat plaide l’inutilité d’un enfermement en cellule. Le tribunal en convient : le jeune homme décroche sa « dernière chance », dix mois ferme sous DDSE avec exécution provisoire, obligation de soigner ses addictologies, de travailler, repasser l’examen du code et de la conduite. Il lui est précisé qu’il sera rigoureusement surveillé par le juge de l’application des peines et son conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation. Avec 3 250 personnes mortes sur les routes en 2022, dont près de 10 % tuées par des conducteurs ivres et drogués, de tels comportements ne sont plus tolérés.

Yannick opine, sèche ses larmes, esquisse avec effort un petit sourire. Son escorte l’accompagne jusqu’à la prison pour sa levée d’écrou. Sa compagne viendra l’y récupérer.

 

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