Tribunal de Meaux : « Je ferai tout pour te pourrir la vie, quitte à aller en prison »

Publié le 30/09/2022

Au tribunal de Meaux (Seine-et-Marne), le prévenu est aussi agité qu’un cocktail dans son shaker. Analogie de circonstance tant il aime l’alcool. Hélas, elle le rend violent et sa maîtresse en a fait les frais sur un terrain de pétanque. « J’ai les boules », dit-il fort à propos en guise de regrets.

Tribunal de Meaux : « Je ferai tout pour te pourrir la vie, quitte à aller en prison »
Salle d’audience au tribunal judiciaire de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

 Harrat, 50 ans, petit homme trapu en tee-shirt blanc siglé Jack & Jones, est déconcerté d’apparaître entravé dans le box des détenus de la 1re chambre correctionnelle de Meaux. D’autant plus que sa fille aînée est assise parmi le public, tout en noir, le regard triste comme si elle assistait aux obsèques de son père. Ses menottes retirées, voici Harrat qui gesticule, bras en croix. À peine son identité vérifiée, il entend se présenter sous son meilleur jour : « Je ne suis pas méchant, tout le monde vous le dira. J’ai un grand cœur. » En effet, des témoignages loueront sa courtoisie, sauf lorsqu’il s’enivre.

Le 4 septembre dernier, il avait « bu des bières pour faire redescendre [sa] température » quand il est arrivé sur le terrain de pétanque de Pomponne. S’y trouvait son ex-maîtresse, en compagnie de Momo, son nouvel amant. Harrat a vu rouge. Huit jours plus tard, il est poursuivi pour des menaces aggravées (il a été le compagnon de la victime). Il encourt donc trois ans de prison.

« Pourquoi fréquente-t-elle les lieux où je vais ? »

 Depuis sa sanction pour conduite en état d’ivresse en 2014, Harrat n’a plus été condamné. Toutefois, il fait l’objet d’une interdiction d’entrer en contact avec Julia*, qui l’a quitté en janvier 2022 et qu’il harcèle. Elle a déposé deux plaintes au printemps, qui ont justifié le contrôle judiciaire (CJ) de Harrat jusqu’au 17 octobre. Il l’a maintes fois enfreint, notamment en lui laissant 396 messages, dont certains pas piqués des hannetons. Exemples : « Je vais te tuer salope de merde (…) Je ferai tout pour te pourrir la vie, quitte à aller en prison (…) Après le 17 octobre, j’aurai le champ libre » – soit la date de levée de son CJ.

« Tout ça, c’est du bla-bla », minimise-t-il à l’audience. Le 4 septembre au tournoi de pétanque, selon les participants, « il s’en est pris violemment » à Julia, puis à Momo : « Traître ! Je vais te déglinguer, gros fils de pute ! » « Faux, objecte le prévenu, les gens sont parfois obligés de mentir. » Mais la scène a été filmée. Harrat est contraint d’abdiquer.

Il s’accroche à une autre « excuse » : « Pourquoi fréquente-t-elle les lieux où je vais ? La pétanque, la pizzeria, elle me fait chier, et c’est moi qui dois partir ? » La présidente Verissimo : « – Oui ! On vous l’a dit plusieurs fois.

– Ah ouais, trois ou quatre fois, facile…

– Faut-il vous envoyer en prison pour que vous compreniez ?

– Surtout pas ! J’ai un travail et trois enfants. »

« J’ai rendu mes boules à 50 € et ma carte du club à Johnny »

 Harrat, agent de nettoyage dans la même société depuis 27 ans, jure avoir arrêté l’alcool : « Stop, plus une goutte ! J’ai acheté une voiture pour aller chez le psy », indique-t-il à la procureure Louise Sahali.

– Vous dites qu’on peut mentir. Mentez-vous ?

– Non ! Je vous donne ma parole.

– J’ai sous les yeux l’expertise médicale de madame : dépression et anxiété, 10 jours d’incapacité de travail. Elle a peur de vous…

– Elle a tort. Je suis vraiment adorable quand je ne bois pas.

– Madame en convient. Le problème, c’est que vous buvez trop souvent.

– C’est fini. Et je n’irai plus jouer à la pétanque, j’ai rendu mes boules à 50 € et ma carte du club à Johnny. »

Me Cynthia Nerestan, qui représente la partie civile, précise que Julia « n’a pas eu la force de l’affronter. L’idée lui est insupportable ». Plaidant « des faits réitérés, une relation qui fut passionnelle, avec tous les inconvénients que cela peut engendrer », elle avoue « craindre le 17 octobre, lorsqu’il ne sera plus sous surveillance judiciaire », espère « une peine dissuasive ».

En réponse aux quatre infractions, la procureure Sahali requiert huit mois de prison assortis d’un sursis probatoire de deux ans, une obligation de se soigner et d’effectuer un stage contre les violences faites aux femmes, avec exécution provisoire, soit dès la fin du procès.

Défenseur de Harrat, Me Thierry Benkimoun, regrette « qu’on lui impute tous les messages ». « Plusieurs fois, il parle de lui à la troisième personne. Alain Delon fait ça, mais lui ? » L’avocat suggère l’implication d’un autre jaloux. Il révèle aussi que Julia continue de lui « envoyer des photos d’elle en petite tenue. C’est compliqué. Il refusait de quitter son épouse. » Harrat conclut : « La détention après ma garde à vue a été le déclic. J’ai les boules. Je ne recommencerai plus. »

Les juges ont une lecture simple des faits. Quel que soit le ressentiment, il est interdit de menacer autrui, a fortiori une femme autrefois aimée : huit mois de prison dont six avec sursis, maintien en détention, interdiction de contacter Julia durant trois ans, à qui il versera 1 000 €.

« Comment je fais pour mon boulot et mes gosses ? », crie Harrat, regard tourné vers le public. Il cherche sa fille. Elle est partie.

*Prénom modifié

Tribunal de Meaux : « Je ferai tout pour te pourrir la vie, quitte à aller en prison »
Me Cynthia Nerestan au tribunal de Meaux, le 12 septembre 2022 (Photo : ©I. Horlans)
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