Tribunal de Meaux : « Je lui ai mis une bonne claque parce qu’il nous a insultés ! »
Si l’on vous agresse pour vous détrousser, mieux vaut ne pas se défendre sous peine de prendre des coups. Tel est l’enseignement qu’a tiré Dylan de sa rencontre nocturne avec Peter et Rabbi à Meaux (Seine-et-Marne). Privilégiant l’arrogance au repentir, les deux prévenus de violence et de vol réfléchiront désormais à leurs actes en prison.
Peter, un solide gaillard haut perché, n’a toujours pas compris que, face au tribunal qui le juge, il doit faire profil bas. C’est pourtant la 15e fois, depuis 2008, que cet homme de 35 ans comparaît en chambre correctionnelle. Dès son entrée dans le box, on comprend qu’il va chahuter l’audience. Comme Rabbi, son coprévenu âgé de 28 ans, il est de nationalité congolaise. Celui-ci est plus petit mais tout aussi agité, avec un casier également chargé. Son regard noir darde des éclairs en direction des magistrats. Leur véhémence apparaîtra vite insupportable.
Peter et Rabbi répondent de vol et de violence, perpétrés en récidive et en réunion, dans la soirée du 4 février à Meaux. Ils ont ciblé Dylan, qui passait par là, alors qu’eux fumaient une cigarette. Sur les images des caméras de vidéosurveillance, qui faciliteront leur arrestation, on voit Rabbi « qui gifle la victime et lui fait une balayette », selon le rapport de la présidente Cécile Lemoine. Le jeune est à terre quand Peter « vole son manteau », peut-être même son téléphone – ce n’est pas établi car il n’a pas été retrouvé. Sans le son, on ignore la teneur de « l’échange » ; il faut se fier aux déclarations de l’un et des autres.
« Il m’a dit “t’as quoi dans tes poches ?” »
Dylan n’assiste pas au procès à la 1re chambre du tribunal de Meaux. Mais, sur procès-verbal, il a détaillé sa mésaventure. Il marchait, donc, lorsqu’il est arrivé à hauteur des deux fumeurs. « Le plus petit », c’est-à-dire Rabbi, l’a apostrophé : « Il m’a dit “t’as quoi dans tes poches ?” J’ai eu peur. Et là, il m’a fait une balayette. Je suis tombé. L’autre a volé mon manteau. »
« – Faux, tonitrue Rabbi, j’ai pas fait de balayette !
– Mais vous l’avez frappé…
– Ben oui, je lui ai mis une bonne claque parce qu’il nous a insultés !
– Il a dit quoi ?
– “Ferme ta gueule”. »
Peter pouffe de rire. La présidente, à son adresse : « – Et vous, alors que la victime est au sol, vous lui prenez son manteau ?
– Ouais. Je dors dehors, j’ai froid. J’ai vu qu’il était beau et chaud. Je le sais, c’est pas bien. Mais c’était sans violence, se gondole-t-il.
– D’accord. Monsieur voulait vous le donner… »
Cette histoire n’est à leurs yeux qu’une facétie. Cependant, une fois réalisé que personne ne les croit, que leur désinvolture agace, et que sont abordés leur ivresse et leur passé judiciaire, ils ne rient plus. Le ton change du tout au tout.
« – Il avait bien bu, lui aussi, attaque Peter, parlant de Dylan.
– Ce n’est pas lui que l’on juge.
– D’accord mais moi, je viens déjà de prendre un an !
– Et moi, j’ai pris trois mois », renchérit Barri dans un concours surréaliste entre qui a subi la plus longue peine ces temps-ci.
« Je me tiens à carreau depuis ma sortie de prison »
En dépit de la pancréatite dont il souffre, Rabbi présentait « 3,12 grammes d’alcool par litre de sang » et Peter, « 1,20 gramme ». « Et alors ? », tempête le premier, dont les signes d’énervement augmentent crescendo. Lorsqu’il lui est rappelé que sa grave maladie lui interdit de boire, il s’emporte – on s’attend à ce qu’il objecte que la présidente n’est pas médecin. Il ne va pas jusque-là, se justifiant ainsi : « Je bois depuis l’âge de 14 ans, je ne peux pas arrêter comme ça ! »
Quant à son acolyte, il monte dans les tours après une banale question.
« – Pourquoi l’association Arile, qui vous hébergeait, vous a-t-elle mis à la porte ?
– Parce que j’ai tapé mon colocataire !
– Il y a un problème, non ?
– Chez Arile, ils peuvent pas me voir. Ils veulent m’enfoncer !
– Cinq jours avant les faits, vous avez vu le juge de l’application des peines. Elle vous a dit quoi ?
– De me tenir à carreau.
– C’est réussi.
– Moi, je me tiens à carreau depuis ma sortie de prison, précise Rabbi.
– On voit cela. »
Les deux se récrient avec une arrogance de matamore au point qu’il faut, fermement, leur intimer de se calmer. Les casiers judiciaires sont épluchés, violence en réunion, extorsion avec arme, abus de confiance, escroquerie ; la liste est longue comme un jour sans pain. En situation régulière, ils n’ont pas souvent travaillé. Libéré en 2022, Rabbi a le vague projet d’ouvrir une entreprise de couverture. Peter est serveur depuis cet hiver.
« Une espèce de déchaînement de violence sans raison »
Ce dernier dispose de plusieurs alias, qui totalisent 14 condamnations. La dernière, pour agression sexuelle en état d’ébriété, l’a expédié derrière les barreaux. Il a été libéré en mars 2023 ; son sursis probatoire court jusqu’en 2027 ! Il se crispe : « J’ai fait quatre ans de taule et ça sert à rien ! » De « m’y renvoyer », subodore-t-on.
Le procureur Julien Piat ne partage absolument pas son point de vue. « Ils ont manifesté une espèce de déchaînement de violence sans raison. Sur la vidéo, on voit qu’ils agissent de concert, le poussent [Dylan], le bousculent et le volent. Ils sont d’une dangerosité certaine », estime-t-il, ajoutant être « inquiet pour nous si on les croise dans la rue ». M. Piat est d’autant plus préoccupé « qu’ils n’ont pas de recul. Ils minimisent, banalisent leurs actes jusqu’à presque en tirer fierté. Je m’arrête aujourd’hui sur leur attitude ici : vous avez vu leur impulsivité ? »
On a vu. Et même noté qu’ils étaient heureusement à jeun.
Le représentant du parquet requiert 18 mois ferme contre Peter « auquel la JAP a rappelé ses interdictions et obligations le 30 janvier », un an contre Rabbi (dont la révocation de 4 mois de sursis). Il suggère « un maintien en détention ».
En défense des deux prévenus, Me Audrey Sagory souhaite que le tribunal « passe outre l’énervement » exprimé. « Ils n’ont pas le vocabulaire, ni pris de cours d’oralité, avec moi c’est plus simple. J’entends, je comprends que l’on ait la tentation de les incarcérer mais après, que se passera-t-il ? » Elle préférerait qu’ils soient « aidés ». L’avocate plaide une cause perdue.
Peter prend la parole en dernier : « Je ne bois pas chaque jour comme un pochard et je ne suis pas dangereux pour la société ! » Ton claquant. Rabbi se tait ; il a raison.
Dans la soirée, les juges indiquent suivre les réquisitions. L’escorte conduit aussitôt Peter et Rabbi au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin.
Référence : AJU420543