Tribunal de Meaux : La « main aux fesses » à une vieille dame en déambulateur
Déjà condamné à 12 ans de réclusion criminelle par la cour d’assises de Seine-et-Marne, David a agressé sexuellement trois femmes dans la rue. L’une d’elles, âgée de 75 ans, se déplaçait à l’aide d’un déambulateur. Le tribunal correctionnel de Meaux a renvoyé le récidiviste en prison.
« Je reconnais les faits, je suis désolé… » Tout rabougri dans son pull étroit en laine grise, David, 52 ans, fixe la présidente Isabelle Verissimo derrière sa paire de lunettes à verres épais. La magistrate préside, ce 18 septembre, l’audience des comparutions immédiates au tribunal judiciaire de Meaux. Détenu depuis 48 heures, il a été identifié dix jours après s’être laissé aller « à des pulsions ». En fin de garde à vue, le parquet n’a pas voulu prendre le risque qu’il s’évanouisse dans la nature. A cause de ses antécédents. Car le petit bonhomme, qui pourtant ne paie pas de mine, fut l’auteur, en 2007 et 2008, de deux tentatives d’enlèvement d’une lycéenne et d’une joggeuse, suivies d’agressions sexuelles. Le Parisien avait rapporté le dénouement de son procès en 2011 : 12 ans de réclusion criminelle, assortis d’un suivi sociojudiciaire jusqu’en 2021.
« Je veux être enfermé, je suis dangereux »
Libéré en 2017, le Meldois se tenait a priori à carreau. Du moins sur le plan sexuel. En revanche, son juge de l’application des peines devait le rappeler souvent à l’ordre, tant il prenait à la légère ses obligations. Ce qui lui avait valu trois retours en prison, en 2020, 2021, 2022. Et voici que le 5 septembre dernier, il récidive. Ce mardi-là, il agresse une professeure qui retourne en classe après son déjeuner. Il la saisit par une épaule, lui met une main aux fesses. « Excusez-moi, Madame », dit-il en s’enfuyant. Elle porte plainte.
Grâce à la vidéosurveillance des rues de Meaux, la police découvre David, retrace son parcours. Dix minutes avant d’attaquer la prof, à 13h50, on le voit saisir à pleine main les seins d’une première femme. Puis, à 14h30, les policiers le repèrent tripotant les fesses de la mamie qui va clopin-clopant avec son rollator. Le prévenu répond des trois agressions en récidive, dont une sur personne vulnérable.
La présidente : « – Que se passe-t-il dans votre tête ?
– Je ne sais pas, j’ai fait n’importe quoi à cause d’un problème de travail en août.
– Pas “n’importe quoi”, ce sont des délits !
– C’était en passant, comme ça, j’ai levé la main, et voilà…
– Vous les trouviez jolies ?
– Même pas ! Je ne les ai pas regardées. J’ai repris la bouteille après la perte de mon boulot.
– Et comment voyez-vous les choses, maintenant ?
– Je veux être enfermé, je suis dangereux. Je n’ai personne sur qui compter. Je fais dépression sur dépression. »
« Il ne voit pas un être humain mais un objet de désir sexuel »
Lorsqu’il est arrêté, ivre mort, il admet se souvenir des premières femmes, pas de la septuagénaire. L’étude de son téléphone portable révèle qu’il est accro aux sites pornos. Le procureur Alexandre Boulin : « – Vous avez des pulsions, c’est ça ?
– Oui. Je suis malade. J’ai besoin de parler. Il me faudrait des soins tous les mois. Je ne fais rien de la journée, ça n’aide pas… »
L’homme se gratte maniaquement le coude droit. Le psychiatre signale sa « grande émotivité affective » et une pathologie effectivement menaçante. Il vit seul, sa mère l’a abandonné à l’âge de deux mois, il n’a pas construit de relations solides. Hébergé par une association, il doit par ailleurs solder une amende pénale de 30 000 euros. Et il envoie promener ses employeurs. Bref, rien ne tourne rond dans sa vie.
Les plaignantes ne demandent rien. Le procureur parle en leur nom : « Ce dossier est l’illustration des violences quotidiennes faites aux femmes qui ne peuvent plus se promener sans être regardées, touchées. Si la première victime n’a pas déposé plainte, c’est parce qu’elle s’est dit “à quoi bon ? De toute façon ça recommencera.” » M. Boulin s’inquiète « de la récidive, de ses pulsions avouées. Il ne voit pas un être humain mais un objet de désir sexuel ». Il requiert deux ans d’emprisonnement, le maintien en détention, s’oppose « à tout aménagement ».
Me Vinciane Jacquet, du barreau de Meaux, préfèrerait toutefois qu’il soit placé en détention à domicile sous surveillance électronique. Elle plaide la « fragilité psychologique » de David, « seul, affaibli, sans amis ni famille. Il ne voit son psychiatre qu’une fois par trimestre, c’est compliqué d’avoir des rendez-vous, il a conscience d’être malade et voudrait être soigné ». Elle insiste aussi sur « l’absence d’agression sexuelle entre 2008 et 2023 », sur « des actes de gravité moindre » comparés aux crimes précédents. Me Jacquet est dans son rôle.
Cependant, le tribunal doit protéger la société. Les juges décident donc de réincarcérer David pendant 18 mois. Son nom est inscrit au Fijais, le fichier des auteurs d’infractions sexuelles dont les impératifs permettront de le garder à l’œil lorsqu’il ressortira. Enfin, il n’aura plus le droit de se balader à Meaux jusqu’en 2026.
Le condamné gratte furieusement son coude et disparaît avec son escorte.
Référence : AJU391088