Tribunal de Meaux : Les gendarmes retrouvent le malfaiteur endormi sous un arbre

Publié le 27/10/2023

De deux choses l’une : soit Rudy le roublard a joué de malchance quand il a piqué un somme sur un sentier cerné par les enquêteurs ; soit il était avec les voleurs qui ont refusé d’obtempérer au barrage de Coutevroult (Seine-et-Marne) et, alors, il se moque du tribunal de Meaux.

Tribunal de Meaux : Les gendarmes retrouvent le malfaiteur endormi sous un arbre
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

Rudy, 44 ans, est incarcéré depuis son arrestation, le 19 août dernier. Vêtu d’un tee-shirt blanc qui épouse son athlétique musculature, il oppose à ses juges et au procureur une mine chafouine, les yeux presque larmoyants. Il fait l’objet d’une comparution à délai différé (CDD) pour vol aggravé par deux circonstances et recel de bien volé, deux infractions en récidive, et un refus d’obtempérer à la sommation des gendarmes du PSIG, le peloton de surveillance et d’intervention déployé deux jours plus tôt à Coutevroult, aux abords de l’autoroute A4. Cette nuit-là, le PSIG était aux trousses de gens du voyage qui venaient de dérober le camion Iveco d’une entreprise, avec une Renault Laguna également subtilisée. Seul Rudy a été interpellé après l’abandon, par les brigands, des deux véhicules accidentés lors de la fuite. Le propriétaire a vu « deux ou trois hommes » s’échapper dans « une Mercedes ».

Le choix d’un procès en CDD s’est imposé afin de permettre l’analyse ADN des traces relevées dans l’Iveco, la Laguna, sur un gant, des masques. Les dix prélèvements effectués, y compris de sang, n’ont pas permis de situer Rudy sur la scène des délits bien qu’il ait été retrouvé à proximité, sous un arbre, assoupi. Aussi le prévenu peut-il dérouler son histoire, un peu tirée par les cheveux, devant les membres de sa communauté venus le soutenir à la 1re chambre correctionnelle.

« J’ai entendu un coup de fusil, j’ai eu peur »

 Selon Rudy, le hasard l’a mené au mauvais endroit, au mauvais moment : « Je suis totalement étranger aux faits », affirme-t-il. « Le 17, j’avais fait des travaux chez des gens du voyage. Vers 18 heures, j’avais bu du whisky, de la vodka, quelques bières, et j’ai endommagé un volet que je ponçais. L’un des gars s’est énervé, il m’en a mis une, sa chevalière m’a blessé à la lèvre. » Le coup porté par un poing bagué explique sa plaie sanguinolente : rien à voir avec l’accident consécutif au refus d’obtempérer. Il poursuit : « Ils ont commencé à m’arracher mon pantalon. J’ai pris la fuite, je voulais rejoindre ma famille, me réfugier auprès d’elle. C’est alors que j’ai entendu un coup de fusil, j’ai eu peur. J’ai couru sur 200, 300 mètres environ, je me suis mis à l’abri sous un arbre. Et comme j’avais bu, je me suis endormi… » Pile poil sur le sentier tout proche du barrage formé par le PSIG de Coulommiers ! « On peut s’étonner de la coïncidence, reconnaîtra Me Thierry Benkimoun, son défenseur, mais d’où vient l’interprétation qu’il tente de se soustraire aux gendarmes ? »

« L’interprétation » naît de plusieurs facteurs : Rudy porte un masque, un gant, se cache à proximité immédiate du lieu des faits, son casier judiciaire fait de lui « un spécialiste des vols de voitures », précise le procureur Éric de Valroger. « C’est même impressionnant », ajoute-t-il, déconcerté.

« Son passé judiciaire ne fonde pas sa culpabilité »

 La présidente Isabelle Verissimo rapporte 25 condamnations depuis 1998, principalement pour vols aggravés et violences. Les recels, délits de fuite et association de malfaiteurs complètent le palmarès de Rudy, maître dans l’art d’échapper aux mandats d’arrêt décernés contre lui. Libéré en octobre 2022 après avoir purgé trois ans ferme, il jure s’être assagi. L’habit ne fait pas le moine, dit-on, laissons-le s’expliquer. Le gant ? « Pour les travaux. » Le masque ? « Pour me protéger des poussières quand je ponce. » Quant à la cachette, on l’a indiqué, elle relèverait d’un malheureux hasard.

Le procureur de Valroger estime au contraire « que le lieu de la fuite est le plus adéquat » et que « même s’il nie », il est impossible qu’il se soit trouvé à cet endroit qu’ont justement fui les autres voleurs. Il requiert 18 mois de prison, dont moitié avec un sursis probatoire de deux ans, l’obligation de travailler et de soigner son addiction à l’alcool. Il souhaite le voir maintenu en détention.

Me Benkimoun semble stupéfait : « La comparution à délai différé devait permettre d’expertiser les prélèvements dans l’Iveco et la Laguna. Or, que nous indiquent les résultats ? Le sang n’est pas celui de mon client. On n’y a pas démontré sa présence à bord. J’attendais du ministère public qu’il en tienne compte au lieu de s’arc-bouter sur le casier de Monsieur ! Son passé judiciaire ne fonde pas sa culpabilité. Si les investigations que vous avez commandées permettent d’écarter sa présence, il faut en tenir compte ! » En conclusion, Rudy répète n’avoir « rien fait ».

Le tribunal le relaxe du refus d’obtempérer, le déclare coupable des autres infractions. Il est condamné à un an de détention. Ayant passé deux mois au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin, il effectuera les dix derniers à domicile, sous bracelet électronique. Rudy paraît satisfait. Sa famille part l’attendre devant la prison, où doit être formalisée sa levée d’écrou.

 

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