Tribunal de Meaux : « On ne fait pas justice soi-même ! »

Publié le 04/10/2023

Roulé par un autoentrepreneur, Gérald a réglé son contentieux à coups de poing après avoir géolocalisé Stanley à l’aide de traceurs. Puis il lui a volé sa sacoche et une camionnette empruntée. Le tribunal de Meaux (Seine-et-Marne) l’a condamné à porter un bracelet électronique.

Tribunal de Meaux : « On ne fait pas justice soi-même ! »
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

Le procureur Éric de Valroger résume l’infraction : « Un tabassage en règle et en réunion. » Le vol avec violence, aggravé par la commission à deux, a été perpétré en récidive ; le prévenu encourt donc 20 ans de prison. Gérald, grand gaillard de 35 ans, est conscient du risque : familier des tribunaux, son casier affiche 12 condamnations. La plus lourde a été prononcée pour enlèvement, séquestration, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours. Les autres se rapportent à des coups et blessures, y compris sur personne dépositaire de l’autorité publique.

Cette fois, l’homme qu’il a frappé le 2 août sur le parking du Bricoman de Villeparisis, en milieu d’après-midi, n’a pas subi d’ITT même s’il a été bien secoué – en témoigne « son pull taché de sang », selon des témoins, et ses hématomes sur le crâne. Après avoir été secouru, Stanley a déposé plainte, retirée dès le lendemain en raison de ses propres antécédents et de l’argent dû à Gérald. Il n’est du reste ni présent, ni représenté.

 « Très malhonnête », Stanley doit 56 000 € à Bricoman

Stanley, homme à tout faire sous le statut d’autoentrepreneur, a accepté à la fin de l’année 2022 d’effectuer des travaux dans le commerce de Gérald. Lequel lui verse un acompte de 10 200 € pour acheter les matériaux. Mais le chantier est vite laissé à l’abandon. Et Stanley disparaît, d’abord en Haïti, ensuite au Maroc. Gérald finit par le retrouver, Stanley lui signe un chèque en bois de 3 500 €. Le premier voit rouge, le second prend peur : il met en gage sa camionnette, sans préciser à son créancier qu’elle ne lui appartient pas. Méfiant, Gérald place des traceurs sous la Smart et la camionnette que Stanley utilise pour ses déplacements. C’est ainsi qu’à bout de nerfs, ayant patienté huit mois, il géolocalise son débiteur chez Bricoman à Villeparisis le 2 août. Avec un ami, qui a depuis pris la poudre d’escampette, il décide de s’emparer du Renault Master. Une rixe s’ensuit, la police intervient. Elle trouve Gérald et Stanley, le complice a filé avec la sacoche et le fourgon.

« Vous avez le sang chaud », remarque la présidente Florentin-Dombre. À la barre ce 29 septembre, libéré à l’issue de 43 jours d’emprisonnement, le prévenu, élégant et respectueux, tente de s’expliquer : « Je ne vais pas nier, j’ai fait une bêtise. J’avais déposé une plainte contre lui, il a fui à l’étranger après un jugement pour escroquerie et abus de faiblesse. Mon intention se limitait à récupérer le camion promis. » Le gérant de Bricoman apporte de l’eau à son moulin : il qualifie Stanley de « très malhonnête », précise qu’il a chez lui une ardoise de 56 000 €. Toutefois, rappelleront la présidente et le procureur, « on ne fait pas justice soi-même ! »

« Je n’étais pas dans l’esprit d’une vendetta »

 Gérald n’en finit plus de présenter ses excuses à « Madame la juge », livre des justifications à chaque incident du passé – tantôt un chauffeur de taxi qui l’a « chauffé », tantôt les policiers qui voulaient l’obliger à souffler dans le ballon. Toutes les sanctions inscrites à son casier relèveraient finalement d’un malentendu. Et ce 2 août, ma foi, Stanley a frappé le premier.

« – C’était de la légitime défense ? » s’étonne Isabelle Florentin-Dombre.

– Disons que je n’ai pas mis le premier coup. Je voulais être remboursé, je n’étais pas dans l’esprit d’une vendetta. J’ai pris une mauvaise décision.

– Votre casier ne plaide pas en votre faveur.

– Tout ça, c’était dans ma jeunesse…

– Votre jeunesse ? En 2022 ? » [Date de la dernière condamnation].

« Je peux comprendre que, victime d’un autoentrepreneur, on soit énervé, contrarié, convient le procureur. Mais cela ne justifie pas la violence ! » La vidéosurveillance ayant filmé l’altercation, « coups de poing et balayette » contre Stanley, il requiert huit mois aménageable, en détention à domicile sous bracelet électronique (DDSE) pour le reste à purger (les 43 jours en prison s’ajoutent à la peine) et l’interdiction de détenir une arme jusqu’en 2028.

L’avocat de la défense parle « d’une scène de récupération », rappelle que le fourgon et la sacoche, « prise dans la précipitation », ont été restitués le lendemain des faits, invoque « des baffes » façon Booba, ce rappeur qui en assène virtuellement à tour de bras.

En suivant les réquisitions du parquet, le tribunal retient l’essentiel : il est interdit de se venger. Les huit mois en DDSE sont complétés d’interdiction de paraître dans la ville de la victime et d’entrer en contact avec elle durant trois ans. Gérald n’est pas près de récupérer son argent.

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