Tribunal de Meaux : « Parlez-moi tranquille, je ne suis pas un chien ! »
Des hurlements. De violents coups dans la porte menant à la souricière du palais de justice de Meaux (Seine-et-Marne). Les juges ont convenu que Rida, qui s’est débattu avec fureur entre quatre policiers, n’était pas en état de comparaître pour menaces à l’encontre de deux avocates.
Rida, 31 ans, apparaît dans le box des prévenus à 15 h 55, le 12 septembre : hagard, débraillé, échevelé. Un court instant, il fixe les magistrats, jette un regard à la greffière, l’arrête sur le public. Dans le brouillard qui le nimbe, a-t-il distingué l’une des avocates qui a porté plainte contre lui ? Contrarié, l’homme s’écroule sur le banc, pose la partie droite de son crâne contre le Plexiglas et semble s’endormir.
« Monsieur B. ? », lance la présidente d’une voix douce. Puis elle hausse le ton pour le sortir de sa torpeur. Troisième tentative. « Monsieur B. ! Levez-vous ! » Rida prend mal l’injonction : « eh, oh ! Parlez-moi tranquille (sic) ! Je ne suis pas un chien ! », riposte-t-il. « Calmez-vous ! », lui enjoint Isabelle Verissimo qui doit assurer la police de l’audience. « Je me calmerai pas ! », hurle Rida, qui s’en prend à son escorte. Il est évacué. On voit des bras et des jambes qui s’agitent ; il baisse sa tête comme un taureau en rage contre son matador.
Malade, il s’est enfui de l’hôpital psychiatrique
Il convient désormais de déterminer s’il va être jugé in absentia. Dans un premier temps, très court, le tribunal y est favorable même si Me Diala Al-Shaman, qui défend Rida, assure « qu’il est malade. J’ai demandé à deux reprises une expertise. Le parquet s’y est opposé, “pour le moment”, m’a-t-il été répondu. Et maintenant, nous en sommes là ».
« J’entends votre demande, Maître, toutefois… » Les propos de la juge sont soudain inaudibles, couverts par les hurlements du prévenu, redescendu au sous-sol. La porte de la souricière doit être en fer car le bruit des coups portés contre elle résonne métalliquement de vibrations assourdissantes. « Toutefois, reprend-elle une fois le silence revenu, on a déjà renvoyé son procès le 13 août », date de son incarcération après s’être enfui de l’hôpital psychiatrique.
Poursuivi pour menace de crime ou délit envers deux avocates de Seine-et-Marne, le 19 juillet dernier, il lui est en outre reproché le non-respect de ses obligations : il fait l’objet d’une Micas (mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance) pour prévenir un acte de terrorisme et ne « pointe » plus au commissariat. Le dossier est donc « sensible », d’autant que Rida s’en est déjà pris aux conseils avant leur dépôt de plainte.
« Un individu particulièrement dangereux »
Il s’est montré menaçant à leur égard pour des broutilles : elles exigeaient des papiers afin qu’il bénéficie de l’aide juridictionnelle ; il a refusé de leur donner. Un mot, un autre, et Rida a perdu les pédales. Par l’entremise de son confrère Jean-Louis Granata, l’une des avocates, présente, ne s’oppose pas à un second renvoi de l’affaire. « L’expertise nous paraît effectivement utile », convient la partie civile.
Sans doute étonnée que son parquet n’ait pas ordonné un examen médical approfondi durant l’été, la procureure Louise Sahali estime que les droits de Rida doivent être respectés : « J’étais en défaveur d’un nouveau renvoi, j’ai changé d’avis. Il fait l’objet d’une ordonnance de placement d’office en psychiatrie jusqu’au 25 novembre et je propose que l’on procède d’ici là à l’expertise. Mais c’est un individu particulièrement dangereux envers les autres, par conséquent je ne souhaite pas qu’il soit remis en liberté. »
Me Diala Al-Shaman plaide la santé « inquiétante » de son client, « grand traumatisé crânien, victime de violences graves » qui l’ont laissé en piteux état. « Il a des hématomes cérébraux, il a entamé une grève de la faim, il a besoin de soins », conclut à raison la défenseure du Barreau de Paris.
A 16 h 40, la présidente Verissimo et ses assesseurs rendent un délibéré qui honore la justice : le dossier de Rida sera examiné le 10 octobre. Le tribunal a désigné un psychiatre qui établira un diagnostic sérieux. En attendant, il est réincarcéré à Meaux-Chauconin. Me Al-Shaman descend informer Rida dans la souricière. Pas de cri. Aucune protestation ne se fait entendre. On en déduit que le prévenu est apaisé, peut-être même satisfait.
Référence : AJU318584