Tribunal de Meaux : pour acheter sa drogue, il deale, vole… et travaille dans la sécurité

Publié le 30/06/2023

Amine pensait sincèrement qu’il pourrait encore assurer les missions de protection des personnes et des biens, et pourquoi pas pendant les Jeux Olympiques, tout en poursuivant son business illégal. Prévenu de vols aggravés, de plusieurs tentatives, de port d’arme et de trafic de cannabis, il n’a même pas comparu à son procès.

Tribunal de Meaux : pour acheter sa drogue, il deale, vole… et travaille dans la sécurité
Intérieur du TJ de Meaux ©I. Horlans

 « Monsieur B. est présent ?.. Non ? Compte tenu de son profil, ce n’est pas étonnant… » Par ces mots prononcés d’un ton agacé, le président de la 3e chambre correctionnelle du tribunal de Meaux (Seine-et-Marne) ouvre son audience chargée. Monsieur B., c’est Amine, qui a fêté ses 26 ans en avril. Le 15 septembre 2022, il a été condamné par défaut à huit mois de prison, aménageables en détention à domicile sous surveillance électronique. Le 30 mai précédent, il avait été placé sous contrôle judiciaire en attendant les conclusions de son expertise psychiatrique. Ayant contesté le jugement in absentia, on imaginait donc Amine venir se défendre bec et ongles en cette fin juin, quinze mois après les dix délits commis entre les 5 et 8 mars 2022 à Coulommiers.

Il avait semble-t-il mieux à faire. Aussi est-il représenté par sa curatrice et son avocate qui vont tenter de minimiser les faits, perpétrés au préjudice de cinq plaignants. Avec son complice mineur, déjà sanctionné par le juge des enfants, il a été arrêté en possession de quatre sacs de sport remplis de bijoux, montres, briquets, d’adaptateurs et de babioles, allant des paquets de bonbons Tic-Tac aux graines de fleurs. Dans le parking où ils opéraient, brisant les vitres de voitures stationnées à l’aide du pic à glace de la SNCF dérobé par Amine, ils ont volontiers reconnu ne pas être propriétaires des objets saisis. Lesquels ont été, pour la plupart, restitués aux victimes.

Pochons, balance, pistolet, couteau et 38 grammes de cannabis

 Lorsque les policiers ont effectué une perquisition au domicile du majeur, plus précisément chez ses parents, ils ont découvert une balance de pesée, 131 sachets et des pochons destinés à la vente de stupéfiants, un pistolet d’alarme, 38 grammes de cannabis : « Je les ai ramassés dans la rue », s’est défendu Amine, sans évidemment convaincre quiconque. Équipé du pic à glace, le jeune homme portait aussi un couteau. Circonstance aggravante, doublée d’une seconde : la série de vols et tentatives exécutée en réunion. Sur la seule base des dix chefs de prévention, Amine est déjà mal parti.

Il l’est un peu plus lorsque le juge Servant révèle qu’il dépense 1 500 € par mois pour assouvir ses besoins en cannabis, alors qu’il ne perçoit que 971 € d’allocation pour adulte handicapé. De sa pathologie, on ne sait presque rien, si ce n’est qu’elle lui vaut un placement sous curatelle renforcée d’une durée provisoire de 36 mois. Et la situation d’Amine devient encore plus problématique quand sa curatrice, à la barre et croyant bien faire, explique qu’il « effectue des missions d’intérim dans la sécurité », et qu’il « espère poursuivre cette activité ». Les magistrats échangent des regards éberlués.

Célibataire sans enfant, elle assure qu’il « a diminué sa consommation » et qu’il « est sous la garde de ses parents ». On comprend d’autant moins son absence.

« Un addict qui se finance grâce au deal, c’est insupportable ! »

 La procureure Debuse veut bien « prendre en compte son casier judiciaire vierge » – le précédent jugement étant contesté, il n’y figure pas encore – et aucune entorse à la loi constatée depuis mars 2022. Mais elle s’inquiète du travail qu’exerce Amine : il ne peut à la fois assurer la sécurité d’autrui et voler pour se droguer. Aussi s’oppose-t-elle à la dispense d’inscription de sa condamnation au bulletin n° 2 du casier, destiné aux employeurs et particulièrement réclamé dans le secteur de la sécurité. Elle requiert huit mois de prison assortis d’un sursis probatoire de deux ans, avec exécution provisoire, ainsi que l’obligation de se soigner, de travailler, d’indemniser les cinq parties civiles.

Me Émilie Polo doit composer au mieux avec un dossier préoccupant. Elle choisit de charger au maximum le mineur « condamné de multiples fois », qui « était muni dans le parking d’une pelle rouge pour briser les vitres ». Une défense qui ne fait disparaître ni le pic à glace ni le couteau, ni le butin en possession d’Amine, ni les 38 grammes de drogue.

Le prévenu est à nouveau déclaré coupable. Les réquisitions sont suivies, les juges lui imposent de verser 1 000 euros aux plaignants, lui interdisent également de porter une arme. « Un addict qui finance sa consommation grâce au deal et au vol, c’est insupportable ! », tempête le président, « et la non-inscription au B2, c’est non ! Hors de question qu’il soit employé dans la sécurité tant qu’il consomme du cannabis. En plus, il n’était même pas là aujourd’hui… »

Somme toute, Amine ne s’en tire pas trop mal. Le tribunal a considéré que « la légère diminution de son état de santé », notée par l’expert psychiatre, justifiait une excuse atténuante. Ce qui, toutefois, ne lui permettra pas de se porter volontaire pour sécuriser les JO d’été à Paris en 2024.

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