Tribunal de Meaux : Quatre mois de prison pour une fausse alerte à la bombe

Publié le 22/11/2023

Le procureur de la République à Meaux (Seine-et-Marne), Jean-Baptiste Bladier, prévient : il poursuivra « systématiquement les individus », et quel que soit leur âge, coupables d’appels ou de mails faisant état de la présence d’un engin explosif. La semaine dernière, trois d’entre eux ont été déférés au tribunal.

Tribunal de Meaux : Quatre mois de prison pour une fausse alerte à la bombe
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

 Ils se croient à l’abri derrière leur VPN (virtual private network), ce système qui permet de dissimuler une adresse Internet et, ainsi, de passer inaperçu sur la Toile. Ils pensent aussi qu’un appel en numéro masqué à partir d’un téléphone à carte SIM prépayée empêchera leur identification. Ils ignorent que les opérateurs de télécommunications transmettent leurs données aux enquêteurs lorsqu’un délit est commis. « Ils », ce sont « les gros abrutis », expression du ministre des Transports Clément Beaune*, qui envoient un mail ou passent un appel anonyme pour « prévenir » qu’un engin explosif a été déposé en tel ou tel endroit.

Depuis l’attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre puis l’assassinat le 13 par un djihadiste du professeur Dominique Bernard à Arras (Pas-de-Calais), les alertes à la bombe se multiplient en France. S’il a toujours existé (670 personnes condamnées pour ces faits en 2022), ce phénomène a gagné en intensité au cours des sept dernières semaines, visant à chaque fois des sites à forte fréquentation. Dans le ressort de la juridiction meldoise, deux établissements scolaires et un centre commercial ont notamment été visés.

Suspecté, l’agent de maintenance d’un lycée est suspendu

 Au tribunal judiciaire de Meaux, la réponse du procureur Bladier tient en un mot : « répression ». Il rappelle que ces agissements peuvent avoir « de graves répercussions ». D’abord sur la vie des personnes qui doivent fuir, terrorisées, leur lieu de travail, de loisirs, d’éducation. Également sur « les institutions victimes ». Enfin, « ces infractions mobilisent inutilement des policiers et gendarmes », déjà beaucoup trop sollicités. Il a donc décidé de « poursuivre systématiquement » les auteurs de ces fausses alertes.

C’est ainsi qu’un jeune agent de maintenance, en poste au lycée Pierre-de-Coubertin à Meaux, a été présenté samedi dernier à un juge des libertés et de la détention, qui l’a placé sous contrôle judiciaire jusqu’à son procès, audiencé le 5 février 2024. Interpellé la veille par la police, il est soupçonné d’avoir passé deux coups de téléphone alarmants le 16 novembre, dans un premier temps à sa propre direction, puis au lycée Henri-Moissan, situé à un kilomètre. « Il conteste en être à l’origine, précise Jean-Baptiste Bladier, malgré les preuves recueillies. » Suspendu par son employeur, l’agent n’a plus le droit de s’approcher des deux établissements, où le personnel et les élèves ont été très choqués. Particulièrement à Coubertin où il s’agissait ce jeudi 16 de la quatrième alerte en cinq jours, selon nos confrères du journal Le Parisien, évidemment toutes suivies d’une évacuation.

Inspection des 110 boutiques de « La Vallée Village »

 Autre lieu ciblé : le centre commercial « La Vallée village » sis à Serris, aux abords de Disneyland. Ce mardi 14, c’est par mail que l’un des salariés des magasins d’usine d’enseignes de luxe a prévenu qu’une bombe aurait été posée. Le personnel a dû fouiller les 110 boutiques, les cafés et restaurants, les policiers de Chessy et Lagny-sur-Marne inspectant, eux, les extérieurs. L’auteur du message électronique, âgé d’une quarantaine d’années, a été identifié et arrêté le lendemain. « Il a reconnu les faits, indique M. Bladier, expliquant avoir voulu se venger d’un agent de sécurité avec lequel il avait eu une altercation quelques jours auparavant. » Jugé dans le cadre d’une CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, et ne pourra plus paraître à La Vallée Village durant six mois, où il travaillait jusqu’alors.

Le 10 novembre, un mineur étudiant au centre de formation des apprentis (CFA) d’Ocquerre avait aussi été rapidement identifié par les gendarmes de Lizy-sur-Ourcq : la veille, il avait posté un message menaçant son CFA, « pour faire un canular ». Présenté au juge des enfants, il fait l’objet d’une mesure éducative provisoire et sera jugé le 21 décembre.

De tels faits entraînent « l’ouverture d’une enquête en flagrance des chefs de fausses alertes et/ou violences psychologiques possiblement aggravées par la circonstance de la commission dans des établissements scolaires », précise le chef du parquet. Rappelons les peines encourues à qui imagine faire une blague : deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende si l’on est vecteur de la menace, et jusqu’à trois ans si l’on est l’auteur du péril. À cela, il convient d’ajouter les éventuels dommages et intérêts.

 

* Dans l’émission « Questions politiques » sur France Inter le 22 octobre

Tribunal de Meaux : Quatre mois de prison pour une fausse alerte à la bombe
Jean-Baptiste Bladier le 7 octobre 2022 à la 1ère chambre correctionnelle de Meaux. L’ex-procureur de Senlis (Oise) dirige un parquet constitué de 20 magistrats (Photo : ©I. Horlans)

 

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