Tribunal de Meaux : « Sa fuite toute nue ? C’était une mise en scène pour les voisins ! »

Publié le 05/05/2023

Ils se sont affrontés durant deux heures devant la 4e chambre du tribunal correctionnel de Meaux (Seine-et-Marne). Une épreuve, tant ce « couple toxique », selon l’expression de la défense, a électrisé la salle d’audience par le déballage de son intimité orageuse. Wilfrid, prévenu de violence sur sa compagne, n’a cessé de l’accabler. Il a finalement été condamné.

Tribunal de Meaux : « Sa fuite toute nue ? C’était une mise en scène pour les voisins ! »
Intérieur du TJ de Meaux ©I. Horlans

« Elle est méchante et agressive » ; « je ne veux plus jamais être confronté à cette personne, à sa noirceur, à ses mensonges, ses tricheries » ; « elle m’a mis en état de dépendance affective. » Ainsi Wilfrid se défend-il face à son « adversaire », une très belle femme au regard triste qu’il a passionnément aimée. Désormais, alors qu’il fête ses 59 ans devant les magistrats, il la voit comme une ennemie, parce qu’elle a déposé plainte à deux reprises contre lui. D’abord le 30 novembre 2022, puis le 9 décembre, pour des violences commises à leur domicile.

Plus exactement chez Wilfrid, comme il le précisera plusieurs fois afin que l’on comprenne bien : s’il l’hébergeait, elle lui devait au moins du respect. Notamment en n’écoutant pas ses rythmes techno préférés : « Je lui ai dit fermement que les Daft Punk à fond dans la salle de bain depuis dix mois, ça suffisait ! », reconnaît-il. Et l’on réalise au fil des débats que l’ex-duo star de la musique électronique fut souvent à l’origine des bouffées de colère.

« Ce n’est pas ma faute si j’ai de la force dans les mains »

Du coup de foudre qui a frappé Wilfrid en janvier 2022, il ne reste qu’une béance d’amertume et de rage. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les regards noirs qu’il jette à Pénélope. Et, surtout, de l’écouter : « Je l’ai prise chez moi au bout de trois semaines de relation », dit-il de la femme assise à deux mètres derrière lui, « chosifiée ». « Il parle d’elle comme d’un objet dont le rapport qualité/prix serait décevant », relève à raison l’avocate de l’élégante quarantenaire.

Daft Punk, donc. Selon les codes patriarcaux de Wilfrid, offrir l’hospitalité à son amante suppose qu’elle lui en soit reconnaissante. Et le “Get Lucky” du groupe qu’elle chante en se douchant l’exaspère dès le premier mois de cohabitation. Blouson en cuir, lunettes rectangulaires, l’architecte admet avoir « craqué » le 30 novembre, l’attrapant par les bras pour lui confisquer le téléphone qui crachait les décibels de techno. D’où « les ecchymoses », constatées par un médecin. « Ce n’est pas ma faute si j’ai de la force dans les mains, justifie-t-il. J’ai fait un mea culpa devant le contrôleur judiciaire. »

La présidente : « – Et auprès de Madame ?

–  Je m’excuse auprès d’elle, si c’est ce que vous voulez…

–  Le tribunal ne veut rien, Monsieur. »

Wilfrid soupire bruyamment. Prend-il la réponse au premier degré ?

« Une clocharde, une profiteuse »

Daft Punk, encore. À la barre, Pénélope raconte les scènes de ménage. Dès le 16 septembre, elle a déposé une main courante « pour [se] protéger car c’est une brute ». Les crises débutent souvent à cause de la musique qui la détend, dans la salle de bain, à son retour du travail. Mais le déferlement de reproches a d’autres causes. « Tu es une clocharde, une profiteuse », au motif qu’elle gagne très peu d’argent, qu’il la fait vivre. Il la trouve obèse, elle mange mal, elle mange trop, elle est vulgaire, elle a de mauvais goûts, elle rapporte de l’alcool à la maison. Difficile de croire que ces gracieusetés s’adressent à la femme fine et distinguée en larmes à l’audience.

Pénélope évoque la violence des deux dates retenues dans la prévention : tirée par les bras de la salle d’eau, giflée, jetée sur le lit, la fuite, l’appel à la police. « La voisine qui entendait les hurlements » l’a même récupérée nue sur le palier de l’immeuble. Wilfrid : « Sa fuite toute nue ? C’était une mise en scène pour les voisins ! Je me suis dit : “Elle m’a piégé”. Elle préparait son coup depuis des mois. Elle a des problèmes psychologiques et moi, j’ai été naïf et stupide. »

Il a réponse à tout, sourit de ses bons mots, se retourne pour montrer à son ex-compagne combien il la méprise. Ses yeux disent la haine ; le rictus des lèvres témoigne du dédain.

« Le prince charmant » qui mue en “Mister Hyde

Pénélope déplie un troisième mouchoir. Le prévenu poursuit sa litanie, les détails sordides se multiplient, la voici maintenant accusée de draguer sur l’application Meetic, sous son nez par-dessus le marché. Sa dizaine de « va te faire enculer » entendus le 30 novembre ? « Je m’adressais à son ex avec qui elle parlait au téléphone. » Bref, avec ou sans Daft Punk, la relation des amoureux était vouée à l’échec ; la rupture est consommée. « J’ai avancé des mois dans des sables mouvants », conclut Wilfrid.

L’avocate de la partie civile souligne que « le prince charmant des débuts, protecteur » s’est transformé en « Mister Hyde d’une jalousie maladive », en homme « tyrannique, violent, dominateur » face à une femme « fragile, très anxieuse, angoissée selon le psychiatre ». Elle regrette qu’il soit « dans le déni », l’appelle « à sortir de l’inversion du réel ».

Du dossier, la procureure Louise Sahali a « une lecture plus nuancée ». Si les violences du 30 novembre méritent « une peine d’avertissement », soit quatre mois de prison avec sursis pour tenir compte d’un casier judiciaire vierge, celles du 9 décembre étant insuffisamment établies, elle requiert la relaxe.

La défenseure de Wilfrid, pointant « les accusations en miroir », considère « sans aucun doute » que les deux moitiés de ce « couple toxique » se sont détruites l’une l’autre. « Et son préjudice à lui, qui paie le garde-meubles où elle a ses affaires ? Personne n’en tient compte », déplore-t-elle.

Pénélope, hébergée par le Samu social, n’en finit plus de pleurer. Le khôl de ses paupières a tant coulé qu’il trace deux cernes.

La présidente Amandine Retourné rend son jugement en fin d’après-midi. Wilfrid, arrivé à 13h30, arrête enfin de faire les cent pas. Il est condamné à payer une amende de 500 euros pour le seul délit du 30 novembre, à verser 300 € à Pénélope, 800 à son avocate. Il a interdiction de contacter la victime durant deux ans et doit suivre un stage contre les violences conjugales. Il quitte l’audience en fulminant.

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