Tribunal de Meaux : Scène de violence conjugale par temps de Covid-19

Publié le 26/01/2022

En novembre 2021, Baby a « fait n’importe quoi », convient-il devant le tribunal de Meaux (Seine-et-Marne). Empêché par la pandémie d’aller voir sa fille internée d’office en Espagne, puis à l’enterrement de sa mère en Angleterre, il a explosé et roué de coups son épouse.

Tribunal de Meaux : Scène de violence conjugale par temps de Covid-19
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

Michèle n’est pas à l’audience, elle n’a même pas déposé plainte. Elle n’en veut plus à son conjoint qui ne l’avait jamais frappée. Depuis ce soir du 9 novembre dernier, date de la dispute, le couple cohabite sans heurts mais est cependant convenu de se séparer.

Déféré en comparution immédiate le 21 janvier à l’issue de sa courte garde à vue débutée la veille, Baby se tient droit dans le box des prévenus. Il n’a pas l’intention de se dérober. Le Congolais de 46 ans, qui a noué ses fines tresses en queue de cheval, admet devant les magistrats de la 1ère chambre correctionnelle qu’il a effectivement battu Michèle alors qu’elle tenait leur bébé d’un an. Il s’en est fallu de peu qu’une des gifles assénées n’atteigne l’enfant. Baby en est conscient, qui dit « revoir la scène en boucle » depuis onze semaines.

« Je suis étonnée, Monsieur est très gentil, très serviable »

 Jeudi 20, le suspect de violence en présence d’un mineur s’est présenté au commissariat de Torcy, après avoir reçu une convocation des policiers qui étaient intervenus chez lui le 9 novembre. De 14 à 18 heures, il a répondu à leurs questions, sans minimiser les faits qu’il estime « inacceptables ».

La présidente Isabelle Verissimo les résume. Ce mardi soir, il rentre épuisé du travail et veut se coucher. Michèle le suit dans la chambre, lui indique vouloir partir à Lyon avec leur petit garçon. Baby n’accepte pas l’échec de leur vie commune, refuse la séparation. Il saisit sa femme au cou, lui porte des coups qui la font tomber à la renverse sur le canapé. Leur bébé hurle. Une dernière gifle « qui fait un bruit assourdissant dans [sa] tête », dira la victime, et Baby verrouille l’appartement. Michèle jette des affaires par la fenêtre en appelant au secours. A 20h15, une voisine sonne à la porte et le silence revient, tandis qu’arrive la police.

Entendue, la voisine n’en revient pas d’avoir perçu autant de hurlements dans ce logement d’ordinaire si calme : « Je suis étonnée, Monsieur est très gentil, très serviable. Il fait mes courses depuis quatre ans. Le lendemain, il m’a présenté ses excuses. » Il a aussi demandé pardon à la patronne du bar situé en bas de l’immeuble où ont atterri les affaires de Michèle. « Il ne s’est jamais montré violent envers moi », confie cette dernière à la police. Alors, que s’est-il passé dans la tête de Baby pour qu’il se déchaîne ainsi ?

« Ce que vous décrivez est un effet cocotte-minute… »

 Il explique, sans toutefois justifier sa colère : « A l’époque, j’emmagasinais les problèmes. Ma fille de 18 ans, qui vit en Espagne avec sa mère, faisait des allers-retours en psychiatrie. Elle ne mange plus. Elle venait d’être de nouveau internée d’office. J’étais allé la voir mais là, c’était impossible. » Les restrictions de circulation entre pays, imposées par la recrudescence du virus à l’automne, lui interdisent de visiter sa fille anorexique. « Pour cette raison, je n’ai pas pu assister aux obsèques de ma mère en Angleterre où réside ma famille », ajoute-t-il. L’éloignement des siens, la solitude en France, la séparation imminente, la pandémie de Covid-19 qui s’éternise, la fatigue liée aux soucis et à son métier de cariste exercé depuis 15 ans ont eu raison de ses nerfs.

La présidente met des mots sur ses maux : « – Ce que vous décrivez est un effet Cocotte-minute… Comment être sûr que ça ne se reproduira pas ?

– Ce que j’ai fait est horrible. J’étais hors de moi. Maintenant, nous sommes d’accord pour que ma femme aille à Lyon, pour nous éloigner.

– Avez-vous songé à effectuer un travail sur vous-même, à consulter ?

– Je fais de mon mieux. Nous parlons. Nous avons conclu un accord stable, serein, et je souhaite que ça reste ainsi. Depuis novembre, elle dort avec le petit et moi, dans le canapé du salon. Nos relations sont apaisées.

– Le tribunal s’en réjouit, néanmoins, votre ton neutre fait un peu peur.

– Non, non, j’ai fait n’importe quoi, je le reconnais ! »

« J’aurais pu taper mon fils sans le vouloir »

 A l’évidence, Baby s’en veut : « J’ai vu la peur dans les yeux de Michèle, je crois qu’elle a senti qu’elle pouvait mourir. Et les images de mon bébé me poursuivent. Il était dans ses bras, il criait. J’aurais pu taper mon fils sans le vouloir. » Il réaffirme qu’il n’aura plus pareil comportement. Comment le croire lorsqu’on apprend qu’il fut condamné en 2008 pour violence sur la mère de son aînée, alors âgée de 4 ans ? Il élude, finit par convenir que « les enfants veulent voir leurs parents heureux ». En creux, il souligne son double échec.

La procureure insiste sur « la gravité des faits » : « Monsieur doit prendre conscience que le ministère public le laisse libre pour la dernière fois, sous réserve que le tribunal suive les réquisitions. » Mme de Saint-Vincent croit que huit mois avec sursis probatoire de deux ans et une obligation de soins suffiront à canaliser ses emportements.

Défenseur de Baby, Me Thierry Benkimoun relève « une concordance des versions, à la virgule près. Il aurait pu nier puisqu’il n’y avait ni plainte ni examen médico-légal. Ce n’est pas ce qu’il a souhaité (…) Reconnaître ses responsabilités participe de son processus de reconstruction, c’est à mettre à son crédit ». Il considère « les réquisitions frappées au coin du bon sens. La pression que nous subissons depuis l’apparition de la pandémie et les tensions que, lui, va incorrectement évacuer, s’apparentent au phénomène de Cocotte-minute, vous avez raison, Madame la présidente ». L’avocat en appelle à l’indulgence du tribunal.

Baby a la parole en dernier : « Je veux rester en bons termes avec Michèle, c’est une bonne personne et la mère de mon fils. Je suis vraiment désolé. »

A l’issue d’un court délibéré, il est condamné à la sanction requise. « Vous n’irez jamais en prison si vous respectez les termes du jugement. Compris ? »

Baby opine et remercie. Dans une petite heure, il retrouvera sa femme, son bébé et le canapé-lit du salon.

 

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