Tribunal de Meaux : « Si tu me quittes pour toujours, je me tue… »
Emma affirme que Maxens a changé « depuis sa conversion à l’islam ». Elle le trouve « bizarre » : « il se scarifie », la « harcèle » à son domicile, sur son lieu de travail. Déjà condamné deux fois pour violences sur son amie, il explique « l’aimer trop » et ne « pas supporter la rupture ».
Maxens, jeune homme de 24 ans tout maigrichon en survêtement Adidas, lunettes rectangulaires et barbe fournie, dit au tribunal de Meaux (Seine-et-Marne) qu’il a Emma « dans la peau » au propre et au figuré. « Je pense à toi tout le temps, ta date de naissance est tatouée sur mon corps », lance-t-il à l’absente, tourné vers le public où, prisonnier de son imagination, il croit la voir. Elle n’a pas eu la force de l’affronter après qu’il l’a agressée en pleine rue dans la soirée du 21 octobre 2022, à Thorigny-sur-Marne.
Prévenu de violence sur son ex-concubine, en récidive, Maxens s’est aussi attaqué à deux amies d’Emma qui voulaient la protéger. « Je souhaitais lui parler, comprendre pourquoi elle a rompu il y a deux ans sans me fournir d’explication. » Maxens s’est montré « insistant », concède-t-il, le visage cramoisi par le flot de larmes. Il est enfin poursuivi pour des faits commis à partir de janvier 2018.
« L’embrouille était banale, Maxens ne les a pas terminées »
Le chagrin du technicien n’attendrit pas les magistrats. Les directives de l’ancien Premier ministre Jean Castex, adressées à toutes les juridictions le 3 septembre 2021 ainsi qu’aux préfets, forces de l’ordre, agences de santé, associations en lien avec les violences faites aux femmes sont claires. Le 14 novembre 2022, la France recensait déjà 118 féminicides. La campagne de l’exécutif lui a même associé un hashtag : #Nerienlaisserpasser. Plus question de mansuétude. Trop de risques.
Les faits, rapportés par la présidente Cornelia Vecchio, se déroulent vers 23 heures près d’un immeuble d’où sortent Emma et ses amies. Maxens se trouve à bord d’une voiture conduite par son ami D. Il en sort, se précipite vers la jeune femme, veut semble-t-il l’obliger à l’accompagner. Jasmine et Mina s’interposent. S’ensuit une altercation. D. en témoigne : « J’ai vu des jeux de bras mais personne n’a mis de patates. L’embrouille était banale, il ne les a pas terminées. » La présidente : « – Terminées ? Que veut dire M. D. ? »
– Il n’y a pas eu de violence. Les copines d’Emma tiraient mes vêtements, elles étaient hystériques. Je démens avoir porté des coups. Vous avez ma parole.
– Emma a reçu un coup de pied dans les côtes !
– C’était accidentel. »
L’enregistrement de l’appel à Police-Secours (17) est plus précis : « Sur le Coran, je vais démarrer », hurle Maxens. « Je m’en bats les couilles » – des conséquences, suppose-t-on.
« S’il n’avait pas ce qu’il veut, il me crachait dessus »
L’audition d’Emma ne raconte pas la même histoire : une gifle, des coups, des insultes permanentes : « Quand nous étions en couple, ça arrivait tout le temps. Il me traitait de salope, de pute bonne à rien. Il a tenté une fois de m’étrangler. S’il n’avait pas ce qu’il veut, il me crachait dessus. Il avait toujours des crises. Depuis sa conversion à l’islam, il est devenu bizarre. Il se scarifiait devant moi, me disait : “Si tu me quittes pour toujours, je me tue.” Il m’a harcelée sur mon lieu de travail, chez mes parents, il m’appelle sans cesse. Ensuite, il pleure. »
« – Je ne nie pas tout, admet Maxens, mais quand je me suis approché du groupe, je n’étais pas énervé. Je demandais juste des explications à propos de notre rupture.
– Elle est en droit de ne pas avoir envie de vous répondre ! », rétorque la juge.
Maxens se lamente sur son sort d’incompris : « Après six ans avec elle, j’ai droit à une explication, non ? » Sa personnalité ne plaide pas en sa faveur : internement en psychiatrie à cause d’accès de colère sous cannabis (il est désormais sevré), huit condamnations de 2017 à 2021 pour des violences sur Emma, ports d’arme, refus d’obtempérer, conduite sans permis, usage de drogue. Il semblait s’être assagi grâce à sa relation avec un musulman qui l’a pris sous son aile jusqu’à lui confier ses cinq enfants, lui offrir gîte et couvert quand les parents de Maxens en ont assez. C’est le fameux M. D.
« Son guide spirituel et sa famille sont suivis par la justice »
Bien que le suspect assure « ne retirer que des bienfaits de [sa] pratique de la religion musulmane » et être heureux avec sa nouvelle compagne, « une femme merveilleuse », il confesse des coups de canif dans sa relation et les commandements de son mentor : « Je continue de voir Emma à l’hôtel, ce qu’ignoraient ses amies qui m’ont attaqué. »
La procureure Marlène Leroy fait part de son « inquiétude » : « Son guide spirituel et sa famille sont suivis par la justice », révèle-t-elle au grand dam de Me Ludovic Beaufils, défenseur de Maxens qui, faute d’éléments, voit là un coup bas : « De quoi parle-t-on ? D’un fieffé musulman fiché S ? Rien n’apparaît dans le dossier. Il peut fréquenter qui il veut ! Surtout qu’il n’y a eu aucune enquête sérieuse, aucune vérification. »
Le parquet convient que « les investigations sont extrêmement bancales, a fortiori sur les faits antérieurs à octobre 2022 : pas d’auditions des parents respectifs, pas d’étude de la téléphonie. Je sollicite donc la relaxe partielle, par honnêteté intellectuelle. Malgré cela, je note la violence récurrente de Monsieur, dans le déni total et en roue libre dans cet environnement qu’il s’est choisi. C’est sa liberté, mais je m’interroge ». Marlène Leroy requiert 18 mois, un tiers avec sursis probatoire, le reste sous bracelet au domicile familial. Le juge de l’application des peines était favorable à la révocation des précédents sursis.
Me Beaufils déplore que « l’on ait tenu pour acquis les seules déclarations des jeunes femmes », fustige l’absence de preuves pour les charges datant de l’année 2018 et des suivantes, considère « disproportionné le quantum de la sanction pour deux jours d’incapacité de travail. Un sursis probatoire est amplement suffisant. » Maxens « regrette d’avoir nui à celle dont [il a] toujours voulu le bonheur ».
L’avocat de Meaux sera entendu. Relaxe pour les supposées violences du passé, dix mois de prison dont moitié avec sursis probatoire de deux ans, obligation de soins, de travail. La partie ferme s’effectuera chez ses parents sous surveillance électronique. Le jeune homme ne devra plus voir Emma durant trois ans. Il est condamné à 200 € d’amende pour l’altercation avec les amies de la victime.
Référence : AJU331675