Tribunal de Meaux : « Vous roulez à 160 km/h, ivre, sans assurance ni permis ! »

Publié le 17/01/2022

Avant d’être neutralisé après une dangereuse course-poursuite, Davy se rêvait conducteur de poids-lourd en Suisse. Il va désormais reconsidérer son avenir. Pour avoir mis en danger des policiers, le chauffard, ivre au volant, a vu son permis définitivement annulé et sa voiture saisie.

Tribunal de Meaux : « Vous roulez à 160 km/h, ivre, sans assurance ni permis ! »
Palais de justice de Meaux (Photo : ©I. Horlans)

Mercredi 5 janvier, Davy a confondu le centre-ville de Meaux, en Seine-et-Marne, avec le circuit automobile italien d’Imola. Aussi comparaît-il deux jours plus tard devant la 1ère chambre correctionnelle du tribunal judiciaire meldois, à l’issue d’une garde à vue qui lui a permis d’éliminer les vapeurs d’alcool. Pour autant, le petit homme chauve d’une quarantaine d’années ne semble pas conscient de la gravité des faits. Sous son blouson bleu, ses haussements d’épaules signifient que tout cela n’est pas aussi sérieux qu’il y paraît. Et peu importe qu’il ait failli blesser un agent de police.

Père de deux adolescents qui, à plusieurs reprises, l’ont supplié de ne plus boire, de ne plus se droguer, Davy convient du bout des lèvres qu’il aurait mieux valu les écouter : « Mais c’est dur. J’ai commencé le cannabis à l’âge de 12 ans et je bois beaucoup. La dernière fois que j’ai arrêté, j’ai tenu cinq jours. » Le prévenu se trouve mille excuses quand il conviendrait de faire amende honorable et prendre conscience que n’avoir tué personne jusqu’à présent relève du petit miracle.

Positif au cannabis, à l’héroïne et aux amphétamines

 Davy a-t-il recouvré ses esprits quand les juges examinent son dossier, ce vendredi 7 janvier ? La question mérite réflexion tant il joue l’indifférence face à l’accumulation de chefs de prévention : refus d’obtempérer, mise en danger de la vie d’autrui, récidive de conduite en état d’ivresse, excès de vitesse, pas de permis, pas d’assurance, ni de contrôle technique pour son véhicule qui n’est même pas à son nom. S’il admet les charges, c’est pour aussitôt les minimiser ou tenter de justifier les infractions.

La présidente Isabelle Verissimo lit le rapport des policiers. À 22h10, alors qu’ils sont stationnés dans Meaux, ils voient débouler une Citroën C4. Elle est flashée à 112 km/h au lieu des 50 km/h autorisés. Ils l’immobilisent et déploient une herse, puis se portent à la hauteur de Davy. Lequel met les gaz, monte sur le trottoir, fonce sur un fonctionnaire qui effectue un bond en arrière. Le chauffard s’enfuit, poursuivi par la patrouille qui doit rouler à 160 km/h pour le rattraper. Davy finit sa course dans le fossé d’une route départementale.

Son alcootest prouve qu’il a trop bu ; il est positif au cannabis, à l’héroïne, aux amphétamines. L’annulation de ses points le 24 avril 2021 lui interdit de conduire, ce qui ne l’a pas empêché d’acheter la C4 ce mois-là. « C’était pour travailler », objecte le cariste qui, le 5 janvier 2022, était toutefois au chômage.

« J’avais bu une bouteille de rhum avec un ami »

 La présidente cherche à comprendre : « – De quel droit conduisez-vous en état d’ivresse et sans permis un véhicule qui n’est même pas assuré ?

– …

– Vous rendez-vous compte que vous avez mis en danger les policiers ?

– Jamais je n’ai voulu les percuter !

– Mais vous les obligez à vous prendre en chasse à 160 km/h !

– Je ne sais pas pourquoi j’ai agi ainsi… J’avais bu une bouteille de rhum avec un ami, on avait fumé des joints, je n’étais pas clair. »

Davy est donc victime d’une mauvaise assimilation des stupéfiants et des verres en trop. Pour le reste, il dit « avoir pris peur ». Le défaut de contrôle technique, d’assurance ? « Un souci d’argent. » L’annulation du permis ? « Je l’ai contestée ! » Auprès de qui ? s’enquiert l’assesseure Magalie Cart.

« – J’ai écrit au président de la République et au ministre de l’Intérieur.

– Ah ? Ce n’est pas à eux qu’il fallait s’adresser, Monsieur.

– N’empêche que j’ai contesté ! Je suis pas d’accord avec le retrait des deux derniers points. C’est pour ça que je conduis toujours. »

Sur les faits, il n’y a plus grand-chose à préciser. Sa personnalité est plutôt lisse : séparé de la mère de ses enfants, il vit chez ses parents qui l’aident, le soutiennent. En revanche, son casier judiciaire dit beaucoup de lui. Dès 2003, il est condamné pour détention de drogue et abus de confiance. Les infractions à la législation sur les stupéfiants se multiplient jusqu’en 2013. D’autres sanctions sont prononcées pour défaut de permis et d’assurance, tentative d’escroquerie, port et transport d’armes en septembre 2021.

« Quand les avertissements de la justice auront-ils un effet ? »

 La présidente : « – Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

– Rien du tout.

– Et pourquoi vouloir partir en Suisse ?

– J’ai un copain qui veut m’y embaucher comme chauffeur routier.

– Là, ça risque de poser un petit problème… »

La procureur Myriam Khouas est ébahie : « Savez-vous que l’alcool et la vitesse sont les principales causes des accidents mortels ? Vous n’avez eu aucune considération pour les policiers, vous les avez mis en danger ! En dépit des neuf mentions portées à votre casier et des problèmes addictifs, jamais vous n’avez été incarcéré ! Quand les avertissements de la justice auront-ils un effet sur vous ? » Elle estime qu’il faut contraindre Davy à se soigner et requiert un an de prison dont moitié ferme, plus la révocation de son dernier sursis de trois mois.

L’avocate de la défense plaide la dépendance, un environnement familial aimant et convient qu’une obligation de soins serait bienvenue : « C’est un bon moyen pour protéger la société. La prison ne servirait à rien. »

Les juges délibèrent dix minutes. Ils suivent intégralement les réquisitions de la procureure. Cependant, Davy effectuera sa peine sous surveillance électronique chez ses parents. Il devra consulter, travailler, suivre un stage de citoyenneté, régler une amende de 750 €. Son permis est définitivement annulé, il ne pourra pas le repasser qu’en 2024. Sa Citroën est confisquée. « C’est votre dernière chance, Monsieur. C’est extrêmement sérieux, vous comprenez ? » ajoute la présidente. Davy hausse les épaules et ne répond pas.

 

 

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