Tribunal de Melun : Jugé mercredi, Pierre Palmade se dit « totalement responsable » du drame

Publié le 18/11/2024

Pierre Palmade comparaît mercredi devant le tribunal correctionnel de Melun pour répondre du terrible accident qu’il a provoqué le 10 février 2023. L’humoriste, « catastrophé d’avoir mis en danger » une famille, va être confronté, notamment, à la situation de Yuksel, toujours en arrêt de travail, de son petit garçon gravement blessé, et de Mila, qui a perdu son bébé à naître. L’après-midi précédant la collision, l’artiste s’était « piqué huit fois en s’injectant de la 3-MMC », une drogue qui accroît la libido. Avec une dernière prise 30 minutes avant de prendre le volant.

Tribunal de Melun : Jugé mercredi, Pierre Palmade se dit « totalement responsable » du drame
Photo : ©Georges Biard

« Je suis un chic type. Je suis quelqu’un de bien. » Ainsi Pierre Palmade se décrit-il lors de son interrogatoire de première comparution devant la juge d’instruction de Melun. En préambule, il s’est dit « obsédé » par l’accident, et par « le bébé qui est mort. Je prie pour que les autres personnes restent vivantes », lit-on dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal, que nous avons consultée. Lorsqu’il fait ces déclarations à la mi-février 2023, après son hospitalisation et sa garde à vue, le pronostic vital de Yuksel, 38 ans, demeure « engagé à court terme ». Il conduisait la Renault qu’a pulvérisée, vendredi 10 février à 18h45, la Peugeot de l’humoriste sur une route droite à Villiers-en-Bière (Seine-et-Marne). Le choc frontal est « lié à une faute de conduite caractérisée par un déport intégral dans la voie de sens opposé », indique l’expert.

Devant la juge, à l’époque déjà, Pierre Palmade reconnaît sa responsabilité. Il « prie » aussi pour le fils de Yuksel, Devrim, 6 ans, qui se bat pour rester en vie à l’hôpital Necker, à Paris. « Son pronostic ultérieur ne peut pas être fixé, des séquelles fonctionnelles sont à prévoir », précise le corps médical.

À cette même période, au Kremlin-Bicêtre où sa tante Mila a été héliportée, l’enfant « viable » qu’elle portait depuis 27 semaines n’a pas survécu aux 32 minutes de réanimation. Mila, 27 ans, souffre de multiples blessures.

De la drogue durant deux jours, « pratiquement tout le temps »

 Pierre Palmade est renvoyé seul devant le tribunal correctionnel. Ses deux passagers, suspects de non-assistance à personnes en danger, ont bénéficié d’un non-lieu. L’artiste de 56 ans répond de « blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois » pour Yuksel, « inférieure à trois mois » pour Mila (45 jours), le petit Devrim (70 jours), le conducteur de la Twingo qui suivait et n’a pas pu freiner (10 jours). Les préventions sont aggravées par la violation délibérée d’obligation de prudence au volant et l’usage de stupéfiants en récidive. Il encourt 14 ans de prison, 200 000 € d’amende.

Le chef d’homicide involontaire n’a pas été retenu car le bébé qu’attendait Mila « n’a présenté aucun signe clinique de vie autonome » (voir l’encadré ci-dessous).

Pierre Palmade a cessé de se droguer. En 2023, face à la juge, il disait avoir conscience que son addiction, depuis ses 20 ans, le rendait « dangereux », qu’elle devait être « bannie de [sa] vie ». Avant l’accident, pendant deux jours, « pratiquement tout le temps, une fois par heure », il avait pris de la 3-MMC en intraveineuse pour augmenter son endurance sexuelle, et de la cocaïne pour ne pas dormir. L’un des deux “escort boys” avait proposé de conduire jusqu’au supermarché ; Palmade a refusé.

Aussi se considère-t-il « totalement responsable » de la tragédie. « Je pense chaque jour aux victimes dont j’ai bousillé la vie. »

Des conséquences irréparables pour la famille percutée

D’après les analyses réalisées sur l’humoriste blessé (8 jours d’ITT), il était sous l’empire de « cocaïne et cathinones », cette dernière substance « ayant des effets psychotropes délétères sur la conduite ». Si elle accroît la libido dans un contexte sexuel, « ses effets sont suivis d’une phase de descente ». D’où la prise de cocaïne pour rester éveillé.

Ces 48 heures de fête ont eu des conséquences irréparables. Outre la perte de son bébé, Mila a subi huit fractures. Selon l’expert psychologue, elle est en proie à une dépression d’intensité sévère avec profonde détresse, perte d’élan vital et retrait social. À ce jour, « sa consolidation n’est pas acquise ». Ni celle de son beau-frère Yuksel, victime de « traumatismes majeurs » au thorax, à l’abdomen, au bassin, de contusion hépatique, de 16 fractures ; il a passé cinq mois à l’hôpital. Il sera expertisé en février 2026. « La survie de ce patient moribond » n’est due qu’aux « interventions » rapides.

Devrim, lui, a été admis à Necker avec des traumatismes crânien et facial « majeurs », des « contusions hémorragiques » et fractures du visage. Il est suivi par un psychologue : enfant « très actif et joyeux », il est désormais solitaire et renfermé.

 La défense va plaider l’absence de réhausseur pour Devrim

 Le dossier est « audiencé » sur une journée car il ne pose pas de difficultés. Même si Me Mourad Battikh, l’avocat qui représente Yuksel, Mila, Devrim et des membres de leur famille, voulait que soit maintenue la qualification d’homicide. En vain. Le procureur Jean-Michel Bourlès n’a pas fait appel de la décision de l’écarter, préférant que le procès se tienne dans un délai raisonnable (notre interview du 25 octobre ici).

En revanche, les défenseurs du prévenu devraient plaider l’atténuation de la faute de leur client dans les blessures du garçonnet, après avoir sollicité une expertise sur les conséquences de l’absence de rehausseur-auto dans la voiture. Il apparaît qu’elle « a limité le rôle de la ceinture de sécurité qui bloque l’enfant au fond du siège » : il « a percuté avec plus de force le siège avant (…) La gravité des lésions est 21 % plus grave si l’enfant est ceinturé sans rehausseur ».

C’est le seul point susceptible de faire débat. Pour le reste, Pierre Palmade, « fragile » selon l’expert psychiatre, « en déclin sur le plan professionnel », « se montre abattu et culpabilisé ». Il veut « payer » pour le drame qu’il a causé.

 

L’homicide involontaire ne s’applique qu’à l’enfant né vivant

 La discussion sur la « viabilité » du bébé de Mila a duré plusieurs mois.

 Ses parents, Mila et Nigmet, ont inhumé leur fille sous le prénom de Solin. À 27 semaines et 5 jours d’aménorrhée, elle pesait 1 090 grammes. La petite fille à naître « ne présentait aucune malformation », selon l’autopsie. « Elle était indiscutablement viable. » Les experts ont établi « un lien de causalité direct et certain entre l’accident et son décès dû au traumatisme abdominal ayant entraîné une hémorragie fœto-maternelle aiguë ».

La justice ne l’a pas reconnue victime car, « à aucun moment, entre l’heure de la naissance et le décès déclaré, il n’y a eu de respiration spontanée, de mouvement actif du corps. Les quelques battements cardiaques observés 16 minutes après la naissance sont insuffisants pour assurer une fonction circulatoire efficace et ne peuvent en aucun cas être considérés comme des signes de vie extra-utérine », affirment les trois experts.

Or, selon la juge d’instruction, « il est de jurisprudence constante » qu’un « homicide involontaire ne s’applique que dans l’hypothèse d’un enfant né vivant ». L’assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée en ce sens le 29 juin 2001. En vertu « d’une interprétation stricte de la loi pénale », ce chef de prévention a donc été abandonné.

 

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