Essonne (91)

Tribunal d’Évry : « En fait, vous conduisez tout le temps sans permis ! »

Publié le 01/06/2023
Tribunal d’Évry : « En fait, vous conduisez tout le temps sans permis ! »
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Ce 20 mars 2023 Rayan K. comparaît devant le tribunal judiciaire d’Évry pour délit de fuite suite à un contrôle routier. Il conduisait sans permis. Malheureusement ce n’est pas la première fois. La mine confite, il plaide l’immaturité et la bêtise.

Il est midi le 16 mars 2023 lorsqu’une Clio bleue s’élance à vive allure sur l’A6 au niveau de Quincy-Sous-Sénart (Essonne). Embardées après embardées, la voiture double les autres véhicules par la droite, roule à contresens à plus de 187 km/h sur une autoroute alors très fréquentée. Au volant, Rayan K. accompagné d’une amie. Non loin derrière, un véhicule de gendarmes tente de les intercepter. Toutefois, il ne parvient pas à éviter une voiture qui arrive en face. Rayan K. tente le tout pour le tout…

Profitant de la collision du véhicule de gendarmes Rayan K. s’échappe. Arrivé chez lui, il prend une douche et contacte des amis. En patrouille dans la zone, des fonctionnaires de police finissent par retrouver le fuyard dans une autre voiture avec trois autres personnes. Ils arrêtent la voiture. Le conducteur obtempère. Interpellé puis menotté, Rayan K. résiste violemment.

Lors de sa garde à vue, le jeune homme reconnaît les faits. Il avoue également circuler sans permis de conduire depuis septembre 2022. La préfecture de l’Essonne avait à l’époque décidé de suspendre son permis pour conduite sous stupéfiants. Le jour de sa comparution, Rayan K. risque 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.

« Pourquoi est-ce que vous ne prenez pas les transports en commun » ?

Après l’énoncé des faits qui lui sont reprochés et des condamnations qui figurent à son casier judiciaire, la présidente d’audience interroge le prévenu : « Pourquoi étiez-vous au volant ce matin-là ?

– C’était idiot de ma part mais j’étais parti voir une fille et je la ramenais chez elle.

– Ah d’accord, vous avez conduit un passager sans permis de conduire ?

– Oui.

– Connaissez-vous les conséquences de conduire sans le permis de conduire ? S’il vous arrive quoi que ce soit, l’assurance ne joue pas, il n’y a pas de dommages et intérêts… »

Le procureur intervient alors : « Vous avez été condamné à Créteil le 3 mars dernier. Pour quelle raison ?

– Pour défaut de permis.

– Savez-vous combien il y a de morts sur les routes chaque année, Monsieur ?

– Je ne sais pas…

– C’est que ça ne vous intéresse pas… Pourriez-vous me dire combien il y a de jours entre le 3 et le 16 mars ? ».

Rayan K., de plus en plus penaud : « Une dizaine de jours, Monsieur ». « En fait, vous conduisez tout le temps sans permis ! », rétorque la présidente, et de demander : « Pourquoi est-ce que vous ne prenez pas les transports en commun ?

– J’ai pris des mauvaises habitudes je pense… Et je ne conduis pas tout le temps… ».

« Peu vous chaut la mort des autres, ce qui vous importe, c’est de vous amuser »!

Dans sa réquisition, le procureur fait part de son agacement face au comportement irresponsable du jeune homme : « Voilà un individu qui, depuis qu’on lui a suspendu son permis de conduire, ne cesse de reprendre le volant, non pas pour travailler, mais pour voir ses copines et ses copains ! ». Et de poursuivre : « Voilà une occupation bien normale pour un jeune comme M. K. Il ferait bien, s’il fait des stages de sensibilisation aux dangers de la route, de les écouter, d’ouvrir un Code de la route, pour savoir combien il y a de morts sur les routes de France »…

Après avoir rappelé l’affaire Pierre Palmade, le magistrat enjoint la présidente à juger durement le cas de Rayan K. « Peu vous chaut la mort des autres, ce qui vous importe c’est de vous amuser, c’est de semer des gendarmes alors que vous venez d’être condamné 10 jours plus tôt par un tribunal correctionnel. C’est là, Madame la présidente, qu’il faudra donner un sens à votre peine ! ».

« On a affaire à quelqu’un qui est immature. Il ne faut pas le plonger dans le bouillon des maisons d’arrêts »

Pour l’avocat de M. K., il s’agit d’une affaire criante d’immaturité, alors que le prévenu a accepté ses précédentes condamnations et a fait preuve de bonne foi. Les amendes ont été payées, les démarches pour récupérer le permis étaient sur le point d’aboutir et « il y avait une volonté d’insertion et de recherche d’emploi manifeste ». Pour lui, rien ne saurait justifier une peine d’emprisonnement alors qu’un bracelet électronique serait amplement suffisant. « Tous les anciens gardes des Sceaux disent la même chose, les études de pénologie disent la même chose, les courtes peines ne favorisent pas l’insertion, c’est mécanique, elles favorisent la réitération des faits. Tout le monde dit la même chose sauf dans les audiences correctionnelles ». Et d’ajouter : « On a affaire à quelqu’un qui est évidemment immature. Il ne faut pas le plonger dans le bouillon des maisons d’arrêts avec les effets délétères qu’il peut y avoir »…

Lorsque les juges réapparaissent après la délibération, la présidente prononce sans commentaires une peine de 10 mois d’emprisonnement ferme à l’encontre de Rayan K., accompagnée de l’annulation de son permis de conduire et de l’interdiction de le repasser pendant 18 mois.

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