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Tribunal d’Évry : « Tu as de la chance que je tienne à ta vie, sinon je t’aurais déjà égorgée comme un porc » !

Publié le 14/03/2023
Chronique
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Jeff et Mme D. habitent avec leur petite fille d’un an et demi. Au chômage et rendu amer par leur séparation, la frustration et la colère du jeune homme de 29 ans éclatent lors d’une nouvelle dispute au cours de laquelle il blesse son ex-compagne au visage. Appréhendé la nuit des faits, il passera 47 jours en détention provisoire avant de finalement comparaître le 6 février dernier face à une présidente visiblement très agacée. La journée promet d’être longue, dix comparutions immédiates sont prévues ce jour-là à Évry.

C’est la quatrième fois que la police se rend au domicile des jeunes parents. Le 21 décembre 2022, c’est une voisine qui a appelé les policiers, alertée par des cris et des appels au secours. Lorsque les policiers pénètrent dans l’appartement pour séparer les deux partenaires, ils découvrent le visage tuméfié de Mme D. ainsi que de très nombreuses menaces de mort dans son téléphone, dont les plus anciennes remontent à un an.

Cette nuit-là, vers 4 heures du matin, une violente dispute éclate. Jeff ne supporte pas la décision de Mme D. de rompre et, sous l’emprise de l’alcool et du cannabis, il s’empare de son téléphone, la saisit aux poignets, la frappe au visage et lui porte des coups de poing à la bouche et aux tempes. À leur arrivée, les policiers entendent Mme D. demander de l’aide et supplier à son ex-compagnon de la laisser sortir.

Des menaces de mort sont extraites du téléphone de la jeune mère : « Tu as de la chance que je tienne à ta vie, sinon je t’aurais déjà égorgée comme un porc » ; « On va se tuer pour de vrai tant que tu es dans cet appartement » ; « Avec moi, chaque grossesse que tu vas porter, tu vas perdre l’enfant » ; « Un conseil, part vite, tant que tu seras avec moi, ta vie sera foutue » ; « Je vais te buter, je vais te détruire »…

« C’était une bagarre, elle me provoque tout le temps »

Lors de l’interrogatoire, la police établit que les violences et les menaces de mort ont commencé un an auparavant. Selon Jeff, sa compagne l’a provoqué et il a simplement rendu les coups qu’elle lui portait. Elle l’aurait griffé et asséné un coup de genou à la bouche.

Lorsque des photos des blessures de Mme D. lui sont présentées, le jeune homme est surpris : « Ce n’est pas normal, elle ne s’est pas protégée. C’était une bagarre, elle me provoque tout le temps. Elle voulait qu’on se frappe, qu’on se tue, qu’un de nous meure » ! Il reconnaît les violences et avoir envoyé des textos de menace : « Je reconnais que je suis allé trop loin, j’aime bien les discussions franches, mais avec elle, c’est impossible ».

« Concernant les menaces de mort, je dirais que c’est pour lui juste sa manière de s’exprimer ».

Quand il paraît dans le box des prévenus le 6 février à 16 h 30 à Évry, le jeune homme embrasse anxieusement la salle du regard avant de s’arrêter sur son ex-compagne. Les deux s’engagent dans un dialogue silencieux et semblent se rassurer mutuellement lorsque la présidente appelle Mme D. à la barre.

– Avez-vous quelque chose à ajouter sur les faits ?

– Concernant les menaces de mort, je dirais que c’est pour lui juste sa manière de s’exprimer.

– Les mots ont un sens Madame, sinon on parle dans une autre langue !

– Quand il dit : « On va se tuer » c’est une manière de dire qu’on va s’embrouiller. On aurait dû se séparer plus tôt mais il est au chômage et ne peut pas habiter ailleurs.

– Et les violences, vous vous êtes fait ça toute seule ?

– Effectivement, il y a eu des violences, mais c’était pas un coup de pied… J’ai dû me cogner contre la pente dans la descente…

– Mais pourquoi êtes-vous tombée contre la porte ?

– Oui, il y a eu un coup de poing, mais je ne m’en souviens plus, je ne vais pas vous mentir…

Murmure de désapprobation dans la salle. Lasse, la présidente se tourne vers Jeff en levant les yeux au ciel. Déjà condamné par deux fois pour outrage à agent et violences avec arme contre son propre frère, le prévenu a de nouveau passé 47 jours en détention provisoire.

« Ses frères et sa famille m’ont appelée et ils se sont excusés pour lui »

Jeff dit vouloir taire sa situation pour ne pas peiner sa famille, mais lorsque la présidente demande au jeune homme s’il peut être hébergé par des proches, il répond : « J’ai quelques amis. Ma mère est au courant de ma situation, mais je ne veux pas la faire pleurer… et en prison, c’est très difficile de contacter sa famille ». Lorsque Mme D. prend à son tour la parole, il est toutefois clair qu’elle a discuté avec la famille du prévenu afin de trouver une issue favorable à sa situation. « Ses frères et sa famille m’ont appelée et ils se sont excusés pour lui. Au final, j’ai bien été obligée de le dire à sa sœur pour qu’elle accepte de l’héberger au cas où… »

La procureure goûte peu ces arrangements familiaux et cette façon de vouloir atténuer les violences subies par la victime. « Je comprends que Mme D. souhaite apaiser la situation puisqu’ils ont une petite fille ensemble mais je me demande si elle se rend bien compte de la situation, puisque systématiquement quand il y a dispute, ça dégénère et c’est l’intervention de la police qui interrompt cette violence ». Et de rappeler que la victime a déjà déposé plusieurs mains courantes au commissariat contre le prévenu et que les photos des blessures ne laissent aucun doute quant à leur origine.

Préoccupée par le sort de leur petite fille d’un an et demi, la procureure annonce ne pas vouloir retenir les circonstances aggravantes de la présence de l’enfant au moment des violences, celle-ci étant endormie dans sa chambre.

Quand le jugement tombe autour de 19 h 30, après une longue délibération qui aura duré près de 45 minutes, les juges reconnaîtront Jeff coupable de menaces de mort et de violences conjugales entraînant une peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis probatoire de deux, en plus d’une interdiction de paraître au domicile de Mme D., d’une obligation de trouver un emploi et d’une obligation de suivi psychologique. Jeff comprend qu’il ne retournera pas en détention, remercie la présidente et la procureure et quitte le box avec la même mine résignée et abattue avec laquelle il était arrivé.

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