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TJ d’Évry : « Je ne savais pas ce qu’il y avait dans mes chaussures, même si je me doutais de quelque chose » !

Publié le 19/04/2023
Chaussures, baskets
Oleksandr/AdobeStock

Interpellé le 17 mars au parloir de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis alors qu’il patiente pour sortir après une visite à un détenu, Jérémie, 25 ans, fait l’objet d’une fouille corporelle. Les agents découvrent alors 196 g de résine de cannabis cachés dans les semelles de ses chaussures. Le jour de l’audience, le 20 mars dernier, il se présente avec un visage tuméfié et des explications confuses qui laissent dubitatif et exaspèrent le procureur.

Jérémie paraît au box des prévenus avec la mine résignée et battue. Souhaite-t-il être jugé à ce jour ? Oui, répond-il avec une voix grave. La présidente se lance alors dans un long récapitulatif des faits qui se déroule en trois temps.

Autour du 10 mars, Jérémie rend visite à un détenu, M. C, à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Au parloir familles, il lui remet des habits et une paire de chaussures de sport, puis repart. Une semaine plus tard, le 17 mars, il se présente de nouveau pour M. C au parloir. À la sortie, il est fouillé par les agents qui découvrent, dans la semelle de ses baskets, 196 grammes de résine de cannabis. Les baskets qu’il porte ce jour sont identiques à celles qu’il a remises à M. C une semaine plus tôt. Il est interpellé et reconnaît l’échec de l’échange de chaussures.

Des explications contradictoires qui irritent le procureur

Mais c’est ici que le récit devient confus. Le jour de l’audience, le prévenu présente un œil au beurre noir marqué. Lorsque la présidente le questionne sur la raison de ses blessures, Jérémie affirme avoir d’abord refusé de réaliser l’échange. Face à ce refus, les personnes qui lui auraient remis la marchandise l’auraient roué de coups. Selon le prévenu, il aurait été tabassé avant sa deuxième visite, le 17 mars.

La juge l’interroge alors : « Avez-vous des commentaires sur les faits ? »

Jérémie : « Je tiens à dire que je ne savais pas ce qu’il y avait dans mes chaussures, même si je me doutais de quelque chose ».

La juge : « Vous dites que vous avez été passé à tabac parce que vous avez résisté à l’instruction qui vous avait été donnée avant de vous rendre au parloir le 17 mars ? »

Jérémie : « Oui »

La juge : « Mais vous n’avez pas souhaité déposer plainte ? »

Jérémie : « Non »

La juge : « Pour quelles raisons ? »

Jérémie : « Par peur des représailles. Ils ont menacé mon frère. »

Le procureur, visiblement très agacé des réponses du prévenu, intervient alors :

« Vous rendiez visite à un ami ? »

Jérémie : « Oui »

Le procureur : « Donc vous avez été menacé pour rendre visite à votre ami ? C’est bien cela ? »

Jérémie : « Oui, mais j’ai été menacé indirectement. »

L’entretien achève la patience du procureur qui se montre de plus en plus virulent. Après le rappel des faits et des trois condamnations figurant au casier judiciaire du prévenu, pour conduite sous stupéfiants, détention d’arme et annulation du permis de conduire, il reprend les questions, à charge.

Le procureur : « Pour l’exécution de vos deux peines d’emprisonnement. Avez-vous été incarcéré ? »

Jérémie : « Oui »

Le procureur : « Où ça ? »

Jérémie : « À Fleury-Mérogis »

Le procureur : « Avec la personne que vous rencontrez au parloir ? »

Jérémie : « Non, Monsieur. »

« Alors, vous allez me dire, ça va l’empêcher de se réinsérer, mais non, il faut être cohérent ! »

Toujours aussi peu convaincu par ces réponses, le procureur enchaîne sur une réquisition sévère. « Vous avez en face de vous un homme qui vient nous dire, quand il est surpris au parloir de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, qu’il a été menacé, frappé et contraint par les individus qui l’avaient chargé de remettre le cannabis. C’est à peu près ce qu’on entend à chaque fois en comparution immédiate pour obtenir la relaxe du tribunal ».

Or la relaxe ne peut être obtenue que si les substances ont été transportées à l’insu du prévenu et cette dernière hypothèse semble invraisemblable au procureur, qui va encore plus loin : « Il est une certitude : le prévenu aime les stupéfiants et en consomme » ! Le magistrat demande alors une peine mixte d’emprisonnement de 18 mois assortie d’une nouvelle annulation du permis de conduire et de l’interdiction de le repasser pendant un an. Et de se justifier : « Alors, vous allez me dire, ça va l’empêcher de se réinsérer, mais non, il faut être cohérent ! Il a usé d’un véhicule pour se rendre à la maison d’arrêt pour commettre ce délit, il faut donc l’empêcher d’user d’un véhicule dans le futur » !

Incompréhension et soupirs dans l’assemblée : Jérémie avait plutôt déclaré avoir repris sa formation d’auxiliaire ambulancier, pour lequel un permis de conduire est indispensable. Piquée par la dureté des considérations du procureur, l’avocate de Jérémie intervient à son tour. « Lorsque j’entends le procureur, je me dis que c’est un petit peu exagéré » ! Selon elle, la voiture n’a pas été utilisée pour commettre le délit et la peine de l’annulation de permis requise n’a donc aucun rapport avec l’infraction reprochée.

Lors du jugement, la remarque de l’avocate sera prise en compte et l’annulation du permis sera écartée. Jérémie est toutefois reconnu coupable et reçoit une peine de 12 mois d’emprisonnement dont 6 mois de sursis avec l’obligation d’effectuer 140 heures de travaux d’intérêt général en semi-liberté. La présidente expliquera sa relative indulgence par le fait que Jérémie a tout de suite avoué et reconnu les faits.

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