​À Bruxelles, la DBF fête ses 40 ans au service des avocats et des barreaux français

Publié le 10/10/2023

​Pour célébrer son quarantième anniversaire, la Délégation des Barreaux de France (DBF) à Bruxelles organise une journée de rencontres et de débats le 19 octobre prochain dans la capitale belge. Sous le titre : « L’avocat, un allié de l’Europe».

Cette journéesera l’occasion de faire le point sur « les défis, qu’ils soient juridiques, éthiques, technologiques ou même politiques, auxquels font face les avocats et les justiciables », précise Laurent Pettiti, le président de la DBF. Entretien.

Actu-Juridique : 40 ans, c’est un anniversaire évidemment symbolique mais aussi l’expression d’une vitalité pour la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles ?

Laurent Pettiti : Oui, depuis ma prise de fonction en 2019, nous nous sommes attelés à renforcer la visibilité de la Délégation auprès des instances tant en France qu’à Bruxelles. Cet anniversaire, et l’événement organisé le 19 octobre, sont les symboles en quelque sorte de cette vigueur retrouvée. Bien évidemment, une telle longévité ne peut être envisagée, ni saluée, sans l’action de mes prédécesseurs et notamment du bâtonnier Bernard de Bigault du Granrut qui fut à l’origine de la création de la DBF en 1983. Son action et ses idées à l’époque étaient profondément visionnaires. Affirmer, au début des années quatre-vingt, que les avocats pouvaient avoir un rôle à jouer à Bruxelles n’était pas sans laisser perplexe une majorité de professionnels du droit français et européen. Aujourd’hui, cette idée n’est plus à démontrer.

AJ : À ce propos, quelles sont les missions de la DBF ? Ont-elles évolué depuis 40 ans ?

Laurent Pettiti : Nos missions principales n’ont pas profondément été modifiées depuis quatre décennies même si les moyens de les exercer ont quant à eux évolué. Nous représentons à Bruxelles, le Conseil national des barreaux, le barreau de Paris et la Conférence des Bâtonniers avec notamment pour objectif de défendre les intérêts et les valeurs des 74 000 avocats français à Bruxelles et à Strasbourg. État de droit, justice indépendante, protection des droits fondamentaux, sont certains des mantras que nous portons depuis 40 ans auprès des institutions européennes, du Conseil de l’Europe et du Conseil des Barreaux Européens (CCBE).

Aussi, nous sommes chargés d’une mission d’information essentielle. Pour que les avocats aient le plus souvent possible le « réflexe européen », nous communiquons sur les actualités législatives et jurisprudentielles susceptibles d’impacter leurs activités. Chaque semaine, nous diffusons par voie électronique à tous les avocats une lettre d’information gratuite intitulée : « L’Europe en bref ». De la même façon, nous publions tous les mois « L’avis de l’expert européen » destiné à faire le point sur une problématique du droit de l’Union. Enfin, la Délégation conçoit et publie chaque trimestre une revue de pointe : « L’observateur de Bruxelles ». Les confrères peuvent ainsi y lire différentes informations essentielles à travers un dossier thématique, une interview ou encore des analyses. Ce travail informationnel vise à renforcer, sans cesse, les connaissances des confrères afin qu’ils puissent ensuite invoquer, autant que faire se peut, le droit de l’Union devant les juridictions nationales. Et c’est peu dire qu’il y a encore d’importants efforts à faire en la matière. Que ce soit chez les avocats ou chez les magistrats français, la maîtrise du droit de l’Union est encore aujourd’hui très perfectible.

Logiquement, cette mission d’information est jumelée à une mission de formation. La DBF veille à organiser, à Bruxelles ou en France, des séminaires européens où interviennent experts, juges, avocats ou fonctionnaires, aux fins de consolider les compétences des participants.

AJ : Plusieurs rendez-vous rythmeront le 19 octobre prochain. Quelles thématiques aborderez-vous à cette occasion ?

Laurent Pettiti : Cet événement nous permettra de nous projeter dans l’avenir de notre profession en tant qu’alliée de l’Europe. En effet, les défis, qu’ils soient juridiques, éthiques, technologiques ou même politiques, auxquels font face les avocats et les justiciables, sont nombreux et suggèrent quelques menaces. Voilà pourquoi la première table ronde interrogera, via l’intervention de plusieurs experts, le libre exercice de notre métier en Europe. Atteinte du secret professionnel, surveillance, ou remise en cause de l’indépendance de la justice, représentent quelques-uns des freins auxquels font face les professionnels en Europe aujourd’hui. Et ce, on le sait, bien sûr, en Pologne ou en Hongrie, mais aussi en l’Europe de l’Ouest où la situation s’est détériorée depuis 40 ans.

Ensuite, dans un deuxième temps, nous essaierons de savoir si le droit de l’Union et l’Europe en général sont source d’attractivité pour la profession. C’est un sujet majeur et qui préoccupe bon nombre d’acteurs notamment en France puisque l’on constate que beaucoup de nos jeunes confrères arrêtent leur activité seulement quelques années après leurs débuts. Pourquoi ? Nous tenterons de comparer les pratiques de nos voisins européens. Aussi, nul n’est censé ignorer que la majorité de la réglementation nationale, qu’elle soit pénale, commerciale ou civile, est issue du droit de l’UE. Il nous apparaît donc évident, au sein de la DBF, que la matière européenne puisse être un facteur d’attractivité déterminant. N’oublions pas également que les avocats jouissent d’une liberté de circulation et d’établissement qui peuvent leur permettre d’exercer ailleurs qu’en France. C’est là une chance formidable d’enrichir son parcours professionnel et ses savoirs.

Par la suite, la journée sera consacrée à deux sujets d’actualité. Le premier concernera l’environnement. L’avocat et l’environnement forment-ils un couple idéal ? Nous le croyons au sein de la DBF, du moins à l’échelle européenne puisqu’une partie significative des législations et des objectifs climatiques sont établis par l’UE. Les avocats sont de plus en plus nombreux à investir ce champ juridique et à œuvrer pour la justice climatique au nom d’associations, d’organisations non gouvernementales, de personnes physiques ou morales. Frédéric Baab, notamment, viendra nous parler notamment de son expérience au sein du Parquet européen.

Enfin, nous nous questionnerons, lors d’un dernier temps d’échange, le rôle et la place de l’avocat à l’heure du tout-numérique. Le développement, en particulier, de l’intelligence artificielle (IA) interroge notre métier et nos pratiques. Il y a là une évolution, même d’un point de vue pratique, étant donné que les confrères ne sont pas tous des adeptes ou des utilisateurs des nouvelles technologies et qu’ils sont même parfois dépassés par celles-ci. L’évolution juridique se traduit par la publication de nouveaux textes, parfois très complexes, lesquels viennent réglementer l’usage de ces technologies. Et il y a fort à parier que les législations ne cesseront d’évoluer avec le développement continu du numérique.

AJ : Vous avez titré cette journée spéciale : « L’avocat, un allié pour l’Europe ». L’inverse est-il vrai aussi ? L’Europe peut-elle être considérée comme un allié de l’avocat ?

Laurent Pettiti : Oui très clairement, même si peu d’avocats s’en rendent compte puisqu’ils ne savent pas forcément, comme je vous le disais, que leur activité est impactée par le droit de l’Union via la transposition dans le droit national. Les confrères pratiquent, si je puis dire, le droit de l’UE tous les jours sans même le savoir. L’Europe est donc de fait un allié de l’avocat. Connaître et maîtriser son droit c’est augmenter naturellement ses chances de gagner un procès. Précisons, par ailleurs, que beaucoup d’avocats ont une connaissance bien plus précise des droits inscrits dans la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Aussi, mentionnons l’action de l’Europe et plus précisément de la Commission européenne pour l’indépendance de la justice comme nous l’évoquions plus tôt. Les contentieux qui opposent la Commission à la Hongrie et la Pologne trouvent leur genèse dans des différends quant au respect de l’État de droit.

AJ : Cette année est aussi marquée par la publication d’une nouvelle série de podcast intitulée : « L’Europe à la barre ». Pourquoi avez-vous décidé de développer ce nouveau format ?

Laurent Pettiti : Nous avions déjà produit, un premier cycle de podcasts, de 24 épisodes, à l’occasion de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, l’an passé. Face au succès alors rencontré et pour tenter de toucher un nouveau public, nous avons convenu de renouveler cette année l’expérience. L’idée avec « L’Europe à la barre » est de donner la parole, d’une autre manière, à ceux qui font l’Europe juridique. Le format podcast favorise le partage d’expériences et nous permet d’apporter un éclairage sur le droit de l’Union et les acteurs du Conseil des Barreaux européens (CCBE). Notre objectif ici est de mieux valoriser le travail et les actions que nous menons à Bruxelles pour la justice, les confrères mais aussi les justiciables. Le premier de ces épisodes expose à ce titre les missions des différentes instances de la profession au niveau européen : CCBE, DBF et Délégation française au CCBE. Le droit européen de la famille, la lutte contre le blanchiment ou encore le pacte asile et migration sont des sujets également évoqués dans des épisodes à part entière.

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