À Marseille, l’ACE envisage l’avocat de « Demain »

Publié le 12/11/2021

Les 7 et 8 octobre derniers, l’association ACE tenait son 29e congrès au Palais du Pharo à Marseille. Deux journée de réflexions et d’échanges pour repenser la profession ébranlée par la crise sanitaire. Pour Delphine Gallin, dont le mandat de présidente de l’ACE a pris fin le dernier jour du congrès, ce dernier fut également l’occasion d’évaluer le chemin parcouru depuis son arrivée à la tête du syndicat il y a trois ans. Elle nous a livré ses impressions, au lendemain de ce rendez-vous.

Actu-juridique : Quel bilan faites-vous du dernier congrès de l’ACE ?

Delphine Gallin : Nous avons réuni près de 600 congressistes. Cela faisait longtemps que les personnes présentes n’avaient pas pu se réunir en aussi grand nombre. Comme toutes les grandes organisations, notre dernier congrès remontait à l’automne 2019. L’an dernier, nous avions maintenu ce rendez-vous, mais sous forme digitale. Rien que pour cela, ce congrès était exceptionnel. Ce fut également un grand moment pour la qualité des débats qui s’y sont tenus. Diverses personnalités, politiques ou magistrats, ont accepté de venir échanger sur des sujets majeurs, tels que le secret professionnel, les libertés fondamentales ou les relations entre avocats et magistrats. Pour la première fois, nous avions demandé à un journaliste d’animer les débats, qui ont été très vivants et bien menés. Intervenants et congressistes ont, je crois, pris beaucoup de plaisir à ces échanges.

AJ : Qu’est-ce que cela représentait pour vous, présidente de l’ACE, de tenir ce congrès dans la ville où vous exercez ?

D.G. : Je suis, en effet, membre du barreau de Marseille et c’était mon dernier congrès comme présidente de l’ACE. Je suis heureuse d’avoir pu inviter mes confrères et consœurs dans ma ville avant de rendre le poste. Cela faisait 12 ans que nous n’avions pas tenu de congrès à Marseille. Quand nous avons choisis le thème : « Demain », pour ce Congrès, nous avons pensé que cela aurait du sens d’envisager ces questions dans un cadre ouvert, tourné vers la mer et l’horizon. Marseille est une ville en perpétuel mouvement et questionnement. Le barreau, à l’instar de la ville, est très ouvert. Le bâtonnier nous a fait un accueil exceptionnel.

À Marseille, l’ACE envisage l’avocat de « Demain »
29e Congrès de l’ACE

AJ : Que signifie ce thème, « Demain », retenu pour ce Congrès ?

D.G. : Le lot d’incertitudes qui gouvernait – et gouverne encore – nos actes nous interpelle. Nous sommes, depuis le début de la crise sanitaire, en phase d’apprentissage. Nous avons pensé qu’il serait opportun de nous poser un moment pour faire le bilan de ce que nous avons vécu, ainsi qu’un peu de prospective. Nous avions envie d’envisager comment tirer le meilleur parti des bouleversements que nous vivons, de repenser l’accompagnement de nos clients dans cette période difficile. Plutôt que de subir la situation, nous, avocats, pouvons envisager ce nouvel exercice qui sera profondément modifié du fait de la crise sanitaire, comme celui d’autres activités ou secteurs économiques. On dit à Marseille qu’une mer calme n’a jamais fait un bon marin. C’est très vrai. À l’ACE, nous ne nous sommes jamais autant transcendés que depuis que nous avons été bouleversés par cette crise.

AJ : Qu’est-ce que la pandémie a changé pour vous ?

D.G. : La période a été, bien sûr, éprouvante intellectuellement et physiquement à l’ACE, comme ailleurs. Mais lorsqu’on est portés par un groupe solidaire, on arrive à sortir le meilleur de nous-mêmes. C’est pour moi une grande leçon. À l’ACE, nous avons été au bout de projets qu’on pensait impossibles à mener et qui du fait de la crise sanitaire ont connu un formidable élan. Tout le monde a donné du temps. L’œuvre collective a prospéré.

AJ : Quels sont ces projets qui ont abouti ?

D.G. : Je m’étais donné trois objectifs en arrivant à la tête de l’ACE. Le premier était de dématérialiser entièrement l’offre de formation. Du fait de la crise sanitaire, cela s’est fait de manière aisée. Du jour au lendemain, tout le monde a su utiliser les outils. Nous avons désormais une offre en ligne, ce qui était une demande de nos adhérents. Mon deuxième souhait était d’augmenter le maillage territorial. Via la dématérialisation, les réunions ont été ouvertes à tous les confrères qui ne pouvaient pas se déplacer. Nous avons été audibles dans des barreaux dans lesquels nous étions absents. La crise sanitaire nous a donc paradoxalement permis de resserrer les liens avec les territoires. Le troisième objectif était de gagner les élections au CNB. C’est chose faite : nous sommes le premier syndicat représenté, justement parce que nous avons élargi le lien à tous les barreaux. Je n’aurais pas imaginé, en prenant le poste de présidente il y a trois ans, que nous pourrions accomplir autant de choses.

AJ : Quel était le programme du congrès ?

D.G. : Nous avions proposé trois parcours. Le premier s’appelait : « accompagner la crise », et était tourné avant tout vers l’accompagnement des clients. Deux points ont fait l’objet d’ateliers : l’accompagnement dans le cadre des fraudes au chômage partiel, et l’accompagnement dans le cadre de la restructuration de la dette d’entreprises, qui nous a permis de détailler les mesures de prévention avant la liquidation judiciaire. Un point a également été fait sur les recours pour les pertes d’exploitation dans le cadre de l’application du contrat d’assurances, un sujet important notamment pour les restaurateurs. Le deuxième parcours concernait les libertés publiques, malmenées depuis le début de la crise. La liberté d’aller et venir, de consentir au soin, sont des sujets qui ont fait l’actualité juridique. Des recours ont été portés tout au long de la crise sur le fondement des libertés publiques. L’idée était de faire un état des lieux et dire à nos confrères que la défense des libertés publiques ne concerne pas uniquement les droits humains et peut parfois s’appliquer à des droits économiques. Le recours aux contentieux relatifs aux libertés publiques permet d’élargir les voies de recours pour assurer la défense ou le conseil de nos clients. Le troisième parcours portait sur la croissance des cabinets. Il est essentiel qu’ils se portent bien pour être en capacité d’accompagner les clients dans de bonnes conditions. Or comme tous les acteurs économiques, nos cabinets ont subi les conséquences de la crise, qui a remis en cause l’organisation du temps et de l’espace de travail et eu des conséquences en matière de trésorerie.

AJ : Quels ont été les temps forts du congrès ?

D.G. : Je retiens deux tables rondes. La première portait sur le secret professionnel, qui mobilise l’ensemble de la profession. Elle était composée de juristes d’entreprises, de directeurs juridiques et d’avocats qui ont fait de la défense du secret professionnel leur leitmotiv quotidien. Nous avons eu le plaisir de recevoir la députée, Laetitia Avia, membre de la commission des lois à l’Assemblée nationale, elle va faire partie de la commission mixte paritaire qui va faire la synthèse entre la position de la chambre basse et du Sénat sur ce sujet. Sa présence démontrait que l’Assemblée nationale est sensibilisée à notre problématique. La deuxième table ronde, en fin de congrès, était également un moment important. Y étaient présents de hauts magistrats des juridictions régionales, comme le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, mais aussi la directrice de l’ENM, Nathalie Roret. L’idée était de mettre en avant des solutions pragmatiques et simples à faire émerger au sein de nos professions respectives pour qu’avocats et magistrats avancent main dans la main. Nous sommes tous des partenaires de justice et personne ne gagne à une mésentente entre avocats et magistrats, surtout pas les justiciables.

C’était à mon sens les deux moments les plus forts car ces thématiques touchent toutes les couches de la profession. Tous les avocats sont concernés par le secret professionnel et les relations avec les magistrats, même ceux qui font du conseil. Nous sommes tous amenés à nous présenter devant des juridictions.

AJ : Vous avez rendu la présidence de l’ACE à la fin de ce congrès. Comment le syndicat a-t-il évolué pendant votre mandat ?

D.G. : Je pense que l’ACE est arrivée à un point de maturité. Il y avait un décalage entre l’ACE des origines et ce qu’elle était devenue. Notre mouvement est né de la fusion des professions en 1991. ACE signifiait initialement « Avocats Conseils d’Entreprises ». Le sous-titre du syndicat est désormais: « Avocats ensemble ». Au fil des années, le mouvement a largement élargi la qualité de ses membres. Ceux-ci ne proviennent plus forcément des anciens conseils et cabinets d’affaires. Aujourd’hui, toutes sortes d’avocats partagent une volonté entrepreuneuriale, une vision moderne et libérale de la profession et une recherche de l’excellence dans les cabinets et vis-à-vis des clients.

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