Philippe Vincent : « Il faut que le recours à un commissaire aux comptes devienne un réflexe, à l’instar de l’avocat ou du banquier »
L’ancien président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes (CRCC) de Versailles et du Centre a été élu, le 31 octobre 2024, à la tête de la Compagnie nationale. À 53 ans, Philippe Vincent succède ainsi à Yannick Ollivier, dont il était jusque-là le vice-président. Durant son mandat, il souhaite notamment renforcer l’image de la profession. « Il faut que le recours à un commissaire aux comptes [par les entreprises] devienne un réflexe, à l’instar de l’avocat ou du banquier », affirme-t-il.
Actu-Juridique : Quel sentiment vous anime après votre élection à la présidence de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) ? Est-ce un accomplissement professionnel ?
Philippe Vincent : Un accomplissement ? Je ne sais pas, j’ai la chance de faire un métier passionnant et la carrière d’un commissaire aux comptes est évidemment longue. C’est en revanche, c’est certain, une fierté et une responsabilité que je suis très heureux d’assumer pour les quatre prochaines années. C’est aussi une opportunité formidable, pour moi, de mieux défendre ma vision du métier. En plus d’exercer dans une grande entreprise, j’ai toujours souhaité m’engager pour défendre la profession dans sa diversité, peu importe la taille des cabinets. Nous exerçons tous le même métier et nous défendons les mêmes valeurs tournées vers la qualité et la transparence de l’information financière et extra-financière. Par ailleurs, mon élection s’inscrit dans une continuité puisque je suis engagé dans les instances locales et régionales de la profession depuis 2006. Je suis donc ravi de pouvoir servir encore davantage mes consœurs et confrères, et servir l’intérêt général.
AJ : Votre présidence s’inscrire-t-elle dans les pas de celle de votre prédécesseur, Yannick Ollivier ?
Philippe Vincent : Oui, et pour cause puisque j’étais membre de son bureau depuis 2020. La mandature de Yannick Ollivier s’est inscrite dans un moment charnière pour notre profession avec l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Durant ces quatre ans, nous avons réussi à redynamiser notre profession pour la faire passer d’une utilité décrétée à une utilité reconnue. Désormais, il m’incombe, avec l’ensemble du bureau et des compagnies régionales, de franchir une nouvelle étape pour passer à une utilité recherchée.
AJ : Qu’entendez-vous par là ?
Philippe Vincent : La directive européenne, dite CSRD (Corporate Sustainability Reportive Directive), qui fixe de nouvelles obligations de reporting d’informations extra-financières pour les grandes entreprises a consacré le rôle des commissaires aux comptes comme LE partenaire de confiance dans l’économie. Nous devons tirer avantage de ce renforcement pour rappeler aux entreprises, et plus particulièrement aux fédérations qui les représentent, que nous sommes des partenaires essentiels du développement économique, qui plus est dans un monde fait d’incertitudes économiques. Nous sommes encore perçus comme des censeurs par certains responsables, ce qui est évidemment une erreur fondamentale. Les commissaires aux comptes sont des partenaires de confiance qui veillent à la réussite des entreprises autant qu’à la confiance dans l’économie. Il faut que le recours à un commissaire aux comptes devienne un réflexe, à l’instar de l’avocat ou du banquier. Les enjeux sont aujourd’hui nombreux et vastes, qu’ils soient technologiques avec l’intelligence artificielle, environnementaux, sociaux ou de gouvernance, avec je vous le disais l’application de la directive CSRD, par exemple.
AJ : Le 5 décembre prochain débutera la 35e édition de vos assises autour de l’IA et de la confiance. Qu’attendez-vous de ce premier rendez-vous en qualité de président ?
Philippe Vincent : L’objectif de ce rendez-vous évidemment, pour moi, est d’aller à la rencontre des confrères que je ne connais pas encore, pour partager avec eux ma vision et mon projet, pour me nourrir de leurs retours et de leur expérience aussi. Les Assises sont toujours une occasion unique d’aller aux contacts des professionnels. En lien avec notre thématique, je souhaite aussi rassurer les participants sur l’avenir puisque l’IA est évidemment amenée à changer beaucoup de choses (méthodes de travail et d’audit, nouveaux outils, etc..) et n’est pas sans soulever quelques interrogations. Le rôle de la CNCC est de garder un temps d’avance, comme nous l’avons toujours fait, sur ces bouleversements et d’être aux côtés des professionnels, notamment en termes de formation, pour qu’ils puissent évoluer comme ils l’entendent à travers toutes ces transformations.
AJ : De manière générale, comme votre profession se positionne-t-elle par rapport à l’IA ?
Philippe Vincent : Pour nous l’IA est un outil, et comme tout outil il est nécessaire de savoir l’utiliser pour en exploiter toutes les dimensions et éviter quelques écueils. Comme je vous le disais, c’est aussi le rôle de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes d’accompagner les confrères pour qu’ils sachent exploiter l’IA correctement et plus précisément pour qu’elle les aide au bon établissement de leurs missions, avec de réels gains d’efficacité et de qualité à la clé. Il y a, à ce sujet, évidemment des problématiques liées à la protection des données ou le respect de notre déontologie. Notre profession est fortement réglementée et contrôlée, c’est pour cela d’ailleurs qu’elle jouit d’une telle confiance auprès des acteurs économiques. Le recours à l’IA doit donc s’inscrire dans ce cadre-là pour être employée à sa juste valeur.
Référence : AJU016d1