Cassandre Huchet, future bâtonnière du barreau de l’Essonne

Publié le 20/11/2024

Élue en juin dernier, Maître Cassandre Huchet succédera à Maître Ibrahima Boye pour le mandat 2025-2026 du barreau de l’Essonne. Avocate associée au sein du cabinet CPH, elle est spécialiste en droit des sociétés, ainsi qu’en droit commercial des affaires et de la concurrence. Elle est également formatrice pour l’École nationale de droit et de procédure. Rencontre.

Actu-Juridique : Pourquoi être devenue avocate ?

Cassandre Huchet : Je suis devenue avocate un peu par hasard. Ce n’était pas une vocation d’enfant mais une découverte sur le tard. J’avais commencé le droit pour devenir profiler, profession très à la mode à l’époque, ou plus raisonnablement commissaire de police, après un cursus en criminologie. Mais je suis devenue maman durant mes études et partir à l’école de commissaire de police était exclu. Durant ma licence, j’ai par ailleurs découvert que je n’étais pas forcément douée dans les matières que j’aimais ou qui m’attiraient initialement, mais je découvrais d’autres matières qui me plaisaient. J’ai ensuite cherché les autres débouchés du droit, car ces études me plaisaient beaucoup, mais j’avais envie de pratiquer et intégrer le monde du travail. C’est ainsi que j’ai intégré le master juriste d’entreprise d’Évry. Dans ce cadre, j’avais un stage obligatoire, que j’ai réalisé dans un cabinet d’avocat. C’est le cabinet où je suis toujours aujourd’hui. C’était une rencontre avec la profession et avec mon mentor. Je suis restée pour apprendre tout ce que je pouvais apprendre auprès de lui. Par rapport à la carrière de juriste d’entreprise, je trouvais le métier d’avocat plus varié, avec une richesse dans la diversité des clients et des dossiers. C’était beaucoup plus riche humainement pour moi, et je ne regrette pas mon choix.

AJ : Vous êtes restée dans le même cabinet, pourquoi ?

Cassandre Huchet : J’ai évolué et je suis devenue avocate associée très rapidement. Je suis entrée en 2009, j’ai prêté serment en 2012 et suis passée associée en 2015. Je suis valorisée et accompagnée. Quand on est bien, on ne part pas. J’ai toujours eu conscience de la chance que j’avais, et que j’ai encore, d’être dans ce cabinet.

AJ : Y a-t-il des dossiers qui vous marquent plus que d’autres ?

Cassandre Huchet : Ils sont tous importants. Ils ont tous quelque chose : soit une histoire de vie, soit une opération unique, très intéressante techniquement. J’ai par exemple un dossier de droit des affaires qui a terminé au pénal. Quand un dossier de conflit d’associés finit en meurtre, ça marque.

AJ : Vous êtes née en Essonne, vous y avez grandi et fait vos études. Aujourd’hui vous y travaillez. Comment décririez-vous le département ?

Cassandre Huchet : Le territoire est riche dans le sens de la diversité. Nous avons des bassins économiques intéressants. Nous pouvons avoir une population aisée et au contraire une population très pauvre avec un besoin en aide juridictionnelle. Le barreau, lui, est dynamique, familial et convivial. En tant que bâtonnière, j’ai à cœur de conserver ces caractéristiques qui font que c’est un lieu d’exercice agréable, avec beaucoup de potentiel de développement pour les confrères.

AJ : Vous avez un cabinet à Évry et un cabinet secondaire aux Ulis. Est-il important d’être présente à ces deux endroits du département ?

Cassandre Huchet : C’était cohérent avec mon activité. Aux Ulis, il y a beaucoup d’entreprises et j’avais déjà plusieurs clients là-bas. C’est une zone économique intéressante. C’était aussi un choix de développement. Aux Ulis ou ailleurs, c’est important pour les avocats de l’Essonne d’occuper le territoire. Même si cela concerne moins mes spécialités, l’Essonne est un territoire vaste et il est important qu’il n’y ait pas de désert judiciaire et que les avocats soient proches des justiciables. Les tribunaux sont de plus en plus parsemés mais les cabinets d’avocats peuvent faire ce maillage territorial.

AJ : Vous exercez exclusivement en droit des sociétés, droit commercial, des affaires et de la concurrence. Pourquoi ces matières ?

Cassandre Huchet : C’étaient les matières de mon mentor et la clientèle était déjà là. Ce sont des matières techniques passionnantes, qui n’empêchent pas ce relationnel important avec les clients, que j’apprécie beaucoup. Surtout, j’aime accompagner les entrepreneurs dans la création, le développement et parfois la fin de leurs projets.

AJ : Votre métier a-t-il changé depuis vos débuts ?

Cassandre Huchet : Nous nous adaptons en permanence aux évolutions. Le droit est en constante évolution, et c’est toute la plus-value de l’avocat qui est spécialement formé pour y répondre. Dans mon domaine, ce sont vraiment les années de crise sanitaire qui ont transformé le métier. Toutes les entreprises se sont mises au télétravail et on n’envisage plus une signature de transmission d’entreprise, par exemple, en présentiel. Mon activité se prête également totalement au télétravail, ce qui n’est pas le cas de tous mes confrères et consœurs.

AJ : Vous avez été élue bâtonnière pour la mandature 2025-2026. Qu’est-ce qui vous a motivée ?

Cassandre Huchet : C’est un peu un concours de plusieurs choses. C’était l’aboutissement de plusieurs années d’investissement syndical, ordinal et à la CARPA. Je me retrouvais peut-être en bonne position pour la connaissance des dossiers en cours. J’ai aussi derrière moi les présidences de quatre ou cinq commissions. Ce sont beaucoup de travaux suivis et dirigés. Finalement, je me suis dit que je pouvais sauter le pas du bâtonnat, que ce serait plus lourd mais peut-être pas autant que si je n’avais pas eu ce parcours. C’est un cheminement de plusieurs années.

AJ : Comment vous placez-vous par rapport à votre prédécesseur ? Dans la continuité ou dans la rupture ?

Cassandre Huchet : On ne peut pas être dans la rupture totale. Le mandat est seulement de deux ans, donc il y a forcément de la continuité, et chacun apporte sa touche personnelle. Je pense avoir un brin de modernité et de jeunesse. Je suis mieux placée pour certaines révolutions numériques et des outils qui doivent changer. Je me sentais capable de relever les enjeux actuels du bâtonnat, avec la notion d’accompagnement du personnel et des outils numériques. Il faut être proche des équipes que je connais déjà. J’espère apporter quelque chose en plus, sans aucunement renier mes prédécesseurs.

AJ : Quels sont les enjeux de votre mandat ?

Cassandre Huchet : Je vais par exemple poursuivre le travail effectué auprès des partenariats. C’est un travail continuel de les entretenir. J’ai suivi ces travaux de près et je vais pouvoir les reprendre. Il y a d’autres enjeux que je maîtrise moins à l’avance et que je prendrai au fur et à mesure, comme les relations avec les juridictions ou l’accès au droit. Ce sont des sujets récurrents. Nous avons en ce moment aussi beaucoup de menaces au niveau de notre profession et cela fera partie des enjeux du bâtonnat avec une voix à porter parmi tous les barreaux de France. Il faut être capable de répondre unanimement et de faire bloc sur ces sujets-là.

AJ : Quelles sont les actualités dans le monde judiciaire et juridique qui vous interpellent ?

Cassandre Huchet : Il y a la réforme de procédure civile en préparation, qui est tantôt activée, tantôt mise sur pause, tantôt on nous consulte… Il y a aussi des avocats qui demandent de revenir en arrière sur la réforme de la procédure d’appel, qui n’arrange finalement pas le délai de sortie des décisions. Je crois que les juridictions finissent par le reconnaître. Il faudra être vigilant pour saisir les opportunités à ce sujet. Je suis évidemment interpellée par la situation des avocats dans le monde et en France. Notre consœur Sonia Dahmani a été condamnée à deux ans de prison sans procès (en Tunisie, NDLR). C’est assez terrible de voir que c’est encore possible en 2024. Il y a eu en France la publication de la liste « des avocats à éliminer », au sortir des élections législatives, accompagnée d’images extrêmement choquantes de mise à mort (par le site d’extrême droite Réseau libre, NDLR). Les avocats sont sur le devant de la scène en ce qui concerne les libertés publiques et sont des cibles à abattre. Il faut que l’on continue de faire corps pour montrer l’unité de la profession sur ces sujets-là.

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