Des permanences inclusives au TJ de Versailles à destination des personnes en situation de handicap

Publié le 07/02/2025

Le tribunal judiciaire de Versailles accueille depuis le 6 décembre 2024 des permanences inclusives. Un vendredi matin par mois, les personnes en situation de handicap peuvent bénéficier de consultations gratuites avec un avocat, lors de rendez-vous obtenus par mail ou par téléphone. Une vingtaine d’avocats ont été formés pour accueillir et adapter leur comportement en fonction du handicap de la personne en consultation. Le barreau de Versailles, l’association Droit Pluriel et le tribunal judiciaire sont à l’initiative de cette mesure. Bertrand Menay, président de la juridiction versaillaise, livre les détails de ce dispositif unique en France. Rencontre.

Actu-Juridique : Comment ont été mises en œuvre ces permanences inclusives ?

Bertrand Menay : Ce dispositif est à l’origine une initiative du bâtonnier du barreau de Versailles, Raphaël Mayet. Au mois de mai 2024, il m’a proposé d’organiser dans les locaux du tribunal une permanence avec des avocats spécialement formés pour accueillir des personnes atteintes par différents types de handicap. Nous sommes donc partis de cette idée. Le barreau a développé un partenariat avec l’association Droit Pluriel, qui a vocation à sensibiliser à la question du handicap notamment en formant les avocats pour interagir avec des personnes en situation de handicap. Ils sont formés à répondre aux déficients visuels, auditifs mais aussi aux troubles autistiques et mentaux. Ils apprennent à s’adapter et à répondre à chaque situation. L’association Droit Pluriel met à disposition des avocats une mallette avec différents outils pour repérer et s’adapter aux différentes situations de handicap. Par exemple, pour concentrer l’attention d’une personne atteinte de troubles autistiques, il y a un objet antistress qui lui est mis à disposition durant l’entretien. Une boucle à induction est à disposition dans le kit pour recevoir une personne malentendante. L’objectif pour l’avocat est d’identifier le handicap pour s’adapter au mieux.

AJ : Pour quelles raisons avez-vous accepté cette proposition du barreau de Versailles ?

Bertrand Menay : J’ai accepté cette proposition pour deux raisons. D’abord, comme président du tribunal judiciaire de Versailles, j’assure aussi la fonction de président du conseil départemental d’accès au droit. Cette initiative contribue à renforcer l’accès au droit. L’idée est de vraiment toucher tous les publics et notamment ceux qui en ont le plus besoin. Pour les personnes en situation de handicap, ce n’est pas forcément facile d’avoir un échange ou même d’accéder à un cabinet d’avocat. J’ai donc tout de suite adhéré à cette démarche pour permettre le développement de l’accès au droit pour tous. Je pense aussi que c’est positif car le handicap n’est pas toujours suffisamment bien traité. Sur ce sujet, je souhaite que le tribunal judiciaire de Versailles soit un modèle. Parallèlement à cette initiative, nous allons prochainement former nos agents notamment au guichet d’accueil pour mieux répondre aux personnes en difficulté de santé. L’objectif est que ces personnes ressortent du tribunal en ayant le sentiment d’avoir été entendues, renseignées et correctement orientées.

AJ : Pourquoi cette adaptation est-elle nécessaire par rapport aux personnes en situation de handicap ?

Bertrand Menay : Pour faire face aux personnes en situation de handicap, il faut parfois avoir un comportement et un savoir-être particulier, en adoptant les codes propres à certains handicaps comme la surdité ou le mutisme. C’est important d’avoir des personnes motivées à l’accueil car elles représentent la vitrine de la juridiction et le point d’orientation vers les services et les professionnels du tribunal judiciaire de Versailles. Nous faisons aussi en sorte de traiter beaucoup de sujets à l’accueil pour éviter aux personnes d’aller plus loin dans les services, excepté quand c’est nécessaire. Les agents d’accueil doivent donc être compétents et engagés dans une démarche d’écoute pour répondre au mieux aux besoins.

AJ : Comment expliquez-vous votre sensibilité au sujet du handicap ?

Bertrand Menay : J’ai été confronté à ce sujet dès le début de ma carrière comme juge des tutelles. J’avais notamment comme mission de protéger les majeurs qui n’avaient pas toutes leurs capacités. C’étaient autant des personnes ayant été victimes d’accident de la vie que des personnes en situation de handicap dans l’incapacité de faire face en autonomie à la gestion de leurs revenus. Cette fonction m’a rapidement sensibilisé aux différents types de handicap aussi physique que mental et à la vulnérabilité des personnes touchées. Cette sensibilisation notamment à la santé mentale permet de mener des actions comme ces permanences inclusives.

AJ : Comme président du tribunal judiciaire de Versailles, vous assurez aussi la présidence du conseil départemental de l’accès au droit des Yvelines. Quelle place prend cette initiative par rapport à l’accès au droit dans le département ?

Bertrand Menay : C’est une nouvelle étape dans le développement de l’accès au droit dans le département. Cette démarche commune avec le barreau de Versailles et l’association Droit Pluriel rencontre son public puisque la première permanence du 6 décembre 2024 a connu un franc succès et les créneaux, de 9 heures à 12 heures un vendredi par mois, des prochaines permanences se remplissent très rapidement. Il y avait donc un réel besoin. Par ailleurs, nous sommes aussi la première juridiction en France à proposer un dispositif de cet ordre. Le tribunal judiciaire de Bordeaux propose une initiative similaire. Cependant, elle ne couvre pas tous les types de handicap.

AJ : Quelles sont les thématiques et les problématiques juridiques qui peuvent être évoquées lors de ces permanences inclusives ?

Bertrand Menay : Nous observons que les difficultés face aux démarches administratives au sens large reviennent régulièrement. Un certain nombre d’administrations peuvent être difficiles à joindre. Certaines personnes peuvent aussi rencontrer des difficultés pour percevoir ou faire valoir leurs droits. La permanence inclusive peut donc endosser ce rôle. Elle ne se substitue pas à la caisse d’allocations familiales, à la caisse primaire d’assurance maladie ou encore à la caisse des retraites. Les avocats impliqués dans ces permanences accompagnent donc le public dans leurs problématiques de la simple orientation vers l’administration ou le professionnel compétent jusqu’à la démarche contentieuse. Ensuite, par rapport aux personnes en situation de handicap, il peut aussi y avoir des questions concernant les aides en matière de tutelle. Il y a aussi des démarches autour des décisions en matière médicale notamment pour bénéficier de l’allocation adulte handicapé. Enfin, elles peuvent être victimes d’actes ou de faits délictueux et avoir besoin d’un accompagnement dans un processus de réparation.

AJ : Comment imaginez-vous l’avenir de ce dispositif ?

Bertrand Menay : Pour le moment, c’est un rendez-vous par mois. Nous avons prévu de faire un bilan avec le bâtonnier et l’association un peu avant l’été 2025 pour décider d’augmenter la fréquence. En parallèle, dans le cadre du conseil départemental d’accès au droit, nous avons le projet de mettre en place un point d’accès au droit en milieu psychiatrique à destination des malades et de leurs familles. L’objectif est de leur permettre de connaître leurs droits, la manière dont ils peuvent être accompagnés et de répondre à certaines problématiques liées notamment au consentement aux actes médicaux. Nous souhaitons mettre cette mesure en place avec les équipes médicales et administratives de l’hôpital de Plaisir.

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