Droits de l’Homme : le CNB lance sa Maison de l’avocat en exil

Publié le 13/02/2025

La Maison de l’avocat en exil est une nouvelle structure qui vise à « permettre aux avocats poussés à fuir leurs pays de se structurer afin de continuer à représenter la profession d’avocat à distance », explique Marie-Aimée Peyron, la présidente de la commission des affaires européennes et internationales au sein du Conseil national des barreaux (CNB). Les avocats bénéficiaires se verront notamment offrir une assistance juridique et matérielle. Explications.

Actu-Juridique : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à créer cette nouvelle structure en soutien aux avocats en exil ?

Marie-Aimée Peyron : Le Conseil national des barreaux (CNB) assiste depuis déjà de nombreuses années des avocats réfugiés originaires de pays confrontés à des crises systémiques, où l’État de droit n’est plus qu’une vague notion sans réalité concrète et soumise à toutes les pressions. Dans ces pays, il n’est plus possible pour ces avocats d’exercer dignement leur profession. Je pense notamment à l’Afghanistan avec l’arrivée au pouvoir des talibans en 2021. Dès cette époque, d’ailleurs, le CNB s’est mobilisé pour assister des avocats afghans à rejoindre la France et organiser leur soutien juridique et matériel. Nous avons aussi soutenu ardemment la création, en 2022 en Belgique, d’un barreau afghan en exil. De la même manière, nous sommes très investis pour aider nos confrères Soudanais depuis le déclenchement de la guerre civile en 2023. Sur place la situation est extrêmement grave avec près de 10 millions de déplacés. Évidemment, à ces pays en crise s’ajoutent aussi des situations préoccupantes pour les avocats et les acteurs du droit notamment au Soudan, en Ukraine, en Tunisie ou encore en Iran. C’est donc dans ce contexte lourd et menaçant pour l’État de droit que nous avons décidé de créer cette Maison de l’avocat en exil, le 11 décembre dernier. Cette structure aura pour objectif de permettre aux avocats poussés à fuir leurs pays de se structurer afin de continuer à représenter la profession d’avocat à distance. En résumé, nous leur permettrons de poursuivre leur rôle de composante essentielle de la société civile qui défend l’indépendance de la justice, l’État de droit et la prééminence du droit. Cela nous est apparu important puisqu’on le sait très bien, désormais, quand il y a un conflit, les pouvoirs tyranniques cherchent à faire taire les universitaires, les journalistes, les avocats et les magistrats. Ils sont parmi les premières cibles des régimes autoritaires.

AJ : Concrètement, comment cette aide prendra-t-elle forme pour eux ?

Marie-Aimée Peyron : La Maison de l’avocat en exil développera plusieurs services pour ces avocats : une assistance à la rédaction des statuts associatifs permettant aux réseaux d’avoir une existence juridique ; la mise à disposition d’une adresse administrative ; la mise à disposition d’un bureau mais aussi de salles de réunion pour organiser des événements occasionnels ; un soutien pour se faire reconnaître comme représentants de la société civile de leur pays auprès des instances internationales ; une assistance technique à la mise en service d’un site internet dédié. Notre but est de vraiment les aider à continuer d’exercer, de se défendre, à documenter les attaques contre les droits de l’Homme ou les crimes de guerre dans leurs pays et à s’organiser in fine comme un barreau en exil. En créant cette initiative, le CNB se place comme un acteur majeur de la défense des droits de l’Homme et des avocats. Cette structure est unique en son genre.

AJ : Tous les avocats étrangers qui en feront la demande pourront-ils bénéficier de ces moyens ?

Marie-Aimée Peyron : Tous ceux qui ont été contraints de fuir leur pays et qui ne peuvent plus exercer leur métier, oui. Je vous parlais tout à l’heure de l’Afghanistan et du Soudan, mais la Maison des avocats en exil est un espace évidemment ouvert à tous et à toutes. Malheureusement, l’État de droit est en recul dans de nombreuses régions du monde.

AJ : Le CNB, vous le disiez, se positionne en faveur des droits de l’Homme et des avocats en créant cette initiative. Toutefois, la limite peut être ténue avec la politique…

Marie-Aimée Peyron : Ce projet se veut évidemment apolitique. Notre ambition est de défendre le droit, rien que le droit, pas une politique ou un courant. Toutes les associations, barreaux, réseaux d’avocats souhaitant bénéficier des moyens de la Maison de l’avocat en exil devront signer une charte. Celle-ci les engagera donc à respecter un certain nombre d’obligations. Aussi je voudrais rappeler que nous jouissons, comme je vous l’ai indiqué plus tôt, d’une certaine expérience en la matière. Nous appuyons notamment les demandes de relocalisation vers la France des avocats les plus menacés et soutenons les demandes d’asile des avocats exilés en France auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

AJ : Quel sera votre suivi de l’activité de la Maison des avocats en exil ?

Marie-Aimée Peyron : Il sera évidemment permanent puisqu’il s’agit, vous l’aurez compris, d’une initiative du CNB. Par ailleurs, tous les membres de la commission des affaires européennes et internationales que j’ai la chance de présider sont d’ores et déjà très investis pour la réussite de ce projet. Enfin, les activités de la Maison de l’avocat en exil feront l’objet d’un rapport annuel.

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