Du nouveau chez les avocats aux Conseils
L’Autorité de la concurrence avait été saisie par le gouvernement pour donner son avis sur un projet de décret visant à créer un code de déontologie des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle avait formulé plusieurs recommandations pour le rendre compatible avec les règles de concurrence.
Le décret du 1er mars 2023 a permis la mise en œuvre de l’article 2 de l’ordonnance no 2022-544 du 13 avril 2022 (I). « Pour la première fois, l’Autorité s’est prononcée ex-ante sur un code professionnel d’une profession du droit avant son entrée en vigueur », a indiqué François Molinié, président de l’ordre des avocats aux Conseils (II).
I – L’édiction d’un code de déontologie des avocats aux Conseils
Le décret no 2023-146 du 1er mars 2023, relatif au code de déontologie des avocats aux Conseils, s’inscrit dans le cadre plus général de refonte de la discipline et de la déontologie des officiers ministériels.
Il s’agit de la mise en œuvre de l’article 2 de l’ord. no 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels. Pour rappel, cette ordonnance avait pour objet d’unifier les différents régimes disciplinaires des officiers ministériels (avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce, notaires). Elle est née du constat de la nécessité de réformer en profondeur la déontologie et la discipline de ces professions à la suite du rapport de l’Inspection générale de la justice remis au garde des Sceaux le 15 décembre 2020.
Ce rapport faisait le constat d’une trop grande diversité et complexité de leurs régimes disciplinaires, d’un traitement insatisfaisant des réclamations des usagers et d’un contrôle disciplinaire parfois défaillant. La surveillance des officiers publics et ministériels est désormais confiée au procureur général, à l’exception des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, compte tenu de leur statut spécifique et de leur rôle auprès de ces juridictions placées au sommet des deux ordres de juridictions.
Les articles 2 et 3 de l’ordonnance avaient pour but d’améliorer la lisibilité des règles déontologiques grâce à l’élaboration de codes de déontologie et de règles professionnelles et à la création de collèges de déontologie propres à chacune des professions.
Ainsi, un code de déontologie propre à chaque profession devait être préparé par son instance nationale et édicté par décret en Conseil d’État. Ce code devait énoncer les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s’appliquer en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions.
Les instances nationales précitées sont l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, la Chambre nationale des commissaires de justice, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le Conseil supérieur du notariat.
À noter. Les codes de déontologie seront complétés par des règles professionnelles précisées par voie de règlement par les instances nationales de chaque profession.
Quoi qu’il en soit, le code de déontologie propre aux avocats aux conseils a été publié le 1er mars 2023. Le titre II porte sur l’indépendance, le titre III sur le secret professionnel, le titre IV sur les conflits d’intérêts, le titre V sur les relations avec les juridictions, le titre VI sur les relations avec les clients et leurs représentants, le titre VII sur l’exigence de qualité, le titre VIII sur le domicile professionnel, le titre IX sur la confraternité, le titre X sur les relations avec les tiers, le titre XI sur la communication, le titre XII sur les avocats honoraires au Conseil d’État et à la Cour de cassation et le titre XIII sur les dispositions finales.
II – Les recommandations de l’Autorité de la concurrence
L’Autorité avait estimé que certaines règles pouvaient, par manque de précision et de transparence, constituer des freins à la croissance et au développement des offices d’avocats aux Conseils. À cet égard, elle avait proposé sept recommandations au gouvernement.
L’Autorité a ainsi formulé une proposition générale visant à préciser les règles déontologiques, tenant compte de la volonté de l’ordre des avocats aux Conseils de réunir, dès la publication du code de déontologie en 2023, son collège de déontologie en vue de rendre des avis déontologiques sous forme de lignes directrices.
En outre, l’Autorité avait recommandé d’indiquer dans le règlement professionnel que la diffusion d’arrêts et de commentaires doctrinaux, même ceux portant sur les affaires dans lesquelles l’avocat aux Conseils est intervenu, est autorisée.
L’Autorité avait aussi constaté que l’application des règles relatives à la publicité personnelle ne renvoyait qu’à l’article 15 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 sans viser également le règlement professionnel qui, en précise pourtant les modalités d’application. Elle avait ainsi recommandé de modifier, en ce sens, la rédaction du troisième alinéa de l’article 58 du projet de décret, recommandation qui n’a pas été retenue.
De même, l’Autorité avait recommandé de clarifier de la notion de domicile professionnel, notamment en précisant les « usages » auxquels il est fait référence, mais aussi en consultant le collège de déontologie de l’ordre des avocats aux Conseils sur les questions relatives au domicile professionnel.
Par ailleurs, l’article 8 du décret prévoit que l’avocat aux Conseils « ne peut se lier avec un professionnel d’aucune profession ou adhérer à un réseau professionnel sauf dans les cas expressément prévus par la loi », sans apporter de définitions claires de ces notions. L’Autorité avait estimé, à cet égard, que la rédaction de cet article était trop vague.
Ainsi, l’Autorité avait recommandé « de mieux définir l’interdiction “de se lier à un autre professionnel” afin d’éviter d’exclure de facto des situations conformes avec le principe d’indépendance ou, à tout le moins, de renvoyer au règlement professionnel pour en préciser les modalités d’application », selon les termes du communiqué accompagnant la publication de l’avis.
En outre, elle avait également proposé de définir le « réseau professionnel » dans les mêmes termes que le réseau pluridisciplinaire pour les avocats à la Cour figurant à l’article 16-1 du règlement intérieur national des avocats à la Cour et d’encadrer, si nécessaire, les règles de communication auxquelles doit se conformer l’avocat aux Conseils en cas d’adhésion à un réseau professionnel.
De plus, l’Autorité avait recommandé de faire figurer, dans les règles professionnelles à venir, des exemples de cas qui contreviendraient au principe général d’indépendance, tels que ceux proposés par l’ordre des avocats aux Conseils.
Enfin, le projet de décret prévoyait l’interdiction de la mention de spécialisation de l’avocat aux Conseils dans sa publicité personnelle. L’article 57 du décret a partiellement tenu compte de cette recommandation, en intégrant la possibilité de renseigner son expérience professionnelle dans le cadre de sa publicité personnelle.
À noter. Si le décret finalement adopté n’a pas pris en considération l’intégralité des recommandations visant à préciser la rédaction de certains articles du code de déontologie, l’Autorité a déclaré qu’elle serait attentive à ce que celles-ci soient prises en compte dans l’élaboration des règles professionnelles qui seront prochainement adoptées en application de l’article 2 de l’ordonnance du 13 avril 2022.
Référence : AJU009e0