Greffière dans une Maison de justice et du droit : « Être au plus proche de l’usager pour l’aider dans ses démarches juridiques »
Madame L. M. est greffière coordinatrice au sein de la Maison de justice et du droit Cœur d’Essonne Agglomération, située à Villemoisson-sur-Orge (91). Arrivée en mars 2016, cela fait sept ans qu’elle occupe ce poste dont les rouages sont encore souvent méconnus. Rencontre avec cette greffière passionnée mais qui préfère garder l’anonymat.
La Maison de Justice et du Droit (MJD) de Villemoisson-sur-Orge (91)
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Actu-Juridique : Comment êtes-vous devenue greffière ?
L. M. : J’ai découvert le droit durant mes deux années d’étude en pharmacie. J’ai finalement choisi de quitter ce parcours pour m’inscrire en première année de faculté de droit. Je voulais découvrir plus avant cette matière qui me parlait, sans pour autant savoir le métier que je voulais exercer. En Licence, j’ai réussi à obtenir un stage au sein du tribunal judiciaire d’Évry. J’y ai découvert le métier de greffière et j’ai compris qu’il était essentiel, axé sur la connaissance et la maîtrise de la procédure. J’ai continué mes études, puis j’ai passé le concours de greffier en 2013. J’ai intégré l’École nationale des greffes à Dijon en septembre de la même année. Après dix-huit mois de formation, j’ai choisi l’affectation à Évry, parce que c’était un tribunal que je connaissais déjà.
AJ : Comment s’est passé ce premier poste ?
L. M. : J’ai choisi pour mon premier poste le service des hospitalisations sous contrainte. J’étais intéressée par la façon dont la justice intervient dans d’autres secteurs non juridiques, comme le médical. Le service où j’étais s’est ensuite transformé en Pôle urgence avec le service des référés et des requêtes président. Ce premier poste fut très instructif.
AJ : Pourquoi avoir postulé pour rejoindre une Maison de justice et du droit ?
L. M. : Lorsque j’ai postulé, je ne savais pas ce qu’était une Maison de justice et du droit (MJD) mais la fiche de poste était très intéressante. C’est un poste particulier parce qu’il ne s’agit pas simplement de renseigner les usagers pour permettre l’accès au droit. Il faut bien connaître les services de la juridiction et les procédures. Je voulais être davantage au contact des usagers, et traiter un champ de contentieux plus large.
AJ : En quoi consiste votre travail ?
L. M. : Je reçois des usagers en amont ou en cours de procédure, et après jugement. Mon rôle est d’être au plus proche des justiciables, pour les aider à connaître leurs droits, leur expliquer les démarches juridiques. Ce qu’est par exemple une convocation en audition libre, quel Cerfa remplir ou ce que signifie une « mise en état ». Mais aussi les aider à comprendre un jugement en vulgarisant le droit. J’essaye de mettre le droit à la portée de toutes et tous. En parallèle, j’ai un rôle de coordination de la structure en binôme avec la responsable de la MJD.
AJ : Vous avez aussi un volet formation ?
L. M. : Tout à fait. En Essonne, nous pouvons être amenés à former les agents France service sur le volet justice, à présenter aux collèges et lycées du ressort les métiers du droit et de la justice, voire animer des ateliers sur la thématique du droit pénal. Nous organisons également des réunions annuelles de réseau. Ce sont des temps qui permettent de répondre aux besoins de formation juridique des partenaires œuvrant à l’accès au droit sur le territoire.
AJ : C’est-à-dire ?
L. M. : Par exemple, à la suite de la réforme du divorce, un besoin a été remonté par les juristes du réseau de connaître davantage la procédure et sa mise en œuvre en pratique au tribunal judiciaire d’Évry. Un temps de formation a donc été organisé avec un juge des affaires familiales et des agents de la CAF pour mieux comprendre la réforme et la mise en place de l’intermédiation financière des pensions alimentaires.
AJ : Votre poste a-t-il évolué depuis vos débuts ?
L. M. : Oui. Avec la mise en place du système d’information d’aide juridictionnelle (SIAJ) en début d’année, les greffières des quatre MJD essonniennes ont acquis une fonction juridictionnelle. Nous accompagnons les personnes qui veulent constituer leurs demandes d’aide juridictionnelle en ligne. Nous traitons désormais les dossiers de A à Z, de leur enregistrement à la préparation de la décision pour le magistrat. Ce qui raccourcit les délais de traitement.
AJ : Quelles sont les relations avec le tribunal judiciaire ?
L. M. : Étant détachée du tribunal judiciaire, je suis constamment en relation avec le tribunal, que ce soit pour remonter les besoins, ou les statistiques de la structure. J’ai aussi une habilitation sur l’ensemble des logiciels du tribunal judiciaire, ce qui me permet de renseigner les usagers sans avoir à déranger les collègues.
AJ : Comment est organisée la MJD où vous travaillez ?
L. M. : La MJD est composée de trois chargées d’accueil, d’une juriste, d’une responsable issues de la territoriale, et d’une greffière mise à disposition par le tribunal judiciaire d’Évry. La MJD bénéficie d’un investissement important de la communauté d’agglomération, en termes de budget et de personnel (87 % des permanences sont financées par l’agglomération, les 13 % restants par le ministère de la Justice). Le bon fonctionnement de la MJD repose sur l’engagement de chacun des partenaires : bénévoles, professionnels et institutionnels. Un usager qui se présente téléphoniquement ou physiquement pour des renseignements sera accueilli par une agente d’accueil (ou moi-même, j’assure une demi-journée d’accueil par semaine). Par une analyse fine de la problématique, un rendez-vous sera proposé sur le professionnel le mieux adapté. Nous fonctionnons uniquement sur rendez-vous.
AJ : Quels types de contentieux avez-vous à traiter ?
L. M. : Les contentieux sont très variés : droit pénal volet auteur, droit de la famille, procédures devant le juge de l’exécution (JEX), voies d’exécution, etc. Je peux être amenée à renseigner les usagers et usagères sur toutes les procédures qui concernent le tribunal judiciaire, administratif, voire certaines procédures européennes. Je trouve cela très intéressant, intellectuellement.
AJ : Qu’est-ce qui vous plaît dans ce poste ?
L. M. : Le fait de pouvoir mettre mes connaissances à la portée des usagers. Aujourd’hui, je fonctionne avec des rendez-vous de trente minutes. Cela permet de prendre le temps d’écouter les personnes qui viennent nous voir, de cibler leurs problématiques juridiques, de les démêler, de les leur expliquer et de les orienter, si besoin, sur un partenaire. Je reçois entre douze et quinze personnes par jour alors qu’au sein du tribunal judiciaire, les collègues peuvent recevoir à l’accueil plus de cinquante personnes par matinée.
AJ : Que viennent chercher les usagers auprès de vous ?
L. M. : De l’aide. Des explications. Beaucoup ne sont pas informés sur les réformes. Et lorsqu’ils en ont entendu parler, ils se posent des questions et ne comprennent pas forcément les conséquences. Même pour nous, professionnels du droit, cela peut être complexe, nous devons constamment actualiser nos connaissances. En ce moment, la dématérialisation de l’aide juridictionnelle change beaucoup de choses. Si certaines personnes se saisissent de ce nouveau mode de fonctionnement, d’autres ont besoin d’aide, surtout celles qui n’ont ni matériel informatique, ni adresse email. Il y a des gens qui ont accès à l’information et peuvent faire les démarches par eux-mêmes, mais veulent voir un professionnel pour être sûr, et d’autres qui ne savent pas ou ne comprennent pas…
AJ : Selon vous, les MJD sont-elles nécessaires ?
L. M. : Les points justice regroupent les points d’accès au droit et les Maisons de justice et du droit. Ces deux types de structures de proximité sont importants. Elles permettent à tout un chacun de connaître ses droits tout en assurant la confidentialité, et c’est à mon sens fondamental pour bien vivre en société. D’autant plus que le droit se complexifie avec des réformes qui se multiplient. Il existe aujourd’hui des plate-formes privées qui se développent avec des packs payants de renseignements juridiques, mais c’est important de maintenir cette politique de gratuité et d’accessibilité. Nous traitons plus de 16 000 actes d’accueil par an dans la MJD Cœur d’Essonne agglomération. C’est également important qu’il y ait un ou une greffière présent(e) à temps plein puisque nous sommes le relais entre les juridictions et les usagers. Nous sommes garants de la procédure et veillons au bon fonctionnement de la structure. Une MJD sans greffier ne serait pas la même chose.
Référence : AJU008y7