Harcèlement : le barreau de Paris se dote d’un nouvel outil d’action
Le conseil de l’ordre du barreau de Paris vient de valider, pour une période de six mois, l’expérimentation d’un nouveau dispositif pour lutter contre le harcèlement et les discriminations. « Refuge-avocats » offrira une domiciliation temporaire « pour les avocates et avocats qui sont la cible de harcèlement et de discriminations au sein de leur cabinet ou qui s’estiment en danger ». Pour Antoine Lafon, l’un des membres du conseil de l’ordre et l’un des auteurs du rapport, c’est « un moyen supplémentaire dont dispose désormais le barreau pour faire face à ces graves problématiques que sont le harcèlement et les discriminations ». Rencontre.
Actu-Juridique : À quoi servira ce nouveau dispositif appelé « refuge-avocats » ?
Antoine Lafon : Notre objectif au sein du barreau de Paris, avec ce dispositif, est de mieux protéger les avocats qui s’estimeraient victimes de harcèlement ou de discriminations au sein de leur cabinet ou qui jugeraient être en danger de telle manière qu’ils ne pourraient plus exercer comme il se doit leur profession. Grâce à ce dispositif, l’Ordre, saisi par le confrère au préalable, pourra dès lors offrir une domiciliation temporaire (trois mois renouvelables une fois) et d’urgence auprès du Centre d’affaires des avocats de Paris (CDAAP) et évitera ainsi au concerné d’être en présence de la personne qu’il accuse de comportements sexistes et/ou discriminatoires et/ou violents.
En parallèle de cette offre, une procédure sera évidemment initiée devant la commission compétente de l’ordre et plus précisément devant de la commission harcèlement et discriminations (COMHADIS) pour vérifier si les faits rapportés sont vrais ou non.
AJ : À ce propos, pourquoi lancez-vous ce nouvel outil ? L’action de la COMHADIS est-elle jugée insuffisante pour répondre à toutes les saisines ?
Antoine Lafon : L’action de la COMHADIS n’est pas remise en cause, bien au contraire. Nous offrons, il me semble, avec ce nouveau dispositif de « refuge-avocat » un autre recours complémentaire pour que la parole puisse se libérer. C’est un moyen supplémentaire dont dispose désormais le barreau pour faire face à ces graves problématiques que sont le harcèlement et les discriminations. C’était aussi, je le rappelle, une promesse de campagne du bâtonnier, Pierre Hoffman et de la vice-bâtonnière, Vanessa Bousardo, récemment élus. La volonté du barreau en la matière est importante !
Je précise d’ailleurs que nous déployons en ce moment aussi un nouveau mode de signalement et de recueil des alertes en matière de harcèlement, discrimination et propos sexistes (ADIT), avec un organisme tiers, car nous savons bien qu’il existe parfois une crainte quant au fait d’être mal considéré par ses confrères.
AJ : Concrètement, quelle est la démarche pour se saisir du dispositif ?
Antoine Lafon : Une adresse électronique va être créée à cet effet. Tout avocat pourra demander à bénéficier du dispositif via cette adresse électronique. Après le traitement de sa demande par un des membres du cabinet du bâtonnier, le confrère sera entendu par un membre du conseil de l’ordre pour évaluer sa situation et, si nécessaire, lui proposer une domiciliation dans les locaux comme nous l’avons évoqué.
AJ : Selon cette procédure, vous ne jugez pas de la réalité des faits ?
Antoine Lafon : Dans un premier temps d’urgence nous offrons la protection nécessaire à une personne qui s’estime dans le besoin. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’un travail approfondi est mené par la commission adéquate du barreau et notamment la COMHADIS s’il s’agit de faits de harcèlement ou de discrimination. À ce propos, je voudrais rappeler que le fonctionnement de la COMHADIS suit une procédure en deux phases. La première permet à la partie plaignante d’être entendue de façon confidentielle. Quant à la seconde, la phase dite contradictoire, elle n’est enclenchée que si, et seulement si, la partie plaignante le souhaite. Et ce n’est qu’après cette deuxième étape que la commission rend un avis motivé avec d’éventuelles procédures disciplinaires.
AJ : Pourquoi ne débutez-vous qu’avec une phase expérimentale de six mois ?
Antoine Lafon : Nous ne savons pas quelle sera exactement la demande, ni les besoins, et donc également le coût budgétaire pour l’Ordre, même si la mesure sera nécessairement limitée par le nombre de domiciliations disponibles au sein du CDAAP. Nous devons, de fait, mieux juger de l’efficacité du dispositif avant d’éventuellement le pérenniser.
Référence : AJU014l3