Hervé Chemouli : « Paris est une place de droit centrale reconnue par la communauté juridique internationale »
L’Union internationale des avocats (UIA) a organisé son congrès annuel à Paris, du 30 octobre au 3 novembre dernier. Le droit de la mode et la durabilité, ainsu que l’intelligence artificielle étaient les deux thématiques principales de cet événement. La question centrale des débats était : « Faut-il réguler l’IA ? », reconnait, dans cet entretien, Hervé Chemouli, avocat et président du 68e congrès de l’UIA. Retour sur ces quelques jours de débats passionnants entre avocats.
Actu-Juridique : Pourquoi avez-vous choisi Paris pour accueillir ce 68e congrès de l’UIA ?
Hervé Chemouli : Paris et les barreaux français sont au cœur de l’histoire de l’Union internationale des avocats (UIA). Fondée par des avocats luxembourgeois, belges et français, rejointe dès l’origine par des barreaux français, l’UIA a jusqu’à présent organisé sept congrès annuels à Paris, la première fois en 1930, la dernière en 2007. Le comité national français est l’un des plus importants en nombre de membres de notre association. La France est la patrie des droits de l’Homme et en 2024, Paris est une place de droit centrale reconnue par la communauté juridique internationale. Son attrait pour les avocats et juristes d’entreprise du monde entier, quels que soient leurs domaines d’activité, est indéniable.
AJ : Ce congrès était-il d’une certaine manière l’équivalent des Jeux olympiques pour les avocats ?
Hervé Chemouli : Il n’y a pas eu d’épreuves pour nos congressistes, sinon celle de choisir entre les multiples possibilités que leur offre le congrès. Nous voulons faire briller Paris et nos institutions, avec toute l’humilité nécessaire mais comme l’ont fait les Jeux olympiques et paralympiques aux yeux du monde entier. Nous sommes heureux et fiers d’avoir organisé ce congrès quelques semaines après la fin des JO et des JOP qui ont donné une très belle image de Paris. Nos participants étaient ravis de retrouver les lieux qui ont brillé pendant les Jeux.
AJ : Quels ont été les temps forts de l’événement ? 43 sessions de travail étaient prévues…
Hervé Chemouli : Le congrès de l’UIA est une succession de temps forts… Cela débute toujours intensément avec la cérémonie d’ouverture qui s’est tenue à la Maison de l’Unesco. Les travaux scientifiques ont commencé le lendemain avec les thèmes principaux et la session spéciale, des sujets en relation avec l’actualité juridique et professionnelle. Le programme social, que nous ne pouvions pas négliger, a permis de grands moments de convivialité entre nos membres. Enfin, les congrès de l’UIA se finissent toujours avec beaucoup d’émotion ; émotion du passage de pouvoir entre président(e) sortant(e) et président(e) élu(e), émotion de se quitter après cette amicale parenthèse dans nos exercices professionnels.
AJ : L’intelligence artificielle (IA) fut l’une des deux thématiques principales de ce rendez-vous. Sous quel angle avez-vous aborder ce si vaste sujet ?
Hervé Chemouli : Le premier thème principal sur l’IA proposait trois sous-sessions. La première était tenue par un groupe multidisciplinaire d’experts internationaux qui ont examiné les fondements philosophiques et socio-économiques de la réglementation de l’intelligence artificielle. La deuxième sous-session a été animée par des représentants et des experts des principaux blocs économiques mondiaux. Ils ont analyser leurs objectifs respectifs en matière de réglementation. La troisième sous-session a analysé les vastes changements dans le processus et la procédure des litiges judiciaires et de l’arbitrage qui pourraient résulter de l’utilisation par les plaideurs de systèmes d’IA génératifs en tant qu ‘« assistants » juridiques virtuels. Nous avons ainsi pu confronté les opinons de nos confrères des 5 continents.
AJ : L’IA, est-elle, selon vous, une opportunité ou une menace pour la pratique professionnelle des avocats ?
Hervé Chemouli : Certains affirment que nous sommes confrontés à la « révolution humaine la plus profonde de l’histoire ». La question centrale reste de savoir s’il faut et si oui comment réguler l’IA. Nous avons entendu des experts et des points de vue différents et mettrons plus généralement nos réflexions en commun sur le sujet. À titre personnel, je considère l’IA comme une innovation dont on ne pourra pas se passer, il vaut mieux donc la maîtriser plutôt que s’en méfier.
AJ : La deuxième grande thématique de ce congrès portait sur l’industrie de la mode et le développement durable. Pourquoi explorez-vous ce sujet précisément ?
Hervé Chemouli : Tout d’abord, parce que Paris est reconnue mondialement comme capitale de la mode mais également parce que le développement durable devient une évidence et s’applique à tous les secteurs de l’économie. La mode a un impact considérable sur l’environnement, c’est une problématique que l’on ne peut plus ignorer. Face aux enjeux du réchauffement climatique et aux interrogations sur les modes actuels de production mais aussi de distribution, de marketing, de consommation, l’industrie du textile de la mode fait face à de nouveaux défis posant des questions de droit complexes, non seulement en matière environnementale mais aussi en matière de droits de l’Homme et de droit du travail.
AJ : Un congrès de l’UIA est-ce finalement surtout l’occasion d’échanger sur des pratiques, des visions, et des savoir-faire différents ?
Hervé Chemouli : Tout à fait, l’UIA organise des séminaires et webinaires tout au long de l’année sur différents thèmes du droit et de la pratique. Le congrès est le point culminant de ce programme d’événements. C’est l’occasion pour nos membres de faire une synthèse des sujets abordés au travers des 43 commissions spécialisées, et d’échanger sur nos pratiques professionnelles. Nos membres collectifs jouent un rôle majeur pour en harmoniser les règles, y compris en matière de déontologie, le socle de notre profession. L’avantage indéniable de notre association est son caractère multiculturel, le travail et les échanges en trois langues. La diversité des systèmes juridiques et l’origine géographique de nos membres sont extraordinairement fécondes, uniques de mon point de vue. Et puis le congrès de l’UIA donne aussi aux avocats membres ou simples congressistes, l’opportunité de créer des réseaux de correspondants à travers le monde qui permettent de générer à terme des activités professionnelles communes, et de nouer dans la durée des liens d’amitié. C’est ce mélange particulier entre l’intérêt professionnel et le bonheur d’être ensemble que nous aimons tant.
Référence : AJU015p6
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