« La réforme du divorce est intelligente et nécessaire »

Publié le 28/02/2017

Les 13e États généraux du droit de la famille et du patrimoine, organisés par le Conseil national des barreaux, se sont tenus les 26 et 27 janvier derniers. Ils ont été en grande partie consacrés à la réforme du divorce par consentement mutuel qui vient d’entrer en vigueur. Depuis le 1er janvier, les époux n’ont plus besoin de passer devant un juge pour divorcer par consentement mutuel. La nouvelle loi prévoit que les conventions de divorce, rédigées par les avocats, soient enregistrées par des notaires. Les premiers jours de l’application de cette réforme ont été marqués par un conflit ouvert entre les notaires et les avocats. Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux, estime que la tenue des États généraux, auxquels a assisté le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a permis de trancher le débat en réaffirmant les prérogatives des deux professions. Pour les Petites Affiches, il revient sur cette nouvelle procédure, et évoque la manière dont les avocats entendent s’investir dans la campagne présidentielle.

Les Petites Affiches – Comment la réforme du divorce par consentement mutuel a-t-elle été accueillie par les avocats ?

Pascal Eydoux – La profession d’avocat adhère à cette réforme sans réserve. Le garde des Sceaux a conçu, comme les avocats, que l’intérêt de la justice était que les magistrats soient confirmés dans leur rôle de trancher les litiges. Dans cette logique, il n’y a aucune raison de faire intervenir un juge quand il n’y a pas de contentieux. L’intervention des magistrats dans les procédures de divorce par consentement mutuel était d’ailleurs une intervention de pur principe, puisque 99 % des conventions qui leur étaient présentées étaient homologuées. La loi rappelle que le rôle des magistrats est de dire le droit, et nous y voyons un très bon signe. Les avocats sont des rédacteurs d’acte en toute matière, il n’y avait aucune raison qu’ils ne le soient pas en matière familiale. C’est une réforme utile, intelligente et nécessaire, qui va simplifier la vie de nos concitoyens.

LPA – Cette réforme va-t-elle changer quelque chose au travail des avocats ?

P. E. – Cette loi donne aux avocats une prérogative juridique plus affirmée, mais sur le fond, elle ne change pas le travail des avocats. Ceux-ci ont toujours rédigé des conventions de divorce, depuis que le divorce par consentement mutuel existe. La seule différence, c’est que ces conventions étaient auparavant homologuées par un juge. Cela ne sera plus le cas. C’est une marque de confiance envers les avocats, qui la méritent largement.

LPA – Cette réforme a pourtant engendré une vive polémique entre notaires et avocats. Que s’est-il passé ?

P. E. – Les notaires semblaient vouloir outrepasser la mission qui leur était dévolue par la loi en s’octroyant de nouvelles prérogatives. Dès les premiers jours de janvier, au moment même où la réforme entrait en vigueur, le président du Conseil supérieur du notariat a ainsi fait savoir que les notaires ne pouvaient enregistrer les conventions que s’ils rencontraient les parties. S’ils faisaient cela, ils se substitueraient aux juges, ce qui n’est pas leur rôle, et qui n’est en aucun cas prévu par la loi. Le texte de loi est très clair : les notaires ont un rôle formel de contrôle des conventions, ils doivent se contenter de les enregistrer. Leur mission n’implique aucune vérification, aucun regard sur les conventions rédigées par les avocats. Les États généraux ont permis de caler les conditions dans lesquelles la réforme allait être mise en application par les avocats et déterminer les rôles dévolus aux avocats et aux notaires d’autre part.

LPA – Où en est ce conflit aujourd’hui ?

P. E. – La loi a été rappelée très clairement par le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, puis par une circulaire d’application de la loi diffusée par la Chancellerie quelques jours après la tenue des États généraux. Je considère désormais que le débat est clos. Si des confrères venaient à rencontrer des difficultés lors de l’enregistrement de leurs conventions, je les invite à contacter le CNB. Je compte sur la pratique pour finir d’harmoniser les choses. Cette polémique doit être relativisée. L’intérêt de nos clients est notre seul objectif. Nos clients sont préservés par notre compétence et notre déontologie stricte.

LPA – Quels ont été les autres thématiques abordées lors des États généraux du droit de la famille ?

P. E. – Ces journées sont des journées d’information et de formations. Elles ont mobilisé plus de 2 000 avocats venus de toute la France. La réforme du divorce par consentement mutuel a été le sujet principal de ces journées, compte tenu de son actualité. D’autres sujets, en matière de tutelle, de protection des mineurs, ont également été abordés. Nous avons fait des propositions à Laurence Rossignol, ministre des Familles et de l’Enfance présente à la deuxième journée, concernant le relogement des familles en cas de séparation des couples non mariés. La protection est moindre pour les enfants de parents pacsés ou vivant en concubinage, car l’attribution du logement des enfants n’est pas règlementée. Le juge manque actuellement d’outils juridiques pour régler ces situations. Nous avons proposé de conférer au juge les moyens de statuer sur ces situations sur des bases légales.

LPA – En cette période électorale, vous souhaitez également prendre la parole dans le cadre de la campagne présidentielle. Allez-vous faire des propositions aux candidats ?

P. E. – Nous attendons de savoir quel rôle l’État entend donner à la justice. Pour cela, nous souhaitons tout d’abord connaître les positions des candidats sur un certain nombre de sujets, que nous sommes en train de définir après avoir consulté les avocats. Quels moyens entendent-ils donner à la justice ? Quel doit être le rôle des juges ? Comment se situent-ils par rapport à l’état d’urgence ? Comment la justice française doit-elle s’intégrer dans l’espace européen ? Quels sont leurs projets en matière de carte judiciaire, sur le numérique, sur le Big Data, sur la pluriprofessionnalité, les charges, la fiscalité, ou encore le secret professionnel ? Nous souhaitons que les candidats se rendent disponibles pour répondre à ce genre de questions. Le CNB présentera aux candidats l’ensemble des contributions sur lesquelles il a délibéré et qui, à ce jour, n’ont pas encore abouti.

LPA – Jusqu’à présent, la justice est plutôt absente de la campagne. Pensez-vous que les candidats vous répondront ?

P. E. – Si les candidats ne sont pas en mesure de répondre sur leur vision de la justice dans notre pays, alors ils ne sont pas en mesure d’assurer à notre démocratie et notre économie les moyens de leur développement. Un responsable politique qui aspire à devenir chef d’État doit avoir des visions claires en matière de justice. La société repose sur trois piliers : la justice, l’éducation et la santé. Les pouvoirs publics ont malheureusement l’habitude de privilégier l’éducation et la santé, et de négliger la justice, peut-être parce qu’ils la craignent. Si les candidats ne se positionnent pas sur des considérations aussi fondamentales que le rôle de la justice dans notre pays, c’est notre mission, en tant que représentant de la profession, de les y ramener.

LPA – Cette mission est également revendiquée par le conseil de l’ordre du barreau de Paris, qui a également lancé un appel aux candidats. Pourquoi ces deux initiatives ? Sont-elles concurrentes ou complémentaires ?

P. E. – Les missions des ordres, dont celui de Paris, et celles du Conseil national des barreaux sont bien distinctes. La profession d’avocat est une profession règlementée, dont le contrôle de l’exercice professionnel et la régulation des pratiques sont assurées par les ordres. La représentation de la profession dans les débats politiques et de société revient en revanche au Conseil national des barreaux, seul représentant de la profession. Certains ordres ont du mal à concevoir cette répartition, ce qui entraîne parfois des situations de cacophonie. C’est ce qui vient de se passer autour de la campagne présidentielle. Le barreau de Paris a conçu sa consultation présidentielle alors que nous venions d’annoncer celle du CNB. Mais je considère que nous devons ignorer les facteurs dissonants. Le CNB est en charge de l’intérêt général de la profession. Telle est son unique préoccupation. Nous ne sommes pas en relations polémiques. La légitimité du Conseil national n’est pas remise en cause par quelques actions ponctuelles de peu d’importance. Peu à peu, l’émergence d’une représentation nationale est entrée dans les esprits. Le bureau du CNB compte en son sein cette année le bâtonnier élu du barreau de Paris pour les années 2018-2019 et le premier vice-président de la Conférence des bâtonniers pour la même mandature. Leur présence démontre que le Conseil national constitue l’institution représentative au renforcement de laquelle l’ensemble des avocats aspire. C’est le plus important.

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