L’absence du sceau du notaire

Publié le 24/05/2018

Le défaut d’apposition de son sceau par le notaire sur l’acte qu’il dresse ne fait pas perdre à cet acte son caractère authentique et par suite sa force exécutoire.

Cass. 1re civ., 1er févr. 2018, no 16-25097

Le premier alinéa de l’article 1369 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, dispose que « l’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter ». Cette exigence du respect de règles de forme s’explique par le caractère exécutoire attaché à l’authentification de l’acte. En effet, ce caractère exécutoire permettra à l’une des parties, en cas de défaillance de l’autre, de mettre en œuvre des mesures d’exécution sans avoir besoin d’attendre une décision du juge. En outre, cet acte fait foi jusqu’à inscription de faux1 qui constitue une procédure lourde et complexe2. Dans ces conditions, on peut s’interroger sur les conséquences qu’aura pour l’acte une violation des règles de formes et en particulier quant au maintien de sa force exécutoire. C’est à cette interrogation qu’a trait une décision rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 1er février 20183. En l’espèce, une vente d’un bien immobilier en l’état futur d’achèvement est conclue par acte authentique. Par la suite, les vendeurs ne pouvant obtenir des acheteurs le versement du solde du prix, font pratiquer deux saisies-attributions à leur encontre. Ceux-ci répondent en demandant la mainlevée de ces mesures en se fondant sur l’irrégularité de l’acte authentique due à l’absence de l’apposition du sceau du notaire sur la copie de cet acte revêtue de la formule exécutoire. L’arrêt de la cour d’appel, qui avait admis cette analyse, est censuré par la deuxième chambre civile qui déclare l’acte authentique litigieux valable en tous ses effets.

En matière d’absence de mentions devant figurer sur l’acte authentique, la sanction de ce manquement est prévue par l’article 1370 du Code civil qui reprend les dispositions de l’ancien article 1318 du même code. Selon ces textes, l’acte litigieux signé par les parties4 perdra sa force exécutoire mais subsistera en tant qu’écriture sous seing privé dès lors qu’il est affecté par l’incompétence ou l’incapacité de l’officier qui l’a dressé ou par un défaut de forme (sauf s’il s’agit d’actes soumis, à peine de nullité, au respect de certaines formes telles que les donations5). Que faut-il entendre par ces termes de « défaut de formes » ? Sur ce point, il est nécessaire de se référer à l’article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires. Celui-ci précise que ces défauts de forme se limitent, d’une part, à la violation des 1°, 2°et 3° (al. 1er) de l’article 9 de la loi portant organisation du notariat du 25 ventôse an XI (relatifs aux exceptions au principe selon lequel les actes notariés peuvent être reçus par un seul notaire) et, d’autre part, aux articles 2, 3 et 4 ( relatifs aux incapacités d’instrumenter), aux premier et dernier alinéas de l’article 10 (nécessité d’une signature de l’acte par les parties, les témoins et le notaire) et ainsi qu’à l’article 26 (modalités de conservation de l’acte) du décret du 26 novembre 1971. C’est ainsi que perd sa force exécutoire l’acte passé par un notaire alors qu’il a un lien de parenté avec l’une des parties en contravention à l’article 2 du décret de 19716 ou, encore, l’acte qui n’a pas été signé par le praticien7. À l’inverse, le non-respect par le notaire de l’obligation de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang des minutes ne fait pas perdre son caractère exécutoire à cet acte. En effet cette exigence est prévue par l’article 21 du décret du 26 novembre 1971, article qui ne figure pas dans l’énumération limitative de l’article 41 du même décret8. Dans l’espèce à l’origine de l’arrêt annoté, il était reproché au notaire de ne pas avoir apposé son sceau sur l’acte instrumenté. Cette règle de forme est prévue par les articles 15 et 34, alinéa 4, du décret du 26 novembre 1971 qui ne sont ni l’un ni l’autre mentionnés par l’article 41 du même texte. Dans ces conditions, l’acte incriminé ne perdait pas sa force exécutoire.

Bien que cette hypothèse d’absence du sceau du notaire soit rarissime (la première fois semble-t-il devant la Cour de cassation) et que cette absence soit sans conséquences sur les effets de l’acte authentique, il y a lieu toutefois d’inviter les praticiens à éviter cet oubli.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. civ., art. 1371, al. 1er.
  • 2.
    CPC, art. 306 et s.
  • 3.
    Cass. 2e civ., 1er févr. 2018, n° 16-25097 : Dalloz actualité, 21 févr. 2018, obs. Payan G.
  • 4.
    V. cep. Cass. 1re civ., 28 sept. 2011, n° 10-13733 : Dalloz actualité, 11 oct 2011, obs. Rabu G. ; JCP N 2012, 1105, note Dagorne-Labbe Y., qui admet la validité d’une cession de parts sociales conclue par acte notarié alors que celui-ci n’était pas signé par l’un des deux cédants.
  • 5.
    Cass. 1re civ., 11 sept. 2013, n° 12-15618 : Dalloz actualité, 3 oct. 2013, obs. Marrocchella J.
  • 6.
    Cass. 1re civ., 31 oct. 2012, n° 11-25789 : Bull. civ. I, n° 223 ; D. 2012, p. 1970.
  • 7.
    V. Cass. 1re civ., 1er mars 1017, n° 15-28432.
  • 8.
    Cass. ch. mixte, 21 déc. 2012, nos 12-15063 et 11-28688 : Bull. ch. mixte, nos 3 et 4 ; Dalloz actualité, 21 janv. 2013, obs. Avena-Robardet V.