Le CNB interpelle les candidats à l’élection présidentielle

Publié le 14/03/2017

Le Conseil national des barreaux a présenté le questionnaire qu’il a fait parvenir aux candidats à la présidentielle. Élaboré à partir d’une consultation auprès des 65 000 avocats que l’institution représente, il a pour objectif de mieux définir « la vision de la justice » que possède chaque candidat.

L’institution nationale représentative des avocats a présenté le 22 février dernier son questionnaire adressé à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle. Le Conseil national des barreaux (CNB) espère faire entrer la justice au cœur des débats de la campagne présidentielle. À ce tire, Pascal Eydoux, président du CNB, déplore « la pauvreté du débat en matière de justice ». La justice qui est pourtant, selon lui, l’un des piliers de notre société : « Nous voulons dire aux candidats qu’ils auraient tort de négliger la justice et qu’il serait temps qu’ils recréent un lien social dans notre société, qui est fracturée, en se rappelant que le droit est un facteur de régulation sociale et économique ». Même si elle a connu quelques améliorations, la situation de la justice reste en effet critique pour Pascal Eydoux. Il la juge négligée par les pouvoirs publics et remarque que l’état d’urgence et la lutte contre le terrorisme n’ont engendré aucune réflexion sur la place de l’autorité judiciaire ; « elle est plus crainte que souhaitée », relève-t-il. De son souhait, le questionnaire permettra de comprendre la manière dont les candidats à la fonction suprême conçoivent la justice : « Ce que nous attendons des candidats, c’est leur vision de la justice, qu’ils nous disent s’ils entendent remettre la justice au cœur de la République », explique-t-il.

Le 7 décembre dernier, le CNB avait lancé une consultation auprès des 65 000 avocats français qu’il représente : 32 questions fermées et une question ouverte sur l’avenir de la profession, le fonctionnement de la justice et certaines problématiques sociétales. L’initiative qui s’est tenue sur trois semaines a permis de récolter 2 116 réponses (soit 3 % des avocats de France), un chiffre que le CNB considère comme « une photographie significative de la profession ». Parmi les principaux points de consensus chez les sondés, on note que 86 % des avocats souhaitent l’extension du secret professionnel à toutes les demandes de communication d’information et que 85 % ne souhaitent pas que l’appel soit limité à la réformation en cas d’erreur du juge sur le droit et/ou le fait. Autres points d’accord : 92 % des avocats se disent favorables au développement des actions de groupe à leur initiative et la majorité (73 %) d’entre eux sont également contre une nouvelle réforme de la carte judiciaire. Si la plus grande part des barreaux ont participé (seuls 12 n’ont pas apporté de réponses), on remarque la sous-représentation relative du barreau de Paris (27 % des répondants contre 42 % de l’effectif), probablement en raison de l’initiative concurrente menée par l’Ordre des avocats de Paris. La question ouverte a permis à la profession de mentionner les difficultés humaines et matérielles liées au manque de moyens, le rappel de l’importance de l’indépendance de l’avocat ou bien le statut de l’avocat avec les évolutions liées à son rôle ou un monopole des notaires considéré comme injustifié. Ces résultats ont été enrichis par les travaux du CNB en prenant en compte ses prises de positions antérieures et ont permis de créer une plate-forme de 17 questions assorties de propositions et organisées autour de quatre thématiques : la justice, l’économie et les finances, l’exercice professionnel et les droits fondamentaux. Concrètement, les questions portent sur le budget de la justice (l’un des plus faibles par habitant en Europe), le système de l’aide juridictionnelle dont l’institution juge qu’elle a atteint ses limites et ne permet plus une rémunération suffisante pour les avocats, le constat de l’inefficacité des actions de groupe (seulement 7 ont été engagées), ou encore l’encombrement des juridictions et la réduction des délais de procédures, où le CNB propose une simplification et une unification des modes de saisines. Autre proposition : celle de compenser l’impossibilité des personnes physiques de récupérer la TVA acquittée lors du paiement des honoraires d’avocats en créant un crédit d’impôt égal au montant de cette dernière. La protection absolue du secret professionnel, la réforme du RSI, la réglementation encadrant les sociétés liées à la legaltech et de nouvelles passerelles professionnelles entre avocats et magistrats sont également de mise dans le questionnaire.

Pascal Eydoux a également souligné la nécessaire adaptation de sa profession aux nouveaux défis : « Les notions de monopole et de pré carré doivent être abandonnées et les avocats doivent élargir leur offre ». Si la loi Macron a permis de faire un premier pas en cette direction, il faut poursuivre les efforts en ce sens. Le président du CNB a aussi fait part du besoin de développement de l’activité numérique, il rappelle que le Conseil national des barreaux a déjà créé sa propre plate-forme de consultations juridiques et que « les avocats doivent s’emparer de ce marché ». Enfin, il a fait part de son inquiétude face aux déclarations de certains candidats concernant la CEDH. Marine Le Pen et François Fillon ont en effet tous deux proposé de faire sortir la France de la Cour européenne des droits de l’Homme.

« Il n’est pas raisonnable que la France veuille s’affranchir des normes qui fondent notre liberté et la capacité de nous protéger », affirme Pascal Eydoux, avant de demander aux candidats de prendre position sur le sujet : « Soit on doit la quitter, soit on accepte de respecter cette autorité judiciaire comme l’autorité nationale ».

C’est désormais aux candidats de répondre aux questions et propositions du CNB, il leur est demandé de le faire et de préciser leurs engagements d’ici au 10 mars prochain. Les candidats dont la candidature aura été validée par le Conseil constitutionnel verront leurs réponses restituées auprès des avocats et du grand public début avril, sous la forme d’une plate-forme numérique mise en ligne sur le site du CNB.

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