Le commissaire de justice, un an après

Publié le 26/07/2023
Le commissaire de justice, un an après
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Le premier anniversaire de la nouvelle profession de commissaire de justice, qui réunit les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice, a eu lieu le 30 juin. Quelques jours avant, la profession tenait son premier colloque, organisé avec l’université de La Rochelle. L’occasion de dresser un premier bilan du rapprochement de ces deux professions. « Le colloque a permis de dresser un état des lieux des défis qui ont été relevés par la nouvelle profession de commissaire de justice. Il a également été l’occasion de revenir sur les difficultés qui persistent et sur les travaux entrepris pour les résoudre », explique Olivier Baret, ancien huissier de justice, aujourd’hui secrétaire national de la Chambre des commissaires de justice et chargé de la formation et du numérique depuis juillet 2022. Entretien.

Actu-Juridique : Quel bilan dressez-vous de ce premier colloque organisé par l’Institut national de formation des commissaires de justice ?

Olivier Baret : Le bilan est très satisfaisant : plus de 350 personnes ont assisté à cet événement, ce qui démontre une réelle volonté de se retrouver, notamment après la crise sanitaire. D’un point de vue scientifique, universitaires et praticiens ont évoqué sans tabou les difficultés, les projets et les perspectives de la nouvelle profession.

AJ : Où en est l’unification de la profession ?

Olivier Baret : L’idée de rapprocher plusieurs professions réglementées, formalisée par la loi Macron, découle d’une volonté politique européenne. Au départ, un rapprochement avec plusieurs professions réglementées était envisagé et finalement ce sont les métiers de commissaires-priseurs judiciaires et d’huissiers de justice qui ont fusionné. Il convient de noter que cette relation n’était pas évidente, car il n’existe aucun lien direct entre ces deux professions. Le commissaire-priseur judiciaire se focalisant principalement sur les inventaires, l’expertise et les ventes aux enchères, tandis que l’huissier de justice se concentrant sur le recouvrement, l’exécution et la preuve. Ainsi, il a été nécessaire de trouver les connexions appropriées pour rassembler ces professions tout en maintenant les spécificités respectives. Aujourd’hui, la profession rassemble 3 800 commissaires de justice, dont 3 400 sont d’anciens huissiers de justice et 400 sont d’anciens commissaires-priseurs judiciaires. Nous sommes encore dans une phase transitoire où l’unification n’est pas encore totale. Même si toutes les études sont depuis le 1er juillet 2022 des offices de commissaire de justice, certains professionnels n’ont pas encore validé leur formation passerelle, qui inclut de nouvelles compétences en matière d’art pour les huissiers et de nouvelles compétences en matière de procédure et d’exécution pour les commissaires-priseurs judiciaires. À l’issue de cette formation, ils deviennent commissaires de justice. Ceux qui ne suivront pas cette formation perdront leur titre au 1er janvier 2026.

AJ : Quels sont les liens que vous avez trouvés ?

Olivier Baret : Nous avons des points communs quant à la matière juridique avec la maîtrise des procédures collectives. Mais également autour de l’expertise à des degrés divers. Les anciens commissaires-priseurs judiciaires avec la pratique des inventaires dans le cadre de succession ou de procédures collectives. Les anciens huissiers de justice avec le constat et sa force probante, susceptible de peser dans les décisions de justice. Notre premier défi était de mettre en place une formation dédiée à la nouvelle profession.

AJ : Où en est cette formation aujourd’hui ?

Olivier Baret : La formation initiale des commissaires de justice est dispensée par l’INCJ, service de la CNCJ. Sur le plan théorique, elle est ouverte aux candidats ayant réussi l’examen d’accès. Sur le plan pratique, les candidats doivent effectuer un stage professionnel de deux ans dans un office de commissaire de justice. Enfin, ils doivent réussir l’examen d’aptitude à la profession de commissaire de justice. Cette formation met l’accent sur les aspects juridiques par rapport à l’art. Elle comprend aussi des modules d’art et techniques, ainsi que des modules de perfectionnement en art. De plus, pour ceux qui le souhaitent, après avoir validé leurs modules, il est possible de suivre une formation et stage complémentaire d’un an pour pratiquer les ventes aux enchères volontaires. En mai 2023, 51 candidats ont réussi avec succès le premier examen d’aptitude de la nouvelle profession. Chaque ancienne profession peut apporter son expérience à l’autre : les anciens commissaires-priseurs judiciaires bénéficient de l’expérience en matière d’inventaires et de ventes aux enchères judiciaires, tandis que les anciens huissiers de justice apportent leur expertise en matière de preuve, de recouvrement et d’exécution. Une nouvelle formation qui a démarré cette année avec une troisième génération de stagiaires. Les nouveaux ne se considèrent plus comme huissiers de justice ou commissaires-priseurs judiciaires, mais bien comme des commissaires de justice.

AJ : Quels ont été les temps forts du colloque de La Rochelle ?

Olivier Baret : Nous avons eu d’excellentes interventions concernant cette volonté de rapprochement. Chaque intervenant a évoqué son ancienne profession et les évolutions auxquelles il s’attendait pour l’avenir. Un intervenant a mentionné la formation initiale des commissaires de justice, qui permet de rapprocher les étudiants venant des deux domaines. Un autre a parlé des certificats de spécialisation introduits par le décret de 2019 relatif à la formation des commissaires de justice. L’objectif étant de permettre la reconnaissance de l’expérience professionnelle dans des domaines spécifiques tels que la preuve, l’art, les baux, les sûretés, etc. Nous avons abordé la profession de commissaire-priseur judiciaire, notamment les activités d’inventaire et de prisée avant les ventes aux enchères. Pour certains d’entre nous, c’était une découverte, une nouvelle facette du métier. Enfin, il a été évoqué les aspects juridique et économique dans ces domaines particuliers.

AJ : Comment se sentent les professionnels qui doivent acquérir ces nouvelles compétences ?

Olivier Baret : Ce sont de nouvelles compétences qui ne peuvent être exercées sans formation. Peu de confrères, anciens huissiers de justice, pratiquaient les inventaires ou les prisées. La prisée, qui consiste à évaluer le prix d’un objet, nécessite de prendre en compte plusieurs critères tels que la valeur vénale, la qualité, la taille, l’état, la provenance ou encore l’histoire. Cela ne s’improvise pas ! Ainsi, dresser des inventaires successoraux peut s’avérer être une tâche difficile à gérer. En plus de cela, il y a la problématique de la gestion des héritiers. Le professionnel doit rassurer les ayants droit. C’est un défi en termes de formation et de responsabilité. Lors du colloque, nous avons cherché à mettre en avant ces domaines pour faire comprendre qu’ils ne doivent pas être pris à la légère. Ils sont certes intéressants, mais très techniques. Il a également été souligné l’importance de se faire assister par un expert pour renforcer et sécuriser les actes dressés. Les conséquences d’actes irresponsables peuvent entraîner des coûts élevés en termes de responsabilité civile et financière. En tant que professionnels, il est essentiel que nous ayons le réflexe de suivre une formation avant de nous engager dans la pratique de nouvelles matières.

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