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Le métier de juriste

Publié le 02/02/2021

X. Lagarde, Le métier de juriste – Une introduction générale au droit, IRJS Editions, collection Les Humanités du droit, 2020, 343 p.

Le thème de l’introduction au droit embrasse tous les genres que la littérature juridique est susceptible d’emprunter : du traité au mémento, en passant par des formats de type précis ou cours, sans oublier les approches plus originales.

L’ouvrage recensé appartient à cette dernière catégorie. C’est un essai. Il s’inscrit dans une collection naissante (Les Humanités du droit) qui comporte déjà un autre titre (E. Jeuland, La justice des émotions, 2020) et qui se propose d’offrir un regard non strictement technique sur le droit.

De quoi est-il question ?

Au premier niveau, il s’agit pour l’auteur d’introduire le droit, c’est-à-dire d’amener le lecteur non juriste à une compréhension ample du phénomène juridique.

Au second niveau, l’ouvrage a l’ambition d’offrir quelques-unes des principales clés d’entrée qui permettent de saisir les spécificités des analyses conduites par tous ceux qui font du droit leur métier.

L’ouvrage est séquencé autour de 18 sections (chacune de 10 à 20 pages en moyenne) qui sont autant d’invitations pour le lecteur à entrer dans le droit (typiquement l’étudiant de première année, section introductive) et à en sortir (dernière section).

Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques inclinaisons fortes de l’ouvrage. On les présentera sans rigueur et sans chercher à suivre un quelconque ordre logique.

Une première inclinaison se veut matricielle et elle a une dimension à la fois classique et plus originale. Au titre de la première dimension, l’ouvrage passe en revue bon nombre des entrées que l’on est en droit d’attendre d’une introduction au droit. Des thèmes aussi essentiels que la définition du droit, son rapport à la contrainte, la morale, la religion, la loi, les normes internationales et européennes, l’administration, l’autorité judiciaire, la jurisprudence et la doctrine sont ainsi envisagés. Au titre de la seconde dimension, on trouve des sujets, souvent chers à l’auteur, tels que la place de l’individu et de la société civile, le sentiment d’appartenance et l’individualisme, l’individualisme et son rapport à la dignité.

Une deuxième inclinaison tient aux hommes et aux femmes de droit. Le titre de l’ouvrage met en exergue ce beau mot de vocabulaire – le métier – qui désigne un savoir-faire juridique maîtrisé par une pratique du raisonnement juridique, qu’elle soit du ressort des solutions presse-bouton (le droit automatique), de l’ingénierie juridique (le montage juridique) ou de la théorie juridique (la conceptualisation du droit). L’auteur y revient sans cesse et son spectre se veut particulièrement large. De celui qui fait du droit sans le savoir à celui qui prétend penser le droit, de très nombreux acteurs animent de bout en bout cet ouvrage introductif.

Une troisième inclinaison porte sur la dimension critique du droit. L’auteur tient toujours ses objets à une certaine distance, ce qui ne l’empêche pas bien sûr de cheminer régulièrement dans le dédale des constructions techniques. Cette analyse critique a une tonalité abstraite (par exemple, la discussion sur l’opposition entre les normes collectives et les normes individuelles). Mais elle est également corrélée à des situations on ne peut plus concrètes, qu’elles soient d’ordre historique (par exemple, la fabrique du Code civil) ou d’ordre tout à fait actuel (par exemple, la mise en résonance de la crise du Covid-19 et une réflexion sur les évolutions du droit dans le contexte français).

Une quatrième inclinaison tient au caractère pédagogique de ce travail. Produire un essai introductif sur le droit, tout en gardant comme préoccupation première d’amener le lecteur néophyte à une réalité juridique, est un véritable défi. L’auteur parvient à le relever sans jamais se départir d’un style clair mais qui reste exigeant. Comment procède-t-il ? Par alternance. Sans chercher à scinder véritablement les éléments de connaissance de leur analyse, le propos alterne la présentation des données de base (par exemple, sur les différentes sources du droit ou encore sur la question de l’application de la loi dans le temps) et les réflexions qu’elles inspirent sur le droit, ses significations, ses limites et ses rapports aux autres savoirs.

En un mot pour conclure, cet ouvrage est une pérégrination érudite mais accessible sur le droit. Il occupe toute sa place dans la vaste collection des ouvrages d’introduction au droit que l’on peut avoir plaisir à lire ou relire, en non-juriste, en juriste débutant ou même en juriste confirmé.