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L’intangibilité du secret notarial

Publié le 05/06/2023
L’intangibilité du secret notarial
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Une ordonnance du juge est nécessaire pour décharger le notaire de son obligation au secret.

Cass. 1re civ., 11 janv. 2023, no 20-23679

Le notaire, dans la mesure où il est investi d’une charge d’officier public et ministériel, est tenu au secret professionnel au profit de ses clients pour les informations que ceux-ci peuvent lui transmettre. Cette obligation au secret, dont la violation est pénalement sanctionnée par l’article 226-13 du Code pénal (un an de prison et 15 000 euros d’amende), est définie par l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI. Selon ce texte, « les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance [aujourd’hui tribunal judiciaire], délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d’une amende [15 euros sauf récidive] ». Cette information ne peut être communiquée par le notaire même si son client ne l’a pas demandé1, quand bien même le tiers demandeur de l’information serait notaire2. En outre, le droit à la preuve prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme ne peut faire échec à cette intangibilité du secret notarial3. Cependant, cette dernière peut être écartée par la loi ou par le juge.

De fait, s’agissant de la loi, le secret est écarté dans les hypothèses où le praticien est requis pour des opérations qui pourraient avoir pour but de blanchir des capitaux d’origine douteuse ou de favoriser le financement du terrorisme. Dans ces hypothèses, le notaire a l’obligation, en application des articles L. 562-2 et suivants du Code monétaire et financier, de déclarer cette situation au service TRACFIN (lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme) même si ces informations sont couvertes par le secret. Il en est également ainsi, en application de l’article 37 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire, selon lequel le notaire qui fait l’objet d’une enquête pour soupçon de manquement disciplinaire ne peut se réfugier derrière le secret professionnel pour refuser de communiquer les documents qui lui sont demandés.

C’est à la deuxième hypothèse d’exception au principe d’intangibilité du secret notarial, à savoir l’intervention d’un juge, qu’a trait une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 11 janvier 20234. En l’espèce, une vente immobilière passée devant notaire est déclarée caduque par un jugement qui met à la charge de l’acheteur le paiement de diverses sommes au vendeur. L’acheteur ayant déménagé sans laisser d’adresse, un huissier est chargé de l’exécution de la décision de justice et sollicite, à cette fin, du notaire la communication de la nouvelle adresse du débiteur. Celui-ci refuse en invoquant le secret professionnel dans la mesure où l’huissier ne présentait pas d’ordonnance du juge le déchargeant de ce devoir. C’est cette analyse qui est confirmée par l’arrêt annoté. Effectivement, la mise à l’écart du secret notarial suppose, en plus d’une ordonnance, que l’information requise soit absolument nécessaire à l’exécution de la décision de justice et qu’elle soit contenue dans un acte établi par le notaire. C’est sur cette dernière condition que l’arrêt commenté présente un intérêt. En effet, le secret professionnel du notaire ne concerne plus, dans cette hypothèse, tout ce qui a été porté à sa connaissance mais seulement les informations contenues dans un acte. Cette évolution de la jurisprudence, qui résultait déjà d’une décision de la première chambre civile du 20 avril 20225, se voit ainsi confirmée.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CA Orléans, 4 mars 1992 : JCP N 1992, II 341, obs. T. Sanséau – CA Douai, 30 mars 1992 : Defrénois 30 janv. 1993, n° 35437, p. 107, note G. Rouzet – CA Toulouse, 12 mai 1992 : BICC n° 1143, 15 juin 1992.
  • 2.
    CA Versailles, 3 déc. 2020, n° 20/01329.
  • 3.
    Cass. 1re civ., 4 juin 2014, n° 12-21244 : D. 2014, p. 1284.
  • 4.
    Cass. 1re civ., 11 janv. 2023, n° 20-23679 : Dalloz actualité, 24 janv. 2023, obs. A. Tani.
  • 5.
    Cass. 1re civ., 24 avr. 2022, n° 20-23160 : D. 2022, p. 798 ; AJ fam. 2022, p. 345, obs. S. Ferre-André ; Loyers et copr. 2022, comm. 127, obs. C. Coutant-Lapalus ; JCP N 2022, n° 36, 1213, obs. Y. Dagorne-Labbe.
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