FLASH : Le CSM prononce sa première sanction sur saisine directe par un justiciable
Par décision rendue ce mardi 13 juin, le Conseil supérieur de la magistrature vient d’infliger un blâme avec inscription au dossier à un magistrat en raison de son comportement lorsqu’il était juge d’instruction entre 2019 et 2022. C’est la première fois qu’une saisine directe débouche sur une sanction, depuis sa création en 2008.
C’est une première ! Une saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par un justiciable s’estimant victime d’une faute disciplinaire de la part d’un magistrat vient de donner lieu à une sanction. Jusqu’ici, cette procédure créée en 2008 n’avait guère prouvé son efficacité. Beaucoup de plaintes en effet trahissaient une confusion entre cette saisine et un recours, ou bien encore visaient des faits non démontrés, ou ne relevant pas de la faute disciplinaire.
Dans ce dossier, un justiciable qui faisait l’objet d’une information judiciaire ouverte en mai 2010 reprochait au juge d’instruction qui avait repris l’affaire en 2019 d’avoir quitté ses fonctions en juin 2022 sans avoir rendu l’ordonnance de règlement de l’information judiciaire, alors que le réquisitoire définitif remontait à juin 2019. Et ce, bien que ce juge ait reçu, durant presque trois ans, de nombreuses alertes de sa hiérarchie à ce sujet.
Manquements aux devoirs de loyauté et de délicatesse
Le CSM constate un manquement de l’intéressé à son devoir de loyauté à l’égard de sa hiérarchie et de délicatesse vis à vis du justiciable.
Extrait :
« Conformément à son serment, le magistrat exerce ses fonctions avec loyauté. Dès lors, il doit informer loyalement sa hiérarchie de l’évolution des procédures dont il a la charge.
Dans ses relations avec le justiciable, le magistrat est soumis à un devoir de délicatesse lui imposant le respect et la prévenance envers autrui.
Il est constant que M. X s’est engagé à plusieurs reprises à rendre l’ordonnance de règlement relative à l’information judiciaire ouverte à l’encontre de M. Y et en dernier lieu auprès de la présidente de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de XX à l’égard de laquelle il s’était engagé à notifier l’ordonnance le 19 avril 2022, puis le 30 avril 2022.
Or, au regard de l’ampleur du travail qu’impliquait la rédaction de l’ordonnance de règlement, qu’il n’avait pas même débutée, il est manifeste que M. X n’était pas en mesure de respecter, vis-à-vis de la présidente de la chambre de l’instruction, les engagements qu’il avait pris oralement le 21 mars 2022 et par courriel le 14 avril 2022.
Si le Conseil considère que ces engagements non suivis d’effet ne relèvent pas des devoirs de légalité, de rigueur et de diligence, contrairement aux moyens soutenus par M. Y, ils caractérisent en revanche un manquement manifeste par le magistrat à son devoir de loyauté à l’égard de sa hiérarchie et à son devoir de délicatesse à l’égard du justiciable.
C’est d’ailleurs sur le terrain de la loyauté que s’est précisément placée la présidente de la chambre de l’instruction dans l’annexe du 15 juillet 2022 établie par ses soins et concernant M. X : « alors que X est capable de réaliser des interrogatoires construits et d’instruire certains dossiers avec la diligence requise, il a également démontré, d’une part, qu’il était incapable de gérer avec méthode un cabinet et de faire preuve de diligence notamment dans les dossiers dont il a hérité à sa prise de fonction et, d’autre part, d’être franc et loyal à mon égard puisqu’il m’a menti sur toutes ces dernières semaines […] ».
Le même constat concernant le défaut de loyauté peut être dressé au regard des engagements pris par M. X auprès du coordonnateur du service de l’instruction, devant lequel il s’était engagé à clôturer sept procédures lors de son évaluation de janvier 2021 précitée, dont celle concernant M. Y ».
La décision peut être consultée en suivant ce lien.
Référence : AJU445080