Génération Van Ruymbeke

Publié le 14/05/2024

Depuis l’annonce, vendredi 10 mai, de la disparition du juge Renaud Van Ruymbeke à l’âge de 71 ans, les hommages à cette grande figure de la lutte contre la délinquance en col blanc se multiplient. Fabrice Vert, premier vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, évoque un modèle pour toute une génération. 

Génération Van Ruymbeke
Renaud Van Ruymbeke

Quand j’ai appris, en sortant de mon audience vendredi au tribunal de Paris, le décès du juge Renaud Van Ruymbeke, ce fut la stupeur, l’incrédulité, puis une grande tristesse : la disparition de ce roc de la lutte contre la corruption qui gangrène nos sociétés, de cette légende vivante de la justice, de cette figure du juge indépendant de la Ve République laissera un grand vide.

À la retraite depuis quelques années, il continuait néanmoins par des ouvrages, des interviews, la participation à des colloques son combat, vital pour une démocratie, contre le blanchiment, les paradis fiscaux, la délinquance financière.

Un exemple et un modèle

Pour ma génération, le juge Van Ruymbeke était un exemple et un modèle. Comme un des premiers juges à instruire les affaires politico-financières dans un climat hostile et vindicatif (Elf, Urba, les frégates de Taïwan, Clearstream…), il suscitait l’admiration pour son courage, sa force de caractère, sa technicité.

Je l’ai rencontré pour la première fois il y a plus de 30 ans à l’école nationale de la magistrature en tant qu’auditeur de justice lorsqu’il enseignait dans cette école cette fonction de juge d’instruction qu’il a si bien servie.

Mais notre vraie rencontre intervint à l’occasion d’un événement d’une immense injustice : lorsqu’en 2006 il a été décidé de le poursuivre disciplinairement devant le Conseil supérieur de la magistrature, dans l’affaire Clearstream, alors qu’il ne faisait que son travail de juge d’instruction.

Contre la mise au pilori d’un juge incorruptible 

Tandis que de nombreux acteurs judiciaires se sont détournés de lui à ce moment fort pénible et qui impactera sa carrière pendant six ans, nous avons été plusieurs juges et avocats à nous mobiliser, à pétitionner contre cette mise au pilori d’un juge incorruptible. Je me souviens de cette conférence de presse mémorable organisée à la buvette du palais de la Cité où étaient présents notamment les juges Gilbert Thiel, Bertella-Geoffroy, ou encore Xavière Simeoni, mais aussi de nombreux avocats et ténors du barreau comme maître Emmanuelle Kneusé, Maître Olivier Metzner ou maître Philippe Lemaire qui respectaient ce juge loyal procéduralement, sans préjugés politiques et rigoureux.

Je me souviens aussi de sa grande élégance, de son humour et de ses concerts de piano qu’il donnait au palais de la Cité.

Il restera à jamais l’image du juge droit, indépendant, courageux, et ce fut un honneur de le connaître. Je pense fort à son épouse, une collègue remarquable, qui fut pour lui un soutien inébranlable et à ses enfants.

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