Paris (75)

Marie-Aimée Peyron : « Il est essentiel que les enfants et les jeunes générations connaissent leurs droits et devoirs » !

Publié le 09/11/2022
Marie-Aimée Peyron : « Il est essentiel que les enfants et les jeunes générations connaissent leurs droits et devoirs » !
Affiche de la Journée du droit dans les collèges

À l’occasion de la Journée du droit, l’avocate Marie-Aimée Peyron s’est portée volontaire pour intervenir dans le collège Louise-Michel du Xe arrondissement de Paris. Vice-présidente du Conseil national des barreaux, elle est spécialisée en contentieux de l’entreprise. Elle a été bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris de 2018 à 2019, devenant la troisième femme à occuper cette fonction depuis 1614, après Dominique de La Garanderie en 1997 et Christiane Féral-Schuhl en 2011. Dès son élection, elle œuvre pour que l’égalité femme-homme devienne une réalité pour l’ensemble des avocates et se montre favorable au « name and shame » des entreprises qui ne respecteraient pas cette égalité. En 2008, elle est faite chevalière de la Légion d’honneur et est promue officier de la Légion d’honneur le 31 décembre 2020. Nous l’avons rencontré à l’issue de cette rencontre avec les collégiens, et revient pour Actu-Juridique sur la nécessité de sensibiliser dès le plus jeune âge les enfants à leurs droits mais aussi à leurs devoirs. Entretien.

Actu-Juridique : Est-ce la première fois que vous participez à ce genre d’événement ?

Marie-Aimée Peyron : Ce n’est pas la première fois, j’avais déjà participé dans le cadre d’InitiaDroit (une association reconnue d’utilité publique, en partenariat avec les ministères de l’Éducation nationale et de la Justice, dont la mission est d’initier les jeunes au droit, NDLR), lorsque j’étais bâtonnier. J’étais alors intervenue dans des classes de primaire. Cette année, c’était au collège donc c’était très intéressant de partager avec une classe de 5e.

Actu-Juridique : En quoi ce public était-il différent des précédents ?

Marie-Aimée Peyron : La préoccupation des plus petits est directement en lien avec leur vie d’enfant, mais là j’avais des jeunes de douze-treize ans qui s’interrogent plus loin sur leur environnement. Ces jeunes ont davantage accès à la vie citoyenne.

Actu-Juridique : Quels étaient les thèmes évoqués ?

Marie-Aimée Peyron : Le thème de cette année était « Tous égaux devant la justice ? ». Je les ai trouvés extrêmement mûrs sur le sujet que nous avions à aborder. Ils se sont montrés particulièrement intéressés par la justice et le droit. Pendant deux heures, je n’ai pratiquement eu que des questions. L’égalité, le harcèlement, les discriminations, le handicap, la religion, comment fonctionnent les tribunaux, la justice des mineurs, le divorce et le droit des enfants à être entendus par un juge, et même l’inceste… Nous avons parlé des affaires récentes, comme celles des procès des attentats du Bataclan ou de Nice. Il ne s’agissait pas seulement de discuter des droits, mais des devoirs aussi. J’étais même éblouie par les sujets abordés. Je ne suis pas certaine qu’à leur âge nous étions aussi intéressés par l’actualité. Nous avons aussi parlé des femmes en Iran ou du droit à l’éducation des jeunes femmes en Afghanistan. J’ai passé deux heures à me régaler, à voir des jeunes aussi attentifs aux autres.

Actu-Juridique : Comment avez-vous préparé cette intervention ?

Marie-Aimée Peyron : Nous avons travaillé en totale collaboration avec les professeurs. Nous avions un fil conducteur préparé avec l’Éducation nationale, le Défenseur des droits, le CNB et InitiaDroit. Nous devions pouvoir répondre à ces questions : La justice c’est quoi ? L’égalité c’est quoi ? Qui rend la justice ? Nous devions aussi aborder l’égalité de tous devant le procès, la présomption d’innocence ou encore la justice des mineurs, en expliquant par exemple à quel âge on peut être condamné à une peine de prison. J’ai fait une présentation mais j’ai très vite été interrompue par les questions. J’ai suivi le fil conducteur mais j’ai surtout donné la parole à la classe parce qu’il y en avait tellement et toutes très variées. C’est essentiel pour nos jeunes citoyens, pour qu’ils aient toute leur place dans la société et qu’ils puissent poser toutes les questions qu’ils souhaitent. Nous avons également beaucoup parlé des inégalités salariales et ils connaissaient même le pourcentage. Je les ai trouvés très sensibilisés sur ces points. Je pense que la Défenseuse des droits aurait été très satisfaite d’entendre les questions fuser sur ces sujets et leurs réactions en faveur de l’égalité.

Actu-Juridique : Avez-vous été interrogée sur votre parcours ?

Marie-Aimée Peyron : Oui, on m’a par exemple demandé quelle était la peine encourue la plus importante que j’avais eue à défendre. J’ai répondu que c’était pour homicide involontaire. J’ai expliqué qu’il s’agissait d’un accident de chantier, comment ça se passait et comment une société et ses dirigeants pouvaient se retrouver poursuivis devant un tribunal pour répondre de la sécurité de leurs salariés. Je suis aussi bien sûr revenue sur mon parcours. Le fait est : j’adore partager sur la profession d’avocat et la justice. Le droit est une passion. Je ne suis pas devenue avocate par hasard.

Actu-Juridique : Vous disiez avoir été éblouie. Vous êtes donc heureuse de cette expérience ?

Marie-Aimée Peyron : J’ai trouvé que j’étais avec une classe de 5e passionnée ! Ils se sont montrés très impliqués et c’était très instructif. Je pense que nous avons fait ensemble un partage de connaissances très enrichissant. Il est essentiel pour eux de connaître le fonctionnement de la justice et de savoir quand et comment alerter des adultes qui les entourent et si besoin même pousser la porte d’un commissariat. Le droit est partout dans leur vie sans même s’en rendre compte. Ces interventions sont extrêmement importantes dans les collèges et lycées. Il faudrait à mon sens qu’elles soient généralisées. Je suis d’une génération où nous avions des cours d’éducation civique, mais comme le droit est partout, il est essentiel que les enfants et les jeunes générations connaissent leurs droits et devoirs et partagent avec des personnes de justice sur ces questions. C’est fondamental. J’ai adoré cette intervention, l’occasion de partager sur la justice. J’espère que ce type d’interventions se multipliera.

Actu-Juridique : D’autres événements sont-ils prévus prochainement ?

Marie-Aimée Peyron : La Journée du droit dans les collèges est organisée par le CNB en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale et le Défenseur des droits, c’est maintenant presque une journée institutionnelle, elle revient chaque année le 4 octobre. Est-ce qu’il y aura d’autres événements ? IniatiaDroit organise la Coupe nationale des élèves citoyens 2022-2023, dont la finale des classes de collèges et lycées sélectionnés se tiendra le 4 avril 2023 au CESE. Avec la nouvelle épreuve du baccalauréat, le Grand oral, il me paraîtrait normal de développer avec l’Éducation nationale des interventions d’expression orale et d’éloquence d’avocats au sein des lycées. Dans la vie, on nous demande de nous présenter à de nombreuses étapes. C’est ce que j’ai souligné auprès des élèves, la première impression que nous donnons en société, ce sont le plus souvent les 30 premières secondes et les 30 premiers mots.

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