Nuit du Droit : à Verneuil-sur-Seine, soirée autour du « Procès du siècle »

Publié le 15/11/2024

Film Le Procès du siècle

Le maire de Verneuil-sur-Seine et son élu aux affaires juridiques, de la petite commune de 17 000 habitants, ont décidé de proposer aux habitants la projection du film de Mick Jackson, Le procès du siècle, suivie d’un débat à l’occasion de la Nuit du Droit, une initiative originale qui a rencontré un franc succès.

Dans la programmation nationale de la Nuit du Droit, la commune de Verneuil-sur-Seine, au nord de Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines, fait figure d’exception. Petite ville, grandes ambitions, pourrait-on dire. Cyril Aufrechter est élu aux affaires juridiques et avec son frère Fabien, maire de la commune, il est très heureux d’organiser pour la troisième année consécutive la Nuit du Droit à l’espace Maurice Béjart. Avec le film de Mick Jackson Le procès du siècle, la commune a trouvé un objet au carrefour de bien des questions très actuelles : la lutte contre la désinformation et les mécaniques de fake news qui nourrissent les populismes d’extrême droite et la violence de l’antisémitisme politique. Le film raconte l’histoire de Déborah Lipstadt, historienne américaine et auteure reconnue enseignant l’histoire et la mémoire de la Shoah, qui s’est retrouvée à prouver l’existence des chambres à gaz lors d’un procès en diffamation intenté en 1996 par l’auteur négationniste David Irving. Après le film, les deux avocats Sofian Bouzerara et Mélanie Roux étaient invités afin de discuter avec le public sur les sujets liés aux discriminations et à la diffamation.

Docteur en droit public, spécialisé sur le droit numérique, Cyril Aufrechter n’a pas de mots assez fort pour qualifier les avantages que la commune a tirés de cette opération annuelle : « en 2022, nous avions organisé une projection du film de Todd Haynes, Dark Water, et nous avions invité l’avocat, François de Cambiaire, qui a travaillé sur les écocides de Total. L’année suivante, nous avons diffusé le film de Xavier Legrand, Jusqu’à la garde, et nous avons organisé une soirée sur les violences intrafamiliales avec deux avocates spécialisées, une assistante sociale et une commissaire de police spécialisées sur le sujet ». Avec le film Le procès du siècle la commune entend récidiver… mais dans un cadre qui dépasse de loin la soirée de la Nuit du Droit.

Une soirée… qui retentit sur toute la commune

« L’idée, c’est de travailler sur la suite, souligne l’élu : après la première soirée, nous avons lancé une charte du numérique. Après la deuxième édition, sur les violences intrafamiliales, nous avons formé une quinzaine d’agents de la ville pour détecter et orienter les victimes de violences et avons signé une convention avec The Sorority Fondation pour proposer des solutions simples et concrètes afin de mettre à l’abri les victimes. Nous avons aussi lancé une journée de lutte, une campagne de sensibilisation en disséminant dans la ville des violent-mètres et imprimé des QR codes avec les contacts d’urgence dans les toilettes publiques et les petits commerces. En juin dernier, nous avons signé une convention avec l’association Le Refuge pour héberger des jeunes LGBTQI+ victimes de violences et de rejet ».

Afin de préparer cette édition, consacrée à la lutte contre la désinformation, la commune a eu l’idée originale de gentiment prendre au piège ses propres administrés via une vidéo de vœux du maire, intégralement générée par une IA. « Le but était de montrer aux gens que c’était possible, et qu’il fallait toujours se méfier et vérifier ses sources ».  « Nous avons choisi Le procès du siècle, car nous voulions un film traitant de sujets juridiques et faisant aussi écho à des problèmes qu’on rencontre au quotidien comme les discriminations et la désinformation. Ce très bon film, qui concerne tout le monde, est un moyen extrêmement simple de débattre et d’avoir de beaux échanges sur le principe de la diffamation ».

Cette soirée, c’est une première pour Me Sofian Bouzerara, avocat au barreau de Versailles et secrétaire de la Conférence 2024. Au quotidien, il est spécialisé sur les questions de lutte contre les discriminations, la diffamation, le droit des étrangers, entre autres. « J’avais été invité l’année dernière à participer, mais j’avais le préconçu que cet événement était très théorique, hermétique. Je n’avais pas compris que l’essentiel était de vulgariser le droit. Je suis convaincu que notre rôle est aussi de donner aux gens des réflexes et accès aux outils des juristes. » Avec Le procès du siècle (film qu’il va découvrir lors de la soirée), l’avocat est heureux de mettre la lutte contre la désinformation au cœur du débat « je reviens de la rentrée du Barreau au Québec où le respect de la démocratie et la lutte contre la désinformation sont au cœur de la politique ce que je considère comme capital », nous dit-il. L’avocat est heureux que chacun puisse disposer d’outils pour combattre intellectuellement l’absurdité de l’antisémitisme, comme de l’islamophobie ou de toute autre pensée discriminante. « Il faut que les personnes victimes de quolibets parce qu’elles portent une kippa ou un voile islamique, que les personnes qui entendent des arguments négationnistes présentés comme intellectuels, puissent se défendre et avec eux, défendre aussi la démocratie. Sans avoir recours à des méthodes de lynchage sur les réseaux sociaux, à mon avis contre-productives, car donnant trop d’importance aux agresseurs. La contre-attaque doit se faire par une rhétorique, des arguments intellectuels et de droit. » L’objectif c’est de pousser les gens à se faire sa propre culture juridique que nos écoles peinent à nous inculquer. Il y a la Convention des droits de l’Homme et du citoyen, la Convention européenne des droits de l’Homme sur lesquelles notre société est fondée. Nous devons le rappeler, le marteler encore et encore, même quand l’actualité nous semble lointaine », rappelle l’avocat.

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