La mafia sicilienne vient d’essuyer un nouveau revers et ses chefs n’ont pas le moral !

Publié le 07/03/2025 à 16h34

Dans la nuit du 10 au 11 février 2025, la Justice et les Carabinieri italiens ont déclenché une gigantesque opération « anti-mafia » en Sicile, mais aussi en Calabre, Toscane et à Milan. Au total, 1 200 carabiniers ont été mobilisés, et 181 personnes ont été interpellées. Sous réserve des suites, on peut considérer qu’il s’agit d’un nouveau coup, très dur, porté à une organisation criminelle déjà déstabilisée par une stratégie mise en place ces dernières décennies par l’État italien et qui se montre, sur le long terme, de plus en plus efficace.

La mafia sicilienne vient d’essuyer un nouveau revers et ses chefs n’ont pas le moral !
Photo : ©AdobeStock/Mino21

C’est la plus importante opération judiciaire menée depuis celle du 28 septembre 1984, qui avait abouti à l’époque a la capture « historique » de 366 mafieux. Elle avait été possible grâce notamment aux révélations du chef mafieux Tommaso Buscetta qui, menacé de mort par ses anciens collègues, s’était décidé à « vider son sac », bénéficiant en échange du pardon et de la protection prévus par la loi.

Cette fois-ci, les personnes arrêtées pourraient être condamnées pour meurtre, association criminelle, extorsion, trafic de stupéfiants, détention illégale d’armes, exercice abusif de jeux, infractions financières diverses etc.

Les carabinieri ont cassé les systèmes cryptés 

Il semble bien qu’au « cœur » de ce blitz, on trouve les téléphones portables, massivement utilisés depuis leurs cellules par les chefs mafieux incarcérés. Ils pensaient pouvoir communiquer en toute sécurité grâce à des systèmes cryptés, mais ces dispositifs ont été « cassés » par les Carabinieri qui ont pu ainsi identifier les membres des réseaux, mais aussi enregistrer des échanges très compromettants portant sur le trafic de stupéfiants, les extorsions (le « pizzo », dans le jargon criminel), les jeux en ligne et le trafic d’armes. Les écoutes ont aussi révélé que des liens de plus en plus forts se tissent entre la mafia sicilienne et la n’drangheta calabraise.

Les déclarations faites sur son portable par le capomafia Giancarlo Romano (déjà incarcéré) ont été révélées, et témoignent d’un certain découragement dans les rangs mafieux. « Le niveau est bas, aujourd’hui ils en arrêtent un et aussitôt il se déclare repenti » acceptant de collaborer avec la Justice. Il se désole de cette situation, constatant que désormais la prestigieuse mafia est tombée bien bas : « voilà que tu dois survivre avec la ’’panetta di fumo’’, c’est à cela que nous sommes réduits »La « panetta di fumo », c’est la barrette de résine de haschich, dont le prix aux 100 grammes varie en Italie de 150 à 500 € en fonction du taux de THC, et qui génère donc pour les trafiquants des bénéfices minimes. Et il poursuit : « Les personnes [les mafieux] d’autrefois, ceux qui malheureusement ont fini en prison, ne parlaient pas de ’’panetta di fumo’’ ! Ou alors, c’était pour annoncer l’arrivée d’un navire plein de haschich ! Si tu en parles avec ceux qui qui font le business » à un niveau élevé, pas au stade artisanal « ils rigolent. Nous sommes trop bas, nous sommes par terre les enfants. Nous pensons faire du business, mais [en réalité] d’autres le font » à notre place. Et de conclure : « Nous sommes devenus des gitans ». Quel déclassement pour des « hommes d’honneur » !

« Commencez à faire vos passeports »

Giancarlo Romano s’accroche pourtant, espérant toujours – sans trop y croire – qu’un jour la génération suivante pourra redresser la barre et retrouver la puissance d’antan ; mais il faut changer de paradigme, et faire preuve d’ambition. Il s’adresse donc à son fils, lui recommandant d’aller à l’école : « tu connaîtras des docteurs, des avocats, ceux qui commandent en Italie, en Europe. Pour parler clair, les francs-maçons, qui sont des gens avec certains idéaux mais qui sont placés dans les postes les plus importants ». Et il poursuit en mentionnant la référence culturelle incontournable pour tout mafieux : « Si tu regardes Le Parrain [la trilogie cinématographique de Francis Ford Coppola] les liens qu’il avait… il n’était pas le chef absolu, non… lui, il était très influent grâce au pouvoir qu’il s’était bâti au niveau politique dans les milieux importants. Nous, que pouvons-nous faire ? ». Se recycler peut-être à Hollywood, comme scénariste ou acteur ?

Le découragement gagne. À la veille de l’opération du 10 février, alerté probablement par certains indices, un autre chef mafieux semble envisager de tourner la page définitivement. C’est-à-dire devenir honnête ? Bien sûr que non, voyons, des « affranchis » ne mèneront jamais la vie des minables ; l’avenir qu’il s’imagine, c’est de s’expatrier, avec son argent. « Je m’en vais ! Pour nous, l’Italie est devenue inconfortable, je dois m’en aller car je n’ai absolument pas l’intention de perdre ce que j’ai créé jusqu’à aujourd’hui. Commencez à faire vos passeports ! », suggère-t-il à ses acolytes – nous fournissant ainsi un indice sur la destination choisie : pas l’Europe (où le passeport n’est pas nécessaire), mais, qui sait, peut-être l’Amérique latine ?

Le Procureur de la République de Palerme Maurizio de Lucia, a rappelé qu’on ne quitte la mafia que de deux manières : par la mort ou en acceptant de collaborer avec la justice. Comme le disait Ray Liotta, incarnant un « repenti » dans le film Les Affranchis de Martin Scorsese : « Le jour où je suis arrivé ici, j’ai commandé des fetuccine sauce marinara et j’ai eu des nouilles au ketchup. Je suis un quelconque minable. Je vais finir ma vie dans la peau d’un plouc ». Et oui, tout part à vau-l’eau ! Quelle époque…

 

 

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