Professions libérales : un Congrès national tourné vers l’innovation

Publié le 20/11/2023

C’est au palais d’Iéna, le siège du Conseil économique, social et environnemental, que l’Union nationale des professions libérales (UNAPL) organisera, le 8 décembre prochain, la 31e édition de son congrès national. À cette occasion, l’organisation patronale abordera plusieurs thématiques fondamentales pour l’ensemble des professionnels qu’elle fédère. Parmi celles-ci, l’intelligence artificielle, « porteuse de grandes promesses », estime Michel Picon, le président de l’UNAPL. Entretien.

Actu-Juridique : Quels seront les principaux temps forts de ce Congrès ?

Michel Picon : Chaque année, le Congrès national des professions libérales permet de réunir les professionnels du secteur autour de thèmes cruciaux et engageants. Pour cette édition qui aura lieu le 8 décembre, nous avons élaboré un programme autour de grands sujets d’innovation. L’auteur du livre La guerre des intelligences, Laurent Alexandre, sera présent pour explorer le potentiel de l’intelligence artificielle (IA) et ses implications dans les pratiques des professionnels libéraux. L’économiste, Philippe Dessertine, partagera ses analyses sur les tendances émergentes de l’entrepreneuriat libéral, offrant aux participants un aperçu du futur de leur activité et des opportunités dans un monde en constante évolution. La ministre chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, se prêtera au jeu des questions-réponses avec un panel de professionnels libéraux, offrant ainsi une opportunité unique d’interagir directement avec une personnalité politique influente sur les sujets professionnels. Enfin, la journée promet des moments forts autour du dialogue social, pilier fondamental des entreprises libérales et de notre société. Des partenaires sociaux et des experts du dialogue social échangeront leurs expériences et perspectives sur les défis actuels et futurs du dialogue social.

AJ : Est-ce difficile d’établir un programme commun lorsque l’on représente et l’on s’adresse à tant de métiers ?

Michel Picon : L’UNAPL représente 69 organisations membres issus des familles de la santé, du droit et du technique et cadre de vie. Il est donc vrai que nous représentons une pluralité de métiers. Nous faisons ainsi le choix, chaque année, d’aborder des thèmes qui parlent à l’ensemble des professionnels. Et je crois que nous y sommes une nouvelle fois parvenus pour cette édition avec trois sujets transversaux : l’IA, les tendances entrepreneuriales des entreprises libérales et le dialogue social.

AJ : Considérez-vous l’IA comme une chance ou une menace pour les professions libérales ?

Michel Picon : L’UNAPL suit avec un intérêt le sujet de l’IA. Il s’agissait notamment d’un des sujets centraux de notre séminaire de rentrée, qui a eu lieu en septembre dernier. Dans le secteur des professions libérales comme dans l’ensemble des entreprises, l’arrivée de l’IA est porteuse de grandes promesses et est une chance. Dans les professions juridiques, l’IA peut permettre l’analyse de vastes ensembles de documents, la prédiction des résultats judiciaires ou l’assistance à la rédaction légale. Pour les professions médicales, c’est sur le diagnostic, la décision thérapeutique, la chirurgie et le suivi des patients qu’elle peut être utile. Autre exemple, les professions financières et comptables peuvent en bénéficier pour analyser de grandes quantités de données et améliorer la détection de fraudes ou encore prédire des crédits pour évaluer la solvabilité des emprunteurs. Mais au-delà de ces bénéfices certains, l’IA suscite aussi des inquiétudes. C’est à la fois une immense opportunité et un risque lorsqu’on voit les dérives liées à son utilisation. L’absence de cadre légal fait aussi que nous nous devons d’être vigilants vis-à-vis de cette technologie. Nous aurons l’occasion d’aborder l’IA et tous ces enjeux lors du Congrès, avec l’un des plus grands spécialistes de la question, le Dr Laurent Alexandre.

AJ : Vous consacrerez également une table ronde au « dialogue social ». En quoi est-ce important pour les professionnels que vous représentez ?

Michel Picon : Le secteur des professions libérales comptabilise plus d’1,2 million de salariés et l’UNAPL a toujours fait de la qualité du dialogue social dans les entreprises l’une de ses priorités. Cette année, l’UNAPL a particulièrement œuvré pour renforcer le dialogue social en construisant avec les partenaires sociaux l’avenant à l’accord qui régit le fonctionnement des commissions paritaires régionales dédiées aux professions libérales (CPR-PL). Ces commissions sont indispensables car les TPE, du fait de leur taille (moins de 11 salariés), sont en dessous des seuils légaux qui imposent la présence de représentants de salariés. Le rôle des CPR-PL est donc d’établir un espace de dialogue social entre employeurs et salariés sur des sujets transversaux comme l’emploi, la formation, les conditions de travail ou encore la santé au travail. Le dialogue social dans les entreprises libérales va enfin pouvoir reprendre et se poursuivre grâce à cet avenant signé en juillet dernier. L’UNAPL, qui est membre fondateur et qui occupe la première vice-présidence de l’Union des entreprises de proximité (U2P) a également participé cette année aux négociations d’accords nationaux interprofessionnels (ANI) importants. Malgré les tensions qui ont traversé notre société depuis le début de l’année, les partenaires sociaux ont démontré leur capacité à construire et produire des solutions opérationnelles, notamment pour améliorer la santé au travail, la prévention des accidents du travail et maladies professionnelles, ou sur le partage de la valeur. Cette qualité du dialogue social est essentielle pour moderniser les entreprises libérales et nous y tenons.

AJ : Quels sont les autres sujets d’actualité pour les professions libérales ?

Michel Picon : Ces derniers mois, l’UNAPL était particulièrement mobilisée sur l’examen des textes de budget et en particulier du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), dans lequel devait être inscrite la mesure de réforme de l’assiette de cotisations sociales des indépendants. Le combat mené au côté de l’U2P depuis plusieurs mois pour introduire dans le PLFSS 2024, cette mesure prévue dans la loi de réforme des retraites, a payé. Cette mesure, bien qu’imparfaite car elle ne concernera pas l’ensemble des professionnels, va établir pour une majorité de professionnels une équité contributive avec les salariés par une réforme de l’assiette de la CSG et améliorer leurs droits à la retraite. Nous sommes également très mobilisés sur la question des modalités d’assujettissement aux cotisations sociales des professionnels libéraux exerçant en société. Une récente décision de la Cour de cassation suscite en effet l’inquiétude de nos affiliés et l’UNAPL se mobilise pour faire adopter un aménagement des textes propre à conjurer tout risque d’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes perçus par les holdings de sociétés libérales.

AJ : Les professions libérales sont-elles sorties renforcées de la crise de la Covid ?

Michel Picon : La crise sanitaire a été difficile pour les entreprises libérales comme pour l’ensemble des secteurs d’activité. Mais elles ont fait preuve de résistance dans un contexte pour le moins défavorable en se dotant d’un grand pouvoir d’adaptation. Cette force continue à les servir aujourd’hui face aux défis qui ont découlé de la crise. L’inflation, la guerre en Ukraine, les difficultés de recrutement touchent également le secteur des professions libérales. Pour l’année 2022, la situation économique des professions libérales a été toutefois très contrastée. Les statistiques fournies par les ARAPL (Associations régionales agrées des professions libérales) sur les revenus des professions libérales montrent une situation hétérogène selon les métiers. Certains ont affiché des résultats en net recul quand d’autres ont réussi à maintenir la barque à flot. L’UNAPL est attentive aux difficultés rencontrées par les professions libérales et les accompagne. Nous tenons aussi à accompagner les professionnels dans les transformations de notre secteur d’activité. La crise a accéléré ces mutations et nous avons à cœur d’aider les entreprises libérales à s’adapter à ces changements.

AJ : Parviennent-elles à séduire les étudiants et les jeunes professionnels ?

Michel Picon : Les enjeux d’attractivité sont grands dans le secteur des professions libérales. Pour séduire les jeunes, il faut réussir à les convaincre qu’ils peuvent trouver dans nos professions une façon d’exercer qui correspond à leurs aspirations. À l’UNAPL, nous mettons particulièrement en avant la valeur d’indépendance. Nous tenons aussi à connaître les attentes et la vision de la jeune génération vis-à-vis de nos professions afin de prendre en compte les aspirations des générations futures. C’est dans cette optique que nous avons rassemblée l’an passé, à l’occasion de notre Congrès national, les professionnels en exercice et les futurs diplômés représentés par la Fédération des associations générales étudiantes autour des enjeux du secteur libéral. Ce lien avec la nouvelle génération est essentiel. Pour renforcer l’attractivité des professions libérales, nous menons aussi des actions pour remettre à niveau la protection sociale des indépendants et des salariés. La mise en place d’un dispositif d’indemnités journalières pour les professions libérales, porté par l’UNAPL en 2021, est un exemple de ce qu’on peut mettre en place pour que les jeunes ne se tournent pas systématiquement vers le salariat. Nous avons également, cette année, renforcé le dispositif d’accompagnement à la création d’entreprise, en partenariat avec l’Union des autoentrepreneurs et la Conférence des ARAPL, avec une attention particulière portée sur les autoentrepreneurs, afin de faciliter l’entrepreneuriat libéral. En plus de ce dispositif, l’UNAPL souhaite doter chaque région d’une « Maison des professions libérales ». La généralisation progressive de ces maisons permettra de disposer de points d’ancrage pour les professions libérales au plus près des territoires. La visibilité de nos métiers en sera ainsi renforcée.

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