RSE : un enjeu toujours plus déterminant pour les juristes d’entreprise

Publié le 30/05/2022

Depuis plus de 15 ans, l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE) publie chaque année son Observatoire des directions juridiques. Réalisée en partenariat avec la société d’avocats De Gaulle Fleurance & Associés, l’édition 2022 souligne, pour les juristes d’entreprise interrogés, la montée en puissance de la problématique de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). « Les directions juridiques doivent s’organiser pour absorber cette accélération de la construction d’un cadre réglementaire complexe et évolutif et accompagner au mieux la stratégie de transition écologique de leurs entreprises », explique Nathalie Dubois, directrice juridique Fnac Darty et vice-présidente de l’AFJE en charge des relations Université-Étudiants.

Actu-Juridique : Quel est l’objectif de l’Observatoire depuis son lancement en 2006 ?

Nathalie Dubois : Les directions juridiques évoluent dans des environnements de plus en plus complexes et où tout va de plus en plus vite. Elles doivent s’adapter en temps réel pour absorber l’inflation des normes et des contrôles et répondre aux attentes de plus en plus fortes de leurs entreprises pour accompagner la stratégie globale, participer au développement des projets opérationnels, contribuer à la gestion des risques ou encore adresser les enjeux de compliance.

L’Observatoire des directions juridiques permet aux directions juridiques, tous les 2 ans, de faire un arrêt sur image et de disposer d’une photographie globale pour prendre de la hauteur, se « benchmarker » et s’assurer ainsi que la trajectoire de leur plan stratégique reste connectée à l’évolution de leurs grands enjeux. C’est la raison pour laquelle il est essentiel pour l’AFJE de s’associer à cette démarche.

Actu-Juridique : Quels sont les principaux enseignements de l’édition 2022 ?

Nathalie Dubois : L’édition 2022 confirme tout d’abord la progression régulière du positionnement de la direction juridique, y compris dans les sociétés cotées, puisque 35 % des répondants sont membres du comité exécutif ou de son équivalent. On relève également l’augmentation du nombre de contrôles auxquels les directions juridiques doivent faire face, avec un ou plusieurs contrôles durant les 12 derniers mois de la part d’une autorité administrative pour 53 % d’entre elles. Enfin, le grand enseignement de l’édition 2022, c’est la place croissante des enjeux RSE dans les directions juridiques. Les résultats de l’Observatoire sont particulièrement explicites à cet égard.

Actu-Juridique : Les enjeux RSE représentent-ils aujourd’hui la préoccupation dominante des directions juridiques ?

Nathalie Dubois : Les enjeux RSE ne remplacent pas les autres missions de la direction juridique qui restent tout autant stratégiques. Ils s’ajoutent à un champ d’action qui s’élargit progressivement, ce qui soulève la nécessité de renforcer les compétences de la direction juridique pour adresser ces nouveaux sujets. Les directions juridiques doivent s’organiser pour absorber cette accélération de la construction d’un cadre réglementaire complexe et évolutif et accompagner au mieux la stratégie de transition écologique de leurs entreprises.

Actu-Juridique : Quel est l’impact de ces enjeux sur le rôle du juriste d’entreprise ?

Nathalie Dubois : Le juriste d’entreprise évolue dans un environnement où il n’y a plus de réponse binaire, ni un juriste détenteur unique de la connaissance et d’une vision d’ensemble. Pour faire face à cette complexité croissance, le juriste d’entreprise coopère déjà avec toutes les parties prenantes internes de l’entreprise dans une dynamique d’intelligence collective. La coopération fait partie de notre quotidien car nous sommes au cœur de l’entreprise et nous interagissons de manière transverse, au quotidien, avec nos clients internes. Ces enjeux s’intègrent donc parfaitement dans la dynamique historique de l’évolution du rôle et du positionnement du juriste au sein de son entreprise.

Actu-Juridique : Le Covid-19 a-t-il eu une incidence sur l’activité des directions juridiques ?

Nathalie Dubois : La pandémie et la crise internationale ont été des accélérateurs de prise de conscience : « Doing good, is doing good business » !

Jusqu’à encore récemment, le juriste d’entreprise agissait surtout comme un conseil qui intervenait principalement dans le champ des relations avec des cocontractants ou des institutions, ou encore dans un processus interne à l’entreprise d’amélioration continue. Dorénavant, avec son implication dans les grands enjeux environnementaux, son rôle de médiation entre la norme et l’entreprise concerne de plus en plus le bien commun, le grand public et la cité.

Actu-Juridique : Qu’est-ce que la directive CSRD ? Quel va être l’impact de cette directive pour les directions juridiques ?

Nathalie Dubois : La Directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises va remplacer la Directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) sur le reporting extra-financier des entreprises, pour renforcer les objectifs de l’Union Européenne en matière de finance durable.

Il s’agit d’étendre les exigences de la NFRD pour les appliquer à l’ensemble des entreprises de plus de 250 salariés tout en améliorant le contenu des rapports extra-financiers : les entreprises devront ainsi communiquer des informations relatives aux problématiques de durabilité, de changement climatique et évaluer l’impact de leur activité sur l’environnement et la société en général. La Commission européenne crée ainsi un cadre réglementaire et un langage commun pour l’ensemble des acteurs économiques qui permettra d’accroître la responsabilité des entreprises, d’éviter les divergences entre les normes nationales et de faciliter une transition écologique responsable.

Les impacts de la mise en œuvre de la CSRD peuvent être très importants, non seulement sur la stratégie des entreprises et le degré d’implication de leurs équipes dirigeantes mais également sur le degré d’engagement et la profondeur de la communication auprès de leurs parties prenantes. Le calendrier de la CSRD n’est pas encore officialisé mais sa première application est prévue au 1er janvier 2024 (sur l’exercice 2023). Le rôle de la direction juridique va donc continuer à se renforcer autour de ces enjeux qui deviennent peu à peu totalement intégrés et indissociables des activités de l’entreprise et de sa stratégie.

Actu-Juridique : Des tendances se dégagent-elles pour l’avenir des directions juridiques ?

Nathalie Dubois : Cette édition 2022 met en évidence la dimension et le positionnement de plus en plus stratégique et transversal du juriste d’entreprise et la nécessité pour les entreprises, dans des environnements de plus en plus complexes et évolutifs, d’intégrer l’intelligence juridique dans leur stratégie.

Sans ambiguïté, on peut dire que juriste d’entreprise est un métier « durable » !

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