Tribunaux de commerce : une rentrée et un congrès faits d’identités pour les greffiers

Publié le 18/09/2023

Le 21 septembre prochain à Rennes se tiendra le 135e Congrès national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC). Placé sous le signe de l’« identité(s) », celui-ci permettra de réunir experts et professionnels autour d’un concept aussi physique que numérique et juridique, rappelle Thomas Denfer, le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

Actu-Juridique : Pourquoi avez-vous choisi la notion d’« identité(s) » comme thématique centrale pour ce Congrès ?

Thomas Denfer : Tous les ans, nous faisons face au même défi : trouver une thématique d’actualité pour l’ensemble de la profession et qui plus est pour un événement historique puisqu’il s’agit, je le rappelle, de la 135e édition du Congrès des greffiers des tribunaux de commerce. Ainsi cette année, notre choix s’est porté sur le thème d’« Identité(s) ». L’usage à la fois du pluriel et du singulier nous permet de nous inscrire dans un débat quant à cette notion d’identité. L’identité est omniprésente dans notre métier puisque nous sommes chargé, notamment, après vérification légale, d’immatriculer les entreprises au sein du registre du commerce et des sociétés. Ainsi, l’identification d’une entreprise, dont nous sommes les dépositaires légaux, est essentielle pour la confiance et la transparence de la vie économique. Elle est aussi, vous le savez, soumise à d’éventuelles problématiques d’usurpations ou de fraudes. Par ailleurs, l’identité est physique mais aussi dorénavant numérique. Les enjeux que charrie cette notion sont donc vastes et variés. Et c’est pour cette raison que nous ferons intervenir durant le Congrès des universitaires des juristes et autres spécialistes. Nous proposerons notamment une approche sociologique de l’identité avec Jean-Claude Kaufmann, sociologue et directeur de recherche honoraire au CNRS, mais aussi, et bien sûr, juridique avec Guillaume Valette-Valla, directeur de Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) ou Didier Martin, commissaire divisionnaire et chef de la division d’expertise en fraude documentaire et à l’identité du ministère de l’Intérieur.

AJ : L’identité numérique est-elle perçue par votre profession davantage comme une opportunité ou comme un défi ?

Thomas Denfer : Il s’agit surtout, il me semble, d’un équilibre à trouver entre d’une part, la volonté du chef d’entreprise qui souhaite, légitimement, immatriculer le plus rapidement possible son entreprise pour pouvoir disposer d’un extrait Kbis et se consacrer à son activité, et d’autre part les obligations légales de vérifications et de contrôles pour prévenir les fraudes et optimiser la sécurité de la vie économique. Ainsi, si collectivement nous souhaitons simplifier la vie administrative et juridique des entreprises, il ne faut pas non plus nous placer dans une situation qui serait surtout favorable aux personnes malintentionnées. Nous devons veiller, et c’est évidemment l’une des principales missions des greffiers des tribunaux de commerce en qualité d’officiers publics et ministériels titulaires d’une charge, à ne surtout pas simplifier la vie du fraudeur. Or l’usage du numérique présente ces deux aspects. L’identité numérique, c’est à la fois plus de simplicité mais aussi plus d’opportunités de tromper. C’est d’ailleurs avec l’objectif de réduire au maximum les risques et de faciliter la vie du dirigeant d’entreprise que le Conseil national a développé, dès 2019, « MonIdenum », un service d’authentification gratuit et sécurisé.

AJ : Le Congrès sera aussi l’occasion d’évoquer les autres actualités qui concernent votre profession. Parmi elles, il y a la publication récente d’un code de déontologie. En quoi est-ce important de disposer d’un tel outil ?

Thomas Denfer : Ce code, publié au Journal officiel le 18 juillet dernier, entrera en vigueur le 1er octobre prochain et s’inscrit dans le cadre de la loi de décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. En tant que telle, il n’y a rien de profondément nouveau puisque nous disposions déjà de règles pour réguler et contrôler notre activité. Néanmoins, la publication de ce code doit permettre de renforcer la confiance du citoyen dans la justice et les professionnels qui la font vivre au quotidien. Concrètement, le texte fixe les règles et les devoirs des greffiers des tribunaux de commerce. Cela va du secret professionnel, au devoir de probité, en passant par nos relations avec Tracfin ou encore le Conseil national que j’ai la chance de présider.

Enfin, le 21 septembre nous reviendrons également sur la difficile entrée en vigueur du Guichet unique des formalités pour les entreprises ou la réforme des sûretés immobilières.

AJ : Par-delà l’identité, la confiance est visiblement primordiale pour votre métier et son avenir…

Thomas Denfer : Oui, très clairement. Les deux sujets sont en réalité très liés. Pour avoir confiance en un interlocuteur ou une entreprise, il faut qu’il, ou elle, soit identifié et immatriculé dans un registre d’information légale. De la même manière, il faut que toutes les parties aient confiance dans les acteurs chargés de vérifier et contrôler cette identité, d’où l’utilité, il me semble, du code de déontologie dont nous parlions. Par ailleurs, le modèle français qui est structuré sur l’établissement de registres est particulièrement reconnu à l’étranger pour la qualité de l’information qu’il apporte et le niveau de confiance qui en découle.

AJ : Votre profession fait-elle face, comme beaucoup d’autres, à un problème d’attractivité ? Rencontrez-vous des difficultés de recrutement ?

Thomas Denfer : Il s’agit pour nous aussi d’un enjeu fondamental. Et s’il est essentiel d’attirer, il faut surtout savoir expliquer ce que l’on fait. Le défi est là, il me semble : expliquer, donner du sens, pour susciter l’envie. C’est évidemment le rôle du Conseil national que de réussir cela et c’est plus précisément ma mission en tant que président et porte-parole de la profession depuis dix-huit mois désormais. À cet égard, l’action que nous menons paraît porter ses fruits puisque le nombre de candidats autorisés à concourir à l’examen d’accès à notre profession a connu une hausse significative. Ils seront 110 à tenter leur chance dans quelques semaines contre 80 candidats, en moyenne, les années précédentes. C’est évidemment une bonne nouvelle et une dynamique que nous souhaitons inscrire dans le temps.

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