Une Chambre interdépartementale des notaires des Yvelines, du Val d’Oise, des Hauts-de-Seine et de l’Eure-et-Loir d’ici à 2025 ?
La Chambre interdépartementale des notaires de Versailles est une instance professionnelle créée en 1804. En 1980, l’instance a évolué vers une chambre interdépartementale regroupant les départements des Yvelines et du Val d’Oise. Aujourd’hui, 560 notaires exercent sur ces deux territoires. Les professionnels ont en moyenne 45 ans et sont à 65 % des femmes. Au total en 2022, les études notariales des deux départements ont réalisé un chiffre d’affaires de 336 millions d’euros. Le 25 mai 2023, Éric Guiard a été élu président de la Chambre interdépartementale des notaires de Versailles. Une nouvelle fonction pour ce notaire du Val d’Oise qui arrive dans une conjoncture complexe pour le marché de l’immobilier. Mais le nouveau président de cette instance notariale a également le projet de travailler sur une future chambre interdépartementale des notaires des Yvelines, du Val d’Oise, des Hauts-de-Seine et de l’Eure-et-Loir, rattachée à la cour d’appel de Versailles. Un regroupement voulu par le ministère de la Justice qui permettrait de fusionner des chambres départementales et conseil régional des notaires. Entretien.
Actu-Juridique : Comment la Chambre interdépartementale des notaires de Versailles fonctionne-t-elle ?
Éric Guiard : Comme nous sommes une chambre interdépartementale, à chaque élection du président tous les deux ans, un notaire des Yvelines et un notaire du Val d’Oise occupe en alternance la fonction. Le président est accompagné dans ses tâches par un bureau de six notaires. Ensuite, il y a une sorte de parlement qui est le poumon de la compagnie de Versailles. Il est composé de 24 notaires répartis par départements, par âge et par sexe. Le président de la chambre est le chef d’orchestre. Enfin, il y a 11 permanents salariés au sein de la chambre interdépartementale de Versailles, qui s’occupent du fonctionnement quotidien de l’institution. Aujourd’hui, nous travaillons en relation avec le conseil régional des notaires rattaché à la cour d’appel de Versailles. C’est le deuxième échelon de la représentation des notaires dans les territoires avant le Conseil supérieur du notariat (CSN).
AJ : Quelles sont les missions assurées au quotidien par l’institution ?
Éric Guiard : La Chambre interdépartementale des notaires de Versailles a d’abord des missions régaliennes, dans un cadre excessivement réglementé. D’après l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, elle est l’instance de proximité. Nous nous occupons des inspections annuelles des notaires. Nous inspectons autant l’aspect comptable d’une étude notariale que les actes d’un professionnel. Nous vérifions la conformité à la réglementation. Nous contrôlons le respect des obligations de lutte contre le blanchiment. C’est un point sur lequel le ministre de la Justice veut que nous soyons vigilants. Nous contrôlons aussi l’exercice professionnel avec les mouvements dans la profession, la mise en place des prestations de serment, la taxation des actes, les litiges entre les notaires ou encore les sinistres vis-à-vis d’un client. Nous nous occupons aussi de l’organisation de l’accès au droit. Les notaires sont présents dans les points de justice et d’accès au droit pour faire des consultations gratuites. Nous avons des missions de justice déléguées par les tribunaux. Par exemple, quand vous avez une liquidation dans un divorce, le tribunal demande à la chambre interdépartementale de nommer une étude notariale pour s’en occuper. Enfin, avec le conseil régional rattaché à la cour d’appel de Versailles, nous avons aussi en charge la formation continue des notaires. Notre profession a une obligation de 30 heures de formation tous les deux ans. Nous organisons ces sessions et vérifions si les notaires suivent cette obligation.
AJ : Comment évolue la population notariale dans les deux départements ?
Éric Guiard : Depuis 2015 et le vote de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, la population notariale est en augmentation exponentielle. En France, en huit ans, il y a eu 78 % de nouveaux notaires. En masse, il y a une croissance continue. Quand j’ai prêté serment en 1995, la compagnie de Versailles comptait 150 notaires. Aujourd’hui, nous sommes 560 professionnels. Cette évolution génère un rajeunissement et une féminisation de la profession, notamment dans les Yvelines et le Val d’Oise. L’évolution sociologique du niveau national est suivie dans nos deux territoires. À Versailles, 80 % des prestations de serment actuelles sont effectuées par des femmes.
AJ : Quel est le rôle du président de la Chambre interdépartementale des notaires de Versailles ?
Éric Guiard : D’abord, mon titre est réglementé par l’ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat. Néanmoins, je peux apporter une certaine spécificité. Ensuite, le président est le représentant de la profession sur le monde extérieur. J’ai comme interlocuteur les procureurs de la République de Versailles et de Pontoise, les présidents des tribunaux de Versailles et de Pontoise, le président de la Chambre de commerce et de l’industrie des Yvelines, le président de la Chambre des métiers et de l’artisanat, les représentants des autres professions d’ordre comme les avocats, les experts-comptables, … L’objectif est de représenter, dans les Yvelines et le Val d’Oise, la profession des notaires et de tisser des liens. Ensuite, j’arrive dans une conjoncture immobilière et économique préoccupante. Cette situation me prend beaucoup de temps pour gérer les problématiques des notaires.
AJ : Comment la Chambre interdépartementale des notaires de Versailles fait face à cette conjoncture économique préoccupante ?
Éric Guiard : Je suis notaire depuis 30 ans. C’est la troisième crise que je connais après la Guerre du Golfe en 1991, la crise des subprimes en 2008 et la crise immobilière actuelle. Nous sommes actuellement dans l’œil du cyclone et les six prochains mois sont un vaste point d’interrogation. Un notaire est une profession libérale. Il est officier public mais il est aussi chef d’entreprise. Chaque professionnel gère son étude comme il le souhaite avec son chiffre d’affaires, ses collaborateurs ou sa masse salariale. Au niveau de notre instance, nous avons une mission de surveillance. Chaque mois, nous vérifions le tableau de bord des notaires : leurs charges, leurs bénéfices, leurs fonds propres,… Ensuite, nous avons un regard sur l’évolution économique de la profession par rapport à l’année précédente. Ainsi, nous pouvons voir des signaux d’alerte sur des études notariales en état de surveillance avancée. Pour les notaires qui n’arrivent plus à payer leurs charges, nous leur apportons des solutions de management, des propositions venant de la Banque des territoires ou encore une négociation d’étalement de charges. Enfin, nous avons aussi un rôle de lanceur d’alerte sur la conjoncture du marché de l’immobilier. Je suis en capacité de décrire la situation et de donner les chiffres des Yvelines et du Val d’Oise aux institutions intéressées. Je pense notamment aux départements et à la région Île-de-France car certaines recettes de ces trois collectivités dépendent de l’évolution du marché immobilier.
AJ : Quelles idées souhaitez-vous mettre en œuvre à travers votre fonction durant votre mandat ?
Éric Guiard : Concernant ma vision et mon mandat, j’ai trois axes. D’abord, il y a la proximité. Notre population de notaires a quasiment été multipliée par cinq en dix ans. Les jeunes notaires doivent connaître la Chambre interdépartementale des notaires de Versailles, notre spécificité et notamment ce que nous pouvons leur apporter. Je souhaiterais donc créer du lien entre tous les notaires de la compagnie. Ensuite, il y a une nécessité d’avoir un rayonnement de la profession dans les deux départements à travers notre communication. L’idée est de se faire connaître de l’opinion publique et des institutionnels. Comme je vous l’ai dit, je suis le représentant de la profession dans les deux départements. J’aimerais donc rencontrer les présidents des conseils départementaux des Yvelines et du Val d’Oise et les préfets. Je me donne aussi comme défi sur mon mandat de deux ans de rencontrer les députés et les sénateurs des deux départements. Ce sont eux qui votent les lois. Nous constatons que les politiques connaissent très peu les spécificités de notre profession. C’est très important pour moi. Enfin, il y a la question de l’interdépartementalité qui est une volonté de la Chancellerie. L’idée serait de procéder à un regroupement des instances professionnelles, c’est-à-dire une fusion entre le conseil régional des notaires et les chambres départementales pour former une seule instance.
AJ : Quel est l’objectif de ce regroupement des instances ?
Éric Guiard : L’objectif du ministère de la Justice à travers le regroupement des instances notariales est d’aller vers une professionnalisation plus importante des chambres de notaires. Ce changement est une volonté du ministre Éric Dupond-Moretti face à l’augmentation importante du nombre de notaires en dix ans. Professionnaliser les chambres permettra d’apporter des instances plus fortes économiquement avec plus de permanents. La force de frappe sera plus importante. Dans l’organisation à venir du notariat, il y aura toujours le Conseil supérieur du notariat à Paris. Le second niveau sera composé d’une seule instance rattachée aux cours d’appel. Cela permet d’éviter les doublons. En France, il y a déjà des regroupements qui ont été opérés. C’est un mouvement général en cours.
AJ : Qu’est-ce que cette idée de l’interdépartementalité induirait pour la Chambre interdépartementale des notaires de Versailles ?
Éric Guiard : Dans le ressort de la cour d’appel de Versailles, il y a la chambre des notaires des Hauts-de-Seine, la chambre des notaires d’Eure-et-Loir et la Chambre interdépartementale des notaires des Yvelines et du Val d’Oise. Nous sommes en train de travailler entre présidents de chambre pour créer d’ici deux à trois ans une seule chambre interdépartementale des notaires rattachée à la cour d’appel de Versailles, valant conseil régional des notaires. L’objectif est de regrouper 1 000 notaires : 350 professionnels venant des Hauts-de-Seine, 560 du Val d’Oise et des Yvelines et une centaine de l’Eure-et-Loir. L’idée est d’avoir une seule entité notariale dans le ressort de la cour d’appel de Versailles. Cette chambre interdépartementale permettrait d’avoir une visibilité plus importante en apportant plus de services à nos notaires. Avec mes homologues des deux autres départements, c’est le grand objectif des deux années à venir.
Référence : AJU009z1