Nouvelles lignes directrices CJIP : vers une pénalisation de la conformité ?

Publié le 27/03/2023

Les nouvelles lignes directrices du parquet national financier (PNF) concernant les conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP),  publiées le 16 janvier dernier, constituent un progrès en matière de lisibilité, de prévisibilité et de transparence de la doctrine du PNF. Mais elles sont aussi l’expression d’une évolution vers la pénalisation de la conformité, analyse Me Amaury Bousquet. Explications. 

Nouvelles lignes directrices CJIP : vers une pénalisation de la conformité ?
Le procureur de la République financier Jean-François Bonhert (Photo : ©P. Cabaret)

Après six années de pratique et alors que les multiples extensions du domaine d’application de la CJIP confirment la volonté du législateur de conférer une place prépondérante à la justice transactionnelle en droit pénal des affaires[1], les lignes directrices du 16 janvier 2023 ne rendent pas seulement la doctrine du PNF sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) plus « transparente, lisible et prévisible« , comme le présentait le parquet national financier (PNF), le même jour, à l’université Panthéon-Assas[2]. Elles apparaissent aussi approfondir la dynamique nouvelle amorcée en 2016 avec la loi Sapin 2.

Détachant la compliance du champ pénal, cette loi avait, avec son article 17, marqué le choix fait par la France d’une troisième voie entre le FCPA américain d’une part[3], et le UKBA britannique d’autre part[4], optant pour une approche originale consistant à imposer aux grandes entreprises de se doter de programmes de prévention de la corruption[5], avec la possibilité de sanctionner administrativement, via l’Agence française anticorruption (AFA), celles qui n’auraient pas mis en place de tels programmes, indépendamment de toute poursuite pénale et sans devoir constater des faits – matériels – de corruption[6].

L’ambition de diffuser dans le champ pénal les exigences de cette loi en matière préventive n’avait néanmoins pas été complètement abandonnée, dès lors que le législateur avait dans le même temps, en introduisant le mécanisme de la CJIP[7] – et s’inscrivant en cela dans la tendance plus large à la contractualisation de la réponse pénale[8] -, conféré aux parquets la possibilité d’assortir leurs CJIP d’une forme d’obligation de remise à niveau[9] (la réussite de la CJIP[10] étant assujettie à la démonstration du renforcement par l’entreprise de ses procédures internes de prévention[11]). Ainsi, si toutes n’en comportent pas, la CJIP peut inclure l’obligation pour la personne morale signataire de se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l’AFA, à un exercice de mise en conformité[12].

On sait que toute CJIP implique a priori une amende[13] au potentiel très élevé[14] et que la part dite « afflictive » de cette amende (par opposition à la part dite « restitutive« , correspondant à la restitution des avantages tirés des manquements[15]) est susceptible d’évoluer à la hausse ou à la baisse, donc d’une manière plus ou moins favorable à l’entreprise, en fonction de différents critères. On a beaucoup loué – à juste titre – le travail de précision de sa méthodologie de calcul entrepris par le PNF, avec la publication de ces nouvelles lignes directrices qui détaillent les éléments pris en compte[16] pour déterminer le montant de l’amende CJIP[17]. On a peut-être moins dit que ce travail (avec le choix des critères de pondération retenus et leur hiérarchisation) reflète aussi les priorités du PNF quant à la politique pénale suivie en matière de CJIP et, au-delà, les attentes en matière de compliance qu’il apparaît nourrir à l’égard des entreprises souhaitant bénéficier de cet outil présenté comme un privilège soumis à conditions.

Mieux calibré par ces nouvelles lignes directrices, ce mécanisme souple et innovant qu’est la CJIP, sans cesse enrichi depuis 2016 grâce à la créativité du PNF, des autres parquets et sans doute des conseils, permet en effet au PNF – et peut-être aussi à l’AFA – de faire passer aux entreprises – et en premier lieu à celles soumises à la loi Sapin 2 – plusieurs messages importants. Des messages qui dérivent semble-t-il vers des exigences précises en matière de compliance plus qu’ils ne relèvent de pures orientations de politique pénale, le PNF jouant volontiers de la porosité entre compliance et procédure pénale (voire entre responsabilité administrative et responsabilité pénale) dans ce domaine[18].

I. La sanction de l’insuffisance de conformité par le biais de la CJIP

1.1. L’aggravation de l’amende CJIP à raison de l’insuffisance du programme de conformité

D’abord, au titre des facteurs aggravants qu’il pourra prendre en compte pour déterminer le montant de l’amende CJIP, le PNF ajoute les « insuffisances du programme de conformité » pour les entreprises soumises à l’obligation de se doter d’un tel programme en vertu de la loi Sapin 2[19]. Rappelons que les précédentes lignes directrices prévoyaient un facteur majorant résultant mécaniquement du seul fait que la personne morale concluant la CJIP soit soumise à la loi Sapin 2, un critère sans doute excessif dès lors qu’il pouvait jouer de jure même en l’absence de faute ou de négligence de l’entreprise en cette matière mais qui avait le mérite d’annoncer clairement la finalité ultime de cette obligation (administrative) qu’est l’article 17 de la loi Sapin 2 : éviter la survenance de faits (pénaux) de corruption au sein de la structure, et ainsi d’articuler ensemble les volets pénal (CJIP) et compliance (article 17) de cette loi[20]. Qu’une entreprise en vienne à conclure une CJIP était forcément, à l’heure où la CJIP ne couvrait que la corruption[21], le symptôme d’un dispositif anticorruption n’étant pas au niveau.

Le PNF ne revient pas sur cette approche mais semble vouloir se laisser plus de souplesse quant au lien de cause à effet qu’il pourra établir (ou non) entre les faits objets de la CJIP et la qualité du dispositif anticorruption en place, ou faire une plus grande place à l’AFA – consultée lors des discussions de CJIP – s’agissant d’apprécier la qualité d’un tel dispositif et la propension qu’avait celui-ci à prévenir les faits objets de la CJIP.

Par la plus grande marge de manœuvre qu’elle octroie, la reformulation de ce critère traduit que le PNF entend sanctionner – indirectement – les programmes de conformité déficients, s’inspirant en cela du « failure to prevent » issu du UKBA[22]. De fait, l’amende CJIP sera plus élevée pour une entreprise qui, en dépit de l’obligation qu’elle avait de le faire (en raison de la loi Sapin 2), n’aura pas mis en place de procédures, formations ou contrôles solides pour prévenir la corruption (ou l’aura fait mais pas de la bonne manière). Manière de dire que la prise en compte de ce facteur signifiera que le PNF aura considéré que le dispositif en place, parce que n’ayant pas su empêcher la commission des infractions justifiant la CJIP, était lacunaire ? Pour les entreprises soumises à cette exigence de prévention renforcée qu’est l’article 17 de la loi Sapin 2, le PNF intègre, dans le calcul de l’amende CJIP donc dans le champ pénal, une forme de sanction de facto du manquement à l’obligation de compliance, sanction de la carence dans l’exercice de prévention requis – carence pourtant déjà appréhendée par le biais des contrôles de l’AFA et du pouvoir punitif de sa Commission des sanctions[23].

On voit que le PNF pourra tirer d’une faiblesse dans l’anticipation d’un risque, la preuve d’une négligence sanctionnable sur un plan pénal, en imposant à l’entreprise une aggravation de sa sanction pénale. Les entreprises soumises à la loi Sapin 2 seront donc potentiellement traitées plus sévèrement par le PNF en matière de CJIP, alors que la disparition du facteur minorant tenant compte de la « mise en œuvre spontanée d’un programme de conformité par une personne morale n’y étant pas légalement obligée« [24] traduit une approche plus répressive aussi[25].

Plusieurs questions se posent. La prise en compte de ce facteur aggravant sera-t-elle exclusive de l’application d’un monitoring ? Annoncera-t-elle un très probable futur contrôle de l’AFA en l’absence de monitoring ? Le moindre manquement relevé par l’AFA lors d’un contrôle préexistant[26] donnera-t-il lieu à la prise en compte de ce facteur ? Ce facteur sera-t-il appliqué pour des CJIP portant sur des faits à l’égard desquels l’entreprise n’avait aucune obligation de prévention ? Relevons à cet égard, s’agissant de la formulation retenue, que si l’article 17 comporte une obligation de se doter d’un programme de conformité, il s’agit d’un programme de prévention de la corruption[27], et non d’un dispositif de compliance ou de contrôle interne qui serait générique, global ou omniscient[28]. Or, si l’on a vu, avec la CJIP Atalian[29], l’AFA se voir confier un monitoring dans une CJIP de nature fiscale, quel sens y aurait-il à inclure un tel facteur aggravant dans une CJIP fiscale (et non une CJIP probité), simplement parce que la personne morale concernée, poursuivie pour des manquements à ses obligations fiscales, serait par ailleurs soumise à la loi Sapin 2 ?

Par ailleurs, la prise en compte de l’historique « judiciaire et fiscal » mais aussi désormais « régulatoire » de la personne morale[30] signifie-t-elle qu’une entreprise sanctionnée par une banque multilatérale de développement, ou par une autorité nationale, au premier rang desquelles l’AFA (du fait de sa compétence en matière de corruption), pour ne pas avoir mis en place un dispositif de conformité suffisamment robuste, pourrait se voir punie aussi (ou pénalisée), peut-être doublement s’agissant des mêmes faits, par une amende CJIP aggravée précisément à raison de ce passif devant les régulateurs ?

Enfin, relevons le nouveau facteur tenant compte de l' »efficacité du système d’alerte interne« [31], qui reprend l’un des huit piliers d’un dispositif anticorruption établi en application de l’article 17[32], mais pourra aussi concerner les entreprises – de plus petite taille – non assujetties à cet article 17 mais visées par l’obligation de se doter d’un dispositif d’alerte général[33]. Or, si le législateur n’a pas prévu que la conformité d’un tel dispositif serait contrôlée par une autorité[34], on comprend que le PNF pourra, de cette manière, vérifier (et éventuellement bonifier) la qualité et le caractère effectif du traitement des signalements recueillis par l’entreprise[35].

1.2. L’exclusion du bénéfice de la CJIP à raison de l’insuffisance du programme de conformité

Ensuite, les lignes directrices se font plus explicites s’agissant des enseignements que le PNF se réserve le droit de tirer des résultats d’un contrôle de l’AFA antérieur. Ainsi et c’est dit plus explicitement, le PNF rappelle qu’il peut examiner la qualité du dispositif anticorruption en place avant d’envisager la possibilité d’une quelconque CJIP[36]. Surtout, il ajoute que le défaut de mise en œuvre d’un dispositif anticorruption adéquat (selon l’appréciation qu’en aura faite l’AFA) et même l’absence de définition de mesures correctives suite aux « manquements » relevés par l’AFA à l’occasion de son contrôle pourront être appréciés comme une « situation défavorable à l’orientation vers une CJIP« [37]. Un dispositif anticorruption qui ne serait pas au niveau attendu pourra donc, on l’a vu, être apprécié négativement lors du calcul de l’amende CJIP. Il pourra même, dorénavant, priver purement et simplement l’entreprise de CJIP. Le PNF (ou l’AFA via le PNF ?) aurait voulu rappeler aux acteurs soumis à la loi Sapin 2 qu’il est plus que jamais essentiel de se doter de programmes de conformité effectifs qu’il ne s’y serait pas pris autrement.

Le PNF annonce par ailleurs qu’il pourra récupérer auprès de l’AFA le rapport de contrôle contenant les conclusions de l’agence sur la qualité du dispositif anticorruption de la personne morale envisageant une CJIP (si celle-ci a fait l’objet d’un contrôle préalable par l’AFA)[38]. Il pourra « solliciter à tout moment l’expertise [de l’AFA] pour apprécier la réalité du dispositif existant ainsi que les mesures correctives présentées« [39]. Une pratique déjà institutionnalisée puisque le PNF, à l’issue du processus de négociation de la CJIP et lorsque survient l’étape de la définition de l’assiette de la sanction, consulte quasi systématiquement l’AFA pour des examens dits préalables destinés à évaluer l’intérêt[40] d’inclure dans la CJIP une obligation pour la personne morale de mettre à niveau son programme de conformité[41]. Simplement, l’analyse de la qualité du dispositif anticorruption de l’entreprise, faite par le PNF avec le concours de l’AFA, sera prise en compte à deux niveaux, dès lors que les insuffisances du dispositif, qui pouvaient motiver l’inclusion dans l’assiette de la CJIP d’un impératif de mise en conformité[42] (ce qui se comprend compte tenu de l’objet d’un tel monitoring[43]) pourront désormais, en sus, conduire à aggraver l’amende CJIP[44].

II. La valorisation des efforts de conformité par le biais de la CJIP

2.1. La minoration de l’amende CJIP à raison de la qualité de la remédiation

Puissamment incitatifs (puisque leur est associé un important potentiel de minimisation de l’amende CJIP), les facteurs minorants issus des nouvelles lignes directrices comportent eux aussi des précisions utiles pour comprendre qu’en plus de sanctionner l’insuffisance dans la prévention du risque, le PNF pourra, par le jeu des crédits de minoration de l’amende, valoriser (ou sanctionner) la qualité du traitement des incidents le cas échéant rencontrés[45].

Ainsi, le calcul de l’amende CJIP intégrera deux paramètres atténuants potentiels liés à la « pertinence des investigations internes » et aux « mesures correctives« [46]. La nouvelle architecture de la méthodologie de calcul de l’amende CJIP distingue mieux dans leur temporalité d’exercice ce temps aval qu’est le lancement d’une enquête interne en cas de soupçons d’infractions ou de manquements aux procédures (éventuellement suivie des actions correctrices nécessaires) de ce qui est exigé dans un temps amont (le déploiement d’un programme de conformité efficient, cf. supra). De fait, ces deux nouveaux critères sont étroitement liés dès lors que l’absence d’enquête interne peut expliquer l’absence de mesures correctives et, vice versa. La Banque Mondiale fait d’ailleurs ce lien dans ses guidelines, évoquant ces deux exigences (« Investigating Procedures » et « Respond« ) sous une même rubrique « Remediate Misconduct« [47].

S’agissant du premier critère, le PNF « attend de la personne morale qu’elle ait activement participé ou souhaite participer à la manifestation de la vérité au moyen d’une enquête interne sur les faits, sur les personnes impliquées et, le cas échéant, sur les dysfonctionnements du système de conformité qui en ont favorisé la commission« [48]. Il n’est pas inintéressant de relever la mise à jour par le Department of Justice américain, en mars 2023, de sa doctrine de 2019 sur l’évaluation des programmes de conformité, dans laquelle le DoJ énonce notamment : « Another hallmark of a compliance program that is working effectively is the existence of a well-functioning and appropriately funded mechanism for the timely and thorough investigations of any allegations or suspicions of misconduct by the company, its employees, or agents. An effective investigations structure will also have an established means of documenting the company’s response, including any disciplinary or remediation measures taken« [49].

S’agissant du second critère, le guide AFA-PNF de mars 2023 sur les enquêtes internes anticorruption invite certes les entreprises et leurs dirigeants à engager rapidement des investigations internes en présence de suspicions de cas de corruption[50] ou de violations des procédures éthiques (évoquant même le caractère « stratégique » de la décision de diligenter une telle enquête)[51], mais encourage également à corriger sans délai les déviations ou dysfonctionnements identifiés à la suite d’une enquête[52]. Déjà dans ses recommandations de janvier 2021, l’AFA faisait de la « remédiation » l’un des piliers de la gestion des risques de corruption dans les entreprises (avec la prévention, la détection et le contrôle)[53], alors même que la remédiation ne figure pas, comme telle, parmi les composantes constitutives d’un dispositif anticorruption énoncées dans la loi Sapin 2. Là encore, relevons le parallèle avec la doctrine du DoJ qui publiait concomitamment une version actualisée de ses guidelines relatives à l’application du FCPA et à sa politique en matière de DPA, insistant sur la remédiation et le renforcement des programmes de conformité en place[54].

Néanmoins, ces deux nouveaux facteurs minorants ne sont-ils pas redondants avec le facteur aggravant évoqué supra, dès lors qu’ils se révèlent intrinsèquement liés à la qualité du programme de conformité en place, a fortiori depuis que le PNF et l’AFA considèrent que l’enquête interne anticorruption, dont dépendent nécessairement les actions correctrices éventuelles, fait « partie intégrante du dispositif anticorruption« [55] ? Ainsi, s’agissant du second facteur, « l’adoption rapide de mesures correctives destinées à renforcer la qualité et l’effective du programme de conformité » sera vue comme une circonstance favorable au stade de l’appréciation de la « bonne foi« , prérequis déterminant et protéiforme exigé pour envisager une CJIP [56]. S’agissant du premier facteur et suivant la même philosophie, le PNF précise que « la production d’un rapport d’enquête interne constitue […] un indice de la solidité du dispositif de conformité anticorruption de la personne morale, que le parquet devra apprécier avec le soutien de l’AFA« [57]. Dans les deux cas, on observe le lien fait avec la qualité du programme de conformité en place.

Allant plus loin, pour les entreprises assujetties à la loi Sapin 2, le PNF considère qu’il appartient à leurs dirigeants « de prendre, dès qu’ils ont eu connaissance de faits de corruption commis au sein de leur structure, les mesures correctives nécessaires pour renforcer l’effectivité du programme [anticorruption]« [58]. Extra legem, cette attente est présentée comme le prolongement de l’obligation personnelle qui leur incombe, au titre du I de l’article 17 et de « l’engagement de l’instance dirigeante » évalué par l’AFA lors de ses contrôles, de veiller à ce que l’entreprise qu’ils dirigent s’est dotée des outils appropriés pour prévenir la corruption. Ce que semble dire le PNF c’est que le traitement pénal des faits, par la CJIP ou non, n’exonère pas les organisations de les traiter elles-mêmes ; qu’il attend d’elles une réaction face aux incidents, réaction dont elles doivent pouvoir justifier, et dont l’absence, le manque de pertinence ou le caractère tardif leur sera reproché, par la privation du bénéfice d’un facteur minorant, induisant ipso facto une aggravation de l’amende CJIP.

2.2. La prévention du renouvellement des faits affirmée comme dimension incontournable d’une CJIP qui marche sur deux pieds

Ces attentes plus explicites mais aussi plus élevées du PNF concernant la remédiation traduisent bien un approfondissement du paradigme posé par la loi Sapin 2, en cohérence avec l’approche qui est celle de l’AFA lors de ses contrôles, très attachée à l’effectivité des procédures en place, à leur potentiel détectif ou mélioratif[59]. La remédiation, son existence même, sa justesse et son efficacité préventive pour l’avenir seront appréciées de manière concrète par le parquet, donc par l’autorité pénale, et, affirmé comme tel, c’est nouveau dans le domaine de la CJIP.

Au travers de son alliage inédit de compliance et de répression[60], la CJIP permet de punir, avec l’amende CJIP qui en est la partie visible, mais aussi d’inviter à la réhabilitation en demandant à l’entreprise de prendre des engagements, avec cette sorte de peine de conformité qu’est le monitoring. La CJIP n’a pas été conçue uniquement pour accélérer le traitement des affaires pénales financières complexes mais également comme un dispositif incitatif à la remédiation. Comme un moyen de pression pour faire changer les entreprises à l’avenir. C’est là la dimension qu’accentue ici le PNF. Avec ses nouvelles lignes directrices – et s’adressant aussi sans doute, par-là, aux contempteurs de ce mécanisme de justice négociée -, il réaffirme qu’au-delà du règlement du litige individuel (et de la sanction du manquement[61]), la CJIP a aussi une utilité sociale en prévenant le renouvellement des faits[62] : avec le monitoring donc, et désormais aussi avec l’amende CJIP, soit le constituant punitif de la CJIP, qui intégrera cette exigence au stade du calcul de l’amende, et même comme critère d’entrée en négociation de CJIP.

Cette nouvelle approche fait écho, du reste, aux déclarations de l’ancien directeur de l’AFA lors de la conférence de présentation des nouvelles lignes directrices du PNF le 16 janvier 2023, qui militait pour que les CJIP intègrent davantage – sinon systématiquement – une obligation de mise en conformité (combinée à l’amende), allant jusqu’à suggérer aux entreprises ayant conclu une CJIP de voir les monitorings de l’AFA non comme une contrainte (celle de subir un contrôle administratif d’une agence qui n’est pas réputée pour sa souplesse d’esprit et sa mansuétude) mais comme une opportunité, celle de se donner les moyens de s’engager dans « une démarche préventive renforcée, le cas échéant, par un programme de mise en conformité« [63]. Une finalité préventive (en amont mais aussi en aval des faits) qui n’a jamais vraiment été un angle mort de la CJIP mais qui est réaffirmée, ou plutôt repositionnée, comme l’un de ses buts principaux, au-delà de la sanction elle-même[64].

Plus généralement, se déploie sans le dire vraiment un mouvement de pénalisation de la conformité : pénalisation en ce qu’elle traduit une démarche d’intégration de plus en plus importante de la compliance (le respect ou non de l’article 17) dans le champ pénal, mais pénalisation aussi dans son acception de peine (ou de sanction), puisque le non-respect de l’exigence légale de conformité sera pénalisé, ici dans la CJIP, soit par le refus pur et simple du bénéfice d’une CJIP, soit par l’aggravation de l’amende CJIP. Plus qu’avant, pour obtenir une CJIP – et l’obtenir à des conditions qui ne soient pas repoussantes -, les entreprises devront démontrer que la survenance des faits n’est pas imputable à des fragilités structurelles ou organisationnelles de l’entité ; et l’on perçoit immédiatement comment la conformité peut devenir un argument de défense pénale.

L’on se souvient à cet égard de la proposition de loi Gauvain déposée en octobre 2021, qui souhaitait assouplir les conditions de mise en jeu de la responsabilité pénale de la personne morale[65] en étendant cette responsabilité au cas où le « défaut de surveillance » par la personne morale aurait conduit à la commission d’une ou plusieurs infractions par un salarié[66]. En dépit d’une formulation floue qui rendait la proposition périlleuse et critiquable, un tel ajout signalait déjà une tendance nouvelle à la pénalisation de la conformité ou, plus exactement, du défaut de conformité. La formulation choisie faisait ainsi clairement écho au concept britannique – novateur – de « failure to prevent« . Avec ses nouvelles lignes directrices sur la CJIP, le PNF assume de prendre en compte, soit favorablement, soit défavorablement, le niveau de compliance des entreprises et, plus encore, leur engagement dans la prévention du risque pénal. Va-t-on alors vers la création d’une infraction pénale dédiée qui sanctionnerait le défaut de déploiement de programmes de conformité suffisamment robustes ?

[1]      Et même au-delà. Voir lois n° 2018-898 du 23 octobre 2018 et n° 2020-1672 du 24 décembre 2020.

[2]      Voir aussi Nouvelles lignes directrices CJIP : « apporter plus de transparence, de lisibilité et de prévisibilité », interview de M. Jean-François Bohnert, procureur de la République financier, Dalloz Actualité, 18 janvier 2023.

[3]     Foreign Corrupt Practices Act de 1977. Qui, à l’instar de la loi brésilienne et du décret italien 231, encourage les entreprises à implanter un programme de conformité en leur promettant un crédit conduisant à une réduction de l’amende encourue en cas de faits de corruption.

[4]      UK Bribery Act 2010. Qui crée un délit de non prévention de la corruption via une responsabilité de plein droit de l’entreprise en cas de corruption commise par l’un de ses employés ou agents, à l’égard duquel l’entreprise peut, comme moyen de défense, prouver qu’elle avait mis en place les mesures de prévention nécessaires.

[5]      Voir F. Pillet, rapport n° 712 fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi Sapin 2, 22 juin 2016, p. 65 : « L’objectif recherché est […] d’exiger des grandes entreprises de nouvelles obligations de vigilance à l’égard du risque de corruption« .

[6]      Il était déjà remarquable de noter la privatisation d’une mission originellement dévolue aux acteurs publics, par la délégation aux acteurs économiques de l’exercice de prévention d’actes de corruption, et l’on avait à l’époque relevé l’émergence d’un droit pénal préventif. L’exposé des motifs du projet de loi Sapin 2 évoquait une « obligation générale de conformité anticorruption« .

[7]      Mais aussi en créant à l’article 131-39-2 du Code pénal une peine complémentaire de mise en conformité (PPMC) qui apparaît n’avoir jamais été prononcée à ce jour selon les déclarations de l’ancien directeur de l’AFA lors de la conférence de présentation des nouvelles lignes directrices du PNF le 16 janvier 2023.

[8]      F. Fourment, L’avocat et la contractualisation du procès pénal, Droit pénal, n° 5, mai 2021, dossier 10 : « Contractualiser le procès pénal, c’est faire de la peine, ou de l’action y tendant, l’objet d’un accord de volontés entre deux parties, le ministère public et la personne mise en cause« . Cette forme de transaction pénale qu’est la CJIP correspond à cette définition dès lors que la CJIP même, mais aussi et surtout son contenu et ses modalités d’exécution (montant de l’amende et inclusion ou non d’un monitoring par exemple), sont discutés entre le parquet et la personne morale.

[9]      Plus que de remise en état.

[10]    Avec l’effet extinctif qu’elle comporte. Article 41-1-2, IV, du Code de procédure pénale : « L’exécution des obligations prévues par la convention éteint l’action publique« . Article R. 15-33-60-7 du même Code : « Ce service [chargée du contrôle de l’obligation de mise en conformité] rend compte au procureur de la République, à sa demande et au moins annuellement, de la mise en œuvre du programme. Elle l’informe de toute difficulté. Elle lui communique, en outre, un rapport à l’expiration du délai d’exécution de la mesure« . Guide publié par l’AFA en avril 2019 sur le contrôle des mesures judiciaires, selon lequel l’AFA remet au parquet, à l’issue du monitoring, un « rapport final« , « mettant en lumière l’atteinte ou non des objectifs fixés par l’AFA lors de l’audit initial, en application de la [CJIP] » (p. 4).

[11]    On rappellera que la compliance repose sur un système d’autorégulation de leur activité et de leur fonctionnement par les entreprises, dans lequel les pouvoirs et régulateurs publics ne font que surveiller la manière dont les opérateurs privés se conforment par eux-mêmes aux obligations que posent la loi. Voir A. Mignon Colombet, La self-defense des entreprises, in A. Garapon et P. Servan-Schreiber (dir.), Deals de justice. Le marché américain de l’obéissance mondialisée, PUF, 2013, p. 79 et s. Un auteur a parlé de capacité des entreprises « à s’autopolicer« . B. Fasterling, Criminal compliance, Les risques d’un droit pénal du risque, RID éco. 2016, p. 217.

[12]    Que la personne morale signataire de la CJIP soit ou non soumise à l’article 17 d’ailleurs.

[13]    Dite d’intérêt public.

[14]    Article 41-1-2, I, 1° du Code de procédure pénale : « Le montant de [l’amende d’intérêt public] est fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements« . A fortiori depuis que le PNF a fait savoir qu’il prendrait en compte le chiffre d’affaires consolidé du groupe. Voir lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 13.

[15]    Pour le détail des modalités de calcul de l’amende CJIP, voir lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 13 à 16.

[16]    Et dans quelle proportion le cas échéant.

[17]    Le PNF a en effet établi une liste d’une vingtaine d’indicateurs en fonction desquels la part « afflictive » donc le quantum global de l’amende CJIP sera susceptible de varier (chaque critère étant associé à un coefficient). Des critères qui pour la plupart sont issus de la pratique car ayant été expérimentés dans plusieurs des CJIP conclues par le PNF à date.

[18]    La cosignature par le PNF et l’AFA du récent guide sur les enquêtes internes anticorruption de même que le protocole de coopération établi par les deux autorités en mars 2018 illustrent que le PNF et l’AFA voient un lien étroit entre leurs missions respectives de prévention et de répression.

[19]    Lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 16. Ce critère est associé à un potentiel d’aggravation de l’amende de 20 %.

[20]    Il n’était pas innocent de regrouper sous un même chapitre III, dans le corps de la loi Sapin 2, les dispositions de l’article 17 et celles relatives à la CJIP. La circulaire du Ministère de la Justice du 2 juin 2020 dit bien le caractère bicéphale de l’édifice anticorruption français : « Ce volet répressif [avec notamment la création du PNF et de l’OCLCIFF] a ensuite été complété par la consécration dans la loi d’un volet préventif dont il est résulté la création de l’AFA et la possibilité pour l’autorité judiciaire de prononcer des peines de mise en conformité » (p. 3).

[21]    Le champ d’application a depuis été élargi notamment à la fraude fiscale et à la matière environnementale.

[22]    UK Bribery Act 2010, section 7 « Failure of commercial organisations to prevent bribery » : « A relevant commercial organisation (“C”) is guilty of an offence under this section if a person (“A”) associated with C bribes another person intending (a) to obtain or retain business for C, or (b) to obtain or retain an advantage in the conduct of business for C. But it is a defence for C to prove that C had in place adequate procedures designed to prevent persons associated with C from undertaking such conduct« . Lignes directrices françaises visant à renforcer la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales, mars 2015, p. 35 : « Le UKBA est la première loi qui insiste sur la prévention de la corruption au sein des entreprises au point d’en sanctionner le défaut par l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale« .

[23]    Il n’est pas inintéressant d’observer que la position du PNF, tendant à punir l’insuffisance de conformité, s’inscrit semble-t-il en porte-à-faux avec sa propre pratique : avec la CJIP Idemia du 20 juin 2022 en effet, le PNF avait pris en compte comme facteur minorant de l’amende CJIP (donc par une démarche de valorisation de la conformité et non de sanction de la non-conformité) le renforcement par l’entité de son programme de conformité, sous la supervision de la Banque Mondiale.

[24]    Typiquement, une entreprise de taille intermédiaire qui se serait dotée de procédures anticorruption bien que n’étant pas soumise à la loi Sapin 2. Voir précédentes lignes directrices PNF-AFA du 16 juin 2019, p. 13.

[25]    Notons néanmoins que ce critère reste apprécié par le PNF au stade de l’évaluation de l’opportunité d’entrer en discussion de CJIP. Voir lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 9.

[26]    Étant précisé que d’expérience celle-ci relève quasi systématiquement au moins un manquement lors de ses contrôles, en tout cas initiaux.

[27]    Article 17, I, de la loi Sapin 2 : « […] mesures destinées à prévenir et à détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence« .

[28]    Et qui couvrirait par exemple la prévention de la fraude ou l’anti-blanchiment. De la RSE au RGPD en passant par le devoir de vigilance, le sujet de la conformité dépasse largement celui de l’anticorruption.

[29]    CJIP du 17 janvier 2022.

[30]    Lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 16. Ce critère est associé à un potentiel d’aggravation de l’amende de 20 %.

[31]    Ibid., p. 16. Avec un potentiel minorant de 10 %. On sait le PNF attaché à la protection des lanceurs d’alerte et au potentiel détectif des alertes internes. La circulaire du Ministère de la Justice du 2 juin 2020 précisait que « les signalements émanant de [lanceurs d’alerte] devront faire l’objet d’une attention et d’un suivi particuliers » (p. 8). Voir aussi p. 8 du guide AFA-PNF sur les enquêtes internes anticorruption.

[32]    Article 17, II, 2° de la loi Sapin 2.

[33]    Article 8, I, A, 3° de la loi Sapin 2.

[34]    À l’inverse de ce qu’il en est des entreprises soumises à l’article 17, dont le dispositif d’alerte est évalué par l’AFA lors de ses contrôles.

[35]    Notamment à l’aune des exigences du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022.

[36]    Lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 10 : « 2.1.4. L’appréciation de l’existence de mesures et procédures visant à prévenir la corruption« .

[37]    Ibid., p. 11.

[38]    Ibid., p. 11.

[39]    Ibid., p. 11.

[40]    Ou, plus exactement, « l’opportunité« . Voir lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 18.

[41]    Dans son rapport d’activité 2021, l’AFA précisait avoir procédé depuis 2017 à 9 examens préalables dans le cadre de discussions CJIP.

[42]    Article 41-1-2, I, 2° du Code de procédure pénale : « Se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l’Agence française anticorruption, à un programme de mise en conformité destiné à s’assurer de l’existence et de la mise en œuvre en son sein des mesures et procédures énumérées au II de l’article 131-39-2 du Code pénal« . La formulation choisie (parlant de « mise en œuvre« ) est large et imprécise, et viser le renforcement des procédures existantes eut sans doute été plus clair pour souligner les progrès dans l’effort de prévention attendus d’un tel monitoring. Voir aussi circulaire du Ministère de la Justice du 31 janvier 2018, p. 10 : la CJIP « présente une importante singularité par rapport aux autres mesures alternatives aux poursuites puisqu’elle permet de s’assurer, par l’intermédiaire du programme de mise en conformité effectué sous le contrôle de l’AFA, que la personne morale se dote d’un système efficace destiné à prévenir la réitération de faits similaires« .

[43]    Qui est précisément d’accompagner les entreprises n’étant pas suffisamment outillées dans un processus d’amélioration de leur programme de conformité, sous la supervision bienveillante de l’AFA, avec en ligne de mire le souci d’éviter le renouvellement des faits et comme couperet le risque de la rupture de la CJIP en cas d’efforts insuffisants.

[44]    La circulaire du 31 janvier 2018 distinguait bien les deux objets distincts de l’amende CJIP et du monitoring : « L’existence ou la mise en place après les manquements de programmes [anticorruption] sera principalement pris en compte non par une diminution de l’amende mais pas un coût réduit du programme de mise en conformité, qui constitue l’autre volet de la [CJIP] « . Voir circulaire du Ministère de la Justice du 31 janvier 2018, p. 17.

[45]    Ce que la circulaire du 31 janvier 2018 recommandait déjà. Voir p. 17 : « Vous pourrez également prendre en compte toute circonstance propre à la personne morale en cause, notamment les mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés […] ainsi que pour éviter toute réitération du manquement« .

[46]    Lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 16. Chacun de ces critères est associé à un potentiel de réduction de l’amende de 20 %, soit 40 % au total. La pertinence de l’enquête interne conduite avait été valorisée dans la CJIP Unilabs du 8 décembre 2022 notamment.

[47]    World Bank Group Integrity Compliance Guidelines, p. 4.

[48]    Une exigence qui résultait déjà des précédentes lignes directrices en des termes quasi identiques. Le PNF indiquait attendre « de la personne morale qui souhaite bénéficier d’une CJIP qu’elle ait elle-même activement participé à la manifestation de la vérité au moyen d’une enquête interne ou d’un audit approfondi sur les faits et dysfonctionnements du système de conformité qui en ont favorisé la commission« . Voir p. 9. Mais le PNF se faisait alors plus silencieux s’agissant des conséquences à tirer par l’entreprise de l’enquête interne conduite, notamment quant aux actions correctrices sur lesquelles celle-ci pouvait (ou devait) déboucher. L’exigence de la définition de mesures correctives n’était visée qu’au titre des facteurs minorants, sans plus de détails, étant fondue au sein d’un facteur plus large comportant aussi la mise en œuvre d’un programme de conformité « effectif« . Voir précédentes lignes directrices PNF-AFA du 16 juin 2019, p. 13. Il n’était au demeurant pas anodin d’avoir fait de ces deux critères (l’existence d’un programme et les mesures correctives de ce programme) un seul et même facteur.

[49]    DoJ, Evaluation of Corporate Compliance Programs, mars 2023, p. 16, « Investigation on Misconduct« .

[50]    Même si on comprend que l’enquête interne n’a pas per se vocation à se limiter à la corruption.

[51]    Guide AFA-PNF sur les enquêtes internes anticorruption, 14 mars 2023, p. 16.

[52]    Ibid., p. 35 : « Au-delà des éventuelles suites judiciaires ou disciplinaires […], l’enquête interne a pu mettre en lumière des dysfonctionnements du dispositif anticorruption de l’entreprise nécessitant une mise à jour de ce dernier afin de limiter l’impact et l’occurrence de tels dysfonctionnements à l’avenir. […] Lorsque l’enquête interne aboutit à détecter ou à corroborer des faits d’atteintes à la probité, il est impératif que le responsable de la fonction conformité examine les besoins d’amélioration […], afin de prévenir la réitération de faits similaires« .

[53]    § 338 des recommandations de l’AFA du 12 janvier 2021 : « Les manquements liés à la mise en œuvre des procédures – et potentiellement signalés par les contrôles et audits – sont analysés afin d’en identifier l’origine et d’y remédier« . Voir aussi § 318 : « Afin de s’assurer de l’adéquation et de l’efficacité des mesures et procédures [de son dispositif anticorruption], l’entreprise développe un dispositif de contrôle et d’évaluation interne […]. Ce dispositif répond à quatre objectifs [parmi lesquels :] identifier et comprendre les manquements dans la mise en œuvre des procédures, définir des recommandations ou autres mesures correctives adaptées, si nécessaire, en vue d’améliorer l’efficacité du dispositif anticorruption« .

[54]    DoJ, Criminal Division Corporate Enforcement and Voluntary Self-Disclosure Policy, janvier 2023, p. 4, « Timely and Appropriate Remediation« . Voir aussi DoJ, Evaluation of Corporate Compliance Programs, mars 2023, p. 18, « Analysis and Remediation of Any Underlying Misconduct » : « A hallmark of a compliance program that is working effectively in practice is the extent to which a company is able to conduct a thoughtful root cause analysis of misconduct and timely and appropriately remediate to address the root causes« .

[55]    Guide AFA-PNF sur les enquêtes internes anticorruption, 14 mars 2023, p. 6. Les lignes directrices de 2019 récompensaient un « programme de conformité effectif » ainsi que la « mise en œuvre de mesures correctives« . Ce lien fait entre le caractère « effectif » d’un programme de conformité et la définition d’actions correctrices n’était pas inintéressant en tant qu’il montrait que déjà le PNF et l’AFA voyaient la seconde comme la résultante du premier, sinon comme l’une de ses composantes nécessaires.

[56]    Guide AFA-PNF sur les enquêtes internes anticorruption, p. 9. De même que « l’adaptation de la stratégie du groupe aux risques identifiés« , qui traduit une attente complémentaire.

[57]    Lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 29.

[58]    Ibid., p. 10.

[59]    Selon l’AFA, une cartographie des risques a ainsi peu d’intérêt si elle n’est pas accompagnée d’un plan d’action destiné à résorber les zones de risques identifiées. Même chose d’un audit qui ne serait pas suivi d’un audit de suivi pour vérifier que les points problématiques relevés ont été corrigés.

[60]    Voir à cet égard la note sur « la pratique de la CJIP » publiée par le PNF sur son site internet et actualisée en juillet 2022, dans laquelle le PNF explique qu’au titre des « forces de la CJIP » figure « une sanction qui présente un aspect répressif par le paiement d’une amende d’un montant important et préventif par la possibilité d’imposer un programme de mise en conformité à l’entreprise« .

[61]    Rappelons, pour être exhaustif, qu’indépendamment de l’amende et de l’éventuel monitoring, la CJIP prévoit aussi l’indemnisation des victimes.

[62]    Ce qu’on voyait déjà en droit pénal au travers d’autres mécanismes tels que le sursis avec mise à l’épreuve ou la dispense de peine.

[63]    Lignes directrices du PNF du 16 janvier 2023, p. 5.

[64]    Ibid., p. 4 : la CJIP « contribue également à l’absence de réitération par ses exigences de progrès dans la conformité de l’entreprise« . Au sujet de la PPMC dont la finalité est la même que celle d’un monitoring CJIP, la doctrine a pu dire qu’elle constituait un « instrument de prévention inédit » répondant à la « nécessité de prévenir la réitération des faits de corruption« . Voir M. Segonds, Corruption, Les apports de la loi du 9 décembre 2016 à l’anticorruption, Droit pénal, n° 2, février 2017, étude 4.

[65]    Déjà interprétées avec une plus grande souplesse. Voir Cass. crim., 16 juin 2021, n° 20-83.098.

[66]    Article 8 de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la corruption présentée par le député Raphaël Gauvain le 19 octobre 2021, n° 4586.

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