Contentieux du Mediator : un lien de causalité sous les projecteurs et une faute tapie dans l’ombre
L’arrêt du 20 septembre 2017 nous livre trois enseignements : d’une part, le Mediator est à l’origine de la pathologie invoquée par la demanderesse ; d’autre part, l’exonération pour risque de développement ne pouvait être utilement invoquée par le laboratoire l’ayant commercialisé ; plus généralement, pour engager sa responsabilité du fait des produits défectueux, le juge civil n’était pas tenu de surseoir à statuer dans l’attente du jugement répressif. Pourtant, ces trois leçons ne s’imposent pas avec la force de l’évidence et invitent à la discussion.
Cass. 1re civ., 20 sept. 2017, no 16-19643, PB
C’est une décision particulièrement riche que la première chambre civile de la Cour de cassation a rendue le 20 septembre 2017. Dans cet arrêt de rejet publié au bulletin, il n’aura pas fallu moins de quatre attendus et deux chapeaux intérieurs pour permettre à la Cour de retenir la responsabilité civile du laboratoire ayant commercialisé du benfluorex, plus connu sous l’appellation de « Mediator ».
Nous sommes entre 2006 et 2009 lorsqu’une patiente se voit prescrire la molécule pour traiter son hypertriglycéridémie. À la suite de divers signalements relatifs au Mediator, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)1 a décidé en 2010 de son retrait du marché et procédé à l’envoi de courriers d’information aux patients concernés. C’est dans ce contexte que la demanderesse a fait procéder à une échographie cardiaque, laquelle a révélé l’existence d’une double valvulopathie. En quête d’indemnisation2, la patiente saisit la juridiction civile puis parallèlement, l’ONIAM.
La cour d’appel de Versailles, approuvée par cet arrêt de la Cour de cassation, admet l’indemnisation. C’est sans difficulté (apparente du moins, nous y reviendrons) que rappelant la loi du 5 mars 20073, elles ont balayé d’un revers de main la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale : la responsabilité du laboratoire étant recherchée du fait de la défectuosité et non de la faute, les instances pénale et civile seraient, à en croire les juges, indépendantes l’une de l’autre4. Le sursis écarté, encore fallait-il aux deux cours, surmonter deux obstacles afin d’établir la responsabilité du fait du défaut du médicament : l’établissement du lien de causalité (I) et l’éviction de l’exonération pour risque de développement (II).
I – L’établissement du lien de causalité
Exposé. La responsabilité du fait des produits défectueux des articles 1245 et suivants du Code civil (anciens articles 1386 et suivants) suppose que soient établis le fait générateur (à savoir la défectuosité du produit), le préjudice souffert par la victime et le lien de causalité qui les unit. Dans l’affaire du Mediator, la défectuosité est avérée : il est certain que le médicament commercialisé était de nature à entraîner des troubles cardiaques5. C’est la question du lien de causalité qui a davantage suscité la controverse6. Dans notre affaire, l’incertitude tenant à la causalité n’était pas générale mais casuistique : les préjudices dont souffrait la demanderesse avaient-ils réellement leur source dans la prise du Mediator7 ? C’est donc cette causalité factuelle qu’il revenait au juge d’établir8.
Afin d’en établir la preuve, c’est-à-dire l’imputabilité de la pathologie cardiaque à la prise du médicament, les demandeurs s’estimant victimes du benfluorex disposent depuis la loi du 29 juillet 2011 de deux voies qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre, l’une judiciaire, l’autre devant l’ONIAM9. Dans l’affaire commentée, la demanderesse les a toutes deux utilisées. D’abord la voie judiciaire avec expertise médicale effectuée en présence de la patiente, dont le rapport concluait à une causalité plausible tout en précisant qu’il n’était pas possible de retenir « une imputabilité directe et certaine ». Ensuite la voie amiable avec une expertise auprès du Collège d’experts de l’ONIAM retenant l’origine médicamenteuse pour expliquer l’atteinte cardiaque.
Critique. Tenant compte des deux expertises, la Cour retient, à la suite de la Cour d’appel, l’existence de « présomptions graves, précises et concordantes »10 permettant de retenir l’imputabilité de la pathologie au Mediator au motif que « si l’expert judiciaire a conclu à une causalité seulement plausible, le collège d’experts placé auprès de [l’ONIAM] (…) s’est ensuite (…) prononcé en faveur d’une imputabilité de l’insuffisance aortique à la prise de Mediator (…) ». Ce raisonnement est également étayé par une interprétation chronologique de la procédure et de l’évolution des connaissances scientifiques. Si ces outils juridiques et ces modes de raisonnements sont familiers au droit de la responsabilité civile, leur mise en œuvre dans l’espèce commentée interpelle. Trois éléments sont en effet susceptibles de retenir l’attention du lecteur.
D’abord, le caractère « concordant » des présomptions surprend. Rappelons que la Cour disposait de deux rapports d’expertise distincts pour forger sa conviction. Le premier, celui de l’expert judiciaire concluait « à une causalité seulement plausible » ; le second, celui du collège d’experts de l’ONIAM se prononçait en faveur « d’une imputabilité de l’insuffisance aortique à la prise de Mediator ». Aussi, si le premier laisse planer un doute, le second est beaucoup plus catégorique. Curieusement c’est après avoir mis en exergue ces divergences que la Cour de cassation reconnaît l’existence de présomptions concordantes. Autrement dit, la concordance des éléments de preuve ne doit pas s’entendre d’une parfaite coïncidence mais peut se limiter à une simple convergence.
Ensuite, l’arrêt invite à s’intéresser plus spécifiquement aux deux types d’expertises11. Étaient en balance, d’une part, une procédure d’expertise judiciaire, impliquant un examen du dossier du patient mais également un examen médical de ce dernier, le tout étant soumis au contradictoire des parties ; d’autre part, une procédure d’indemnisation amiable incluant une expertise uniquement sur pièces. Au regard du raisonnement de la Cour de cassation, la seconde l’a emporté sur la première : l’enchaînement chronologique des expertises − et donc le critère temporel −, semblant déterminant, l’expertise la plus récente serait la plus révélatrice. Pourtant, eu égard à la différence structurelle existant entre les deux types d’expertise, on aurait pu penser qu’il eut fallu les hiérarchiser. Ce réflexe paraît d’autant plus légitime que cette procédure amiable, qui se veut rapide et peu coûteuse, n’est pas sans soulever certaines critiques. Celle-ci a dernièrement été particulièrement décriée à la suite du rapport12 de la Cour des comptes paru en février 2017 qui dénonçait une mise en œuvre « dévoyée » de ce système et en prônait « une remise en ordre impérative ». La ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait en outre confié une mission13 à l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) afin de déterminer les progrès attendus de l’ONIAM. Pourtant, ces résolutions semblent être restées lettre morte alors même que ce récent arrêt démontre l’importance et l’influence que peut revêtir cette procédure sur l’issue du procès14. L’expertise la plus favorable n’est pas forcément la plus fiable !
De façon plus générale, c’est la légitimité de l’ascendant donné à la procédure ONIAM sur la procédure judiciaire qui pose question. Si le juge se doit de forger son intime conviction à la lumière des différents éléments qui se présentent à lui, sans avoir à s’expliquer spécialement sur ceux qu’il écarte15, serait-il en mesure de choisir les éléments les plus favorables pour favoriser l’indemnisation16 ? L’absence de toute systématisation dans l’appréciation des résultats d’expertise est-elle à encourager ? Rien n’est moins sûr, à tout le moins si l’on s’en tient à des considérations de sécurité juridique. C’est pourtant bien vers une flexibilité juridique accrue que l’on se dirige, notamment en matière d’affaires de santé17. Si l’on se place du côté de l’industrie pharmaceutique, le principe de sécurité juridique n’est donc pas des plus effectif lorsqu’il s’agit de trancher la causalité en matière de médicaments. Pourtant, la mise en place d’une certaine rationalisation de l’analyse de la causalité ne semble pas totalement exclue en l’état actuel du droit18.
Une telle approche, qui permet une meilleure prévisibilité juridique, serait peut-être le juste milieu qui permettrait à la fois de prendre en compte les impératifs d’indemnisation des patients mais également les impératifs de prévisibilité économique permettant aux acteurs du monde de la santé de poursuivre leurs activités de recherche et de développement19 dont, in fine, ce sont bien les patients qui bénéficient.
II – L’éviction de l’exonération pour risque de développement
Exposé. Après bien des atermoiements20, le législateur a consenti à ériger le risque de développement en cause d’exonération de la responsabilité du producteur21. L’ignorance invincible de l’existence du défaut au jour de la commercialisation du produit exclut la responsabilité.
En l’espèce, entre 2004 et 2006, c’est-à-dire au moment de la délivrance des boîtes de médicament à la demanderesse, le laboratoire était-il effectivement en mesure de déceler le défaut ? L’état des connaissances scientifiques et techniques lui permettait-il à cette époque de connaître cette défectuosité ?
Pour répondre par l’affirmative, deux éléments semblent déterminants aux yeux des juges. Le premier est un élément pharmacologique : « la similitude du benfluorex avec d’autres médicaments qui, ayant une parenté chimique et un métabolite commun, ont été, dès 1997, jugés dangereux ». On pressent, eu égard à la nature technique et complexe du débat scientifique, que les juges aient été contraints, comme souvent, de s’appuyer sur des expertises hors de leur champ de compétence pour étayer leur conviction22.
Le second est un élément issu de l’évolution commerciale et de la pharmacovigilance du médicament : sont pris en compte les différents signalements de cas d’hypertensions artérielles pulmonaires et de valvulopathies associées à l’usage du benfluorex, mis en évidence par des études internationales et par la mise sous surveillance dans d’autres pays européens du médicament. Ces éléments sont issus du rapport de synthèse de l’enquête sur le Mediator menée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS)23 en janvier 2011. Comme l’ont déjà fait certains auteurs, on peut constater que les « petites sources du droit »24 exercent une influence non seulement réelle mais aussi décisive sur la jurisprudence.
Critiques. Rappelons-le, « l’admission en définitive du risque de développement comme cause d’exonération a été justifiée par la volonté de préserver la compétitivité des entreprises françaises par rapport à leurs concurrentes européennes et par le souci de ne pas freiner la recherche et l’innovation des entreprises »25.
En l’espèce, que nous dit la cour d’appel, implicitement approuvée par la Cour de cassation ? Que la similitude du benfluorex avec des médicaments jugés dangereux et retirés du marché « ne permettait pas d’exclure, même à l’époque que cette molécule (…) pût être à l’origine de risque de lésions cardio-vasculaire analogues ». C’est alors un raisonnement par la négative qui est consacré par les juges du fond. Mais en pratique, est-il réellement possible d’exclure totalement un risque ? La prise de médicament n’est-elle pas, par essence risquée, si bien que les laboratoires pharmaceutiques seraient systématiquement privés de cette cause d’exonération ? Si telle est la conclusion à tirer de cette saga jurisprudentielle, la volonté initiale du législateur de ne pas freiner la recherche et l’innovation serait mise à mal par la pratique judicaire. Le principe de précaution atteint ici un paroxysme qui ne laisse guère de place à l’innovation.
On peut alors s’interroger sur l’opportunité de maintenir une exonération qui est si sévèrement appréciée26. C’est d’ailleurs en ce sens que le projet de réforme de la responsabilité civile, présenté le 13 mars 2017, s’oriente27, en supprimant cette exonération pour les produits de santé à usage humain (entendons par là les médicaments). De la sorte, le garde des Sceaux souhaitait « favoriser la réparation des dommages corporels des victimes d’accidents sanitaires collectifs » 28.
Un autre point de l’attendu est tout aussi alertant. Afin d’étayer l’exclusion de l’exonération, la Cour de cassation, ayant pris soin de démontrer la connaissance du risque au moment de la commercialisation, ajoute que, mis bout à bout, cela « aurait dû conduire la société à procéder à des investigations sur la réalité du risque, et, à tout le moins, à en informer les médecins et les patients ». Mais alors, n’est-ce pas un écart de conduite qui est reproché au laboratoire ? Qu’est-ce donc, sinon une faute, ou plutôt des abstentions fautives qui lui sont reprochées ? L’attendu ne se contente pas de pointer les défaillances du défendeur, il va jusqu’à retracer la conduite qu’il aurait dû adopter. La faute, chassée par la porte (au profit de la défectuosité)29, revient par la fenêtre, sous couvert du refus de l’exonération. Des auteurs avaient déjà laissé augurer que le spectre de la faute hantait la responsabilité du fait des produits défectueux, tant par le biais du risque de développement30 que par l’obligation de vigilance qui pèse sur les laboratoires de santé31. Mais alors, est-ce bien réellement une responsabilité sans faute que la Cour entend trancher ? C’est ce qu’elle affirmait dans le premier attendu, soulignant que c’est sur la défectuosité du Mediator que portaient les débats et justifiant ainsi que l’autorité du pénal sur le civil fut écartée. Pourtant, pour écarter l’exonération pour risque de développement, c’est bien une faute qu’a mise en évidence la première chambre civile, laquelle faute aurait pu (ou aurait dû ?) justifier la préséance du pénal. On touche alors aux limites du système32. Il est fort à craindre que le cantonnement de l’autorité du pénal sur le civil se meuve, en pratique, en une autorité du civil sur le pénal33. En reconnaissant que le laboratoire a commercialisé, en connaissance de cause, un médicament dont l’état des connaissances permettait de déceler le défaut, le juge civil semble empiéter sur l’appréciation qui devrait être du domaine réservé du juge répressif34. Reste à voir si le juge pénal poussera l’autonomie jusqu’à contredire les affirmations de la première chambre civile de la Cour de cassation… Mais alors, on peut douter qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice d’afficher une contradiction frontale dans une même affaire35.
Confrontés aux souffrances de demandeurs atteints de pathologies graves, on comprend que les juges soient enclins à faciliter l’indemnisation36. D’ailleurs, cette faveur pour le préjudice corporel irrigue le droit contemporain37, le projet de réforme établissant clairement une hiérarchisation des préjudices réparables. Pourtant, cet élan de compassion ne risque-t-il pas de remettre en cause les équilibres initiaux entre les intérêts en présence recherchés par le législateur ?
Notes de bas de pages
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1.
Devenue Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2011.
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2.
Outre la dimension pécuniaire, le procès civil revêt ici une dimension symbolique. En effet, le laboratoire a accepté, dès la connaissance du défaut, par la voix de son avocat d’indemniser tous les patients reconnus comme victimes.
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3.
CPP, art. 4, L. n° 2007-291, 5 mars 2007. Depuis cette loi, « le juge saisi d’une action à fins civiles n’est plus obligé d’attendre l’épilogue de l’action publique » : Tellier V., « En finir avec la primauté du criminel sur le civil », RSC 2009, p. 797, n° 5.
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4.
Viney G., Introduction à la responsabilité, 3e éd., n° 134. La nature des actions étant distinctes (l’une étant fondée sur une faute pénale, l’autre sur une responsabilité de plein droit), la Cour en déduit l’absence d’autorité du criminel sur le civil ce qui lui permet in fine d’écarter la règle « le criminel tient le civil en l’état ».
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5.
Dès lors, le contentieux se distingue ici nettement de nombre de contentieux médicaux où plane un doute sur l’existence même d’une causalité scientifique et donc d'un lien de causalité. Ainsi du vaccin contre l’hépatite B (v. « Contentieux de la vaccination contre l’hépatite B : quand l’incertitude juridique le dispute à l’incertitude scientifique », Borghetti J.-S., D. 2013, p. 2315 ; « Vaccinations contre l’hépatite B et sclérose en plaques : en cas de doute scientifique persistant, prière de s’adresser à la juridiction la plus proche ! », note sous Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-11073, CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 24 juill. 2009, n° 308876, CA Paris, 19 juin 2009, n° 06/13741 : RDC 2010, p. 79. De façon très convaincante, l’auteur se montrait critique quant à l’établissement de cette causalité abstraite : « le recours aux présomptions du fait de l’homme dans ce domaine ne marque donc pas la substitution d’une causalité juridique à une causalité scientifique, mais bien plutôt la substitution de la causalité scientifique des juristes à la causalité scientifique des médecins »).
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6.
Sur la question de la spécificité du lien causal en matière de produits de santé dangereux, v. not. Malaurie P., Aynès L. et Stoffel-Munck P., Droit des obligations, 9e éd., LGDJ, n° 306.
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7.
Cette incertitude du lien de causalité est fréquente en matière de médicaments : « la possibilité que la prise de médicament favorise l’apparition d’une certaine pathologie est parfois avérée, mais sans qu’il soit possible de savoir avec certitude quelle est la part prise par l’utilisation de ce médicament dans la survenance de la pathologie chez un malade donné », Borghetti J.-S., La responsabilité du fait des produits défectueux. Étude de droit comparé, 2004, LGDJ, n° 353.
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8.
Le contentieux Mediator a d’ailleurs été l’occasion pour la Cour de cassation d’inaugurer une causalité partielle dans une affaire récente : Cass. 1re civ., 25 fév. 2016, n° 15-11257 : RTD civ. 2016, p. 386, note Jourdain P. ; RCA 2016, comm. 161, obs. Bloch L.
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9.
L’article L. 1142-24-1 du Code de la santé publique dispose ainsi que : « Sans préjudice des actions qui peuvent être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices imputables au benfluorex est assurée dans les conditions prévues par la présente section. » L’article L. 1142-24-2 précise alors que : « Toute personne s’estimant victime d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex (…) peut saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (…) en vue d'obtenir la réparation des préjudices en résultant. »
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10.
C. civ., art. 1382, art. 1353 anc.
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11.
Sur l’importance de l’expertise en la matière, v. Lasserre V., Le nouvel ordre juridique – Le droit de la gouvernance, 2015, LexisNexis, n° 36 : « La causalité scientifico-juridique s’est imposée comme un enjeu majeur de la responsabilité environnementale et sanitaire faisant de l’expertise la pièce charnière du dispositif de protection des victimes ».
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12.
C. comptes, rapp. public annuel 2017, « L’indemnisation amiable des victimes d’accidents médicaux : une mise en œuvre dévoyée, une remise en ordre impérative », févr. 2017, https://prd.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/02-indemnisation-amiable-accidents-medicaux-Tome-1.pdf.
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13.
Ass. nat., commission des affaires sociales, compte-rendu de séance du mardi 21 févr. 2017 sous la présidence de Catherine Lemorton, audition de Sébastien Leloup pour sa désignation en tant que directeur général du CA de l’ONIAM, p. 5.
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14.
Pourtant, l’impact de la question de l’importance probatoire conférée à une expertise ONIAM revêt un enjeu particulier à l’heure où le dispositif d’indemnisation amiable des accidents dus au valproate de sodium (dépakine) se met en marche. V. sur ce point le communiqué de l’ONIAM sur le valproate de sodium et ses dérivés paru sur le site de l’ONIAM : http://www.oniam.fr/indemnisation-accidents-medicaux/communique-du-college-d-experts-benfluorex.
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15.
Par ex., Cass. com., 9 févr. 2010, n° 08-18067.
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16.
En faveur d’une clarification du rôle de l’expertise, v. not. Lasserre V., Le nouvel ordre juridique – Le droit de la gouvernance, op. cit., spéc. n° 38 : « en matière de responsabilité, les expertises sont créatrices de droit ».
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17.
En matière de causalité, l’adaptation au cas d’espèce se fait reine au moyen de l’interprétation souveraine des juges du fond. Les deux arrêts rendus le 18 octobre 2017 par la Cour de cassation dans le cadre de la saga hépatite B témoignent de ce mouvement. Rappelons en effet qu’en juin 2017, la CJUE interrogée par la Cour de cassation a raisonné en deux temps : d’une part, elle valide le recours aux présomptions du fait de l’homme pour prouver le défaut du vaccin et le lien de causalité entre celui-ci et la maladie, nonobstant l’existence d’une situation d’incertitude scientifique ; d’autre part, elle refuse l’établissement d’une présomption de droit relative à l’existence d’un lien de causalité. Cette dernière solution, qui aurait eu le mérite de mettre un terme aux divergences entre les juges du fond qui « mettent à mal le principe de sécurité juridique » (Borghetti J.-S., « Contentieux du vaccin contre l’hépatite B : la Cour de Luxembourg sème le doute », D. 2017 p. 1807), est donc écartée par la CJUE et de facto par la Cour de cassation qui a rejeté le pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, « faute de pouvoir remettre en cause l’appréciation souveraine de celle-ci quant au caractère insuffisamment probant des éléments de faits avancés par les demandeurs ».
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18.
En effet, comme cela a pu être souligné (Mekki M., « Causalité scientifique versus causalité juridique dans le contentieux relatif à la vaccination contre l’hépatite B : Last but not least », Gaz. Pal. 10 oct. 2017, n° 304q1, p. 27), un raisonnement plus systématique est, depuis une série d’arrêts rendus le 9 mars 2007 (CE, 9 mars 2007, n° 267635 ; CE, 9 mars 2007, n° 278665 ; CE, 9 mars 2007, n° 283067 ; CE, 9 mars 2007, n° 285288 : D. 2007, p. 2204, note Neyret L. ; D. 2007, p. 2897, obs. Brun P.) adopté par le juge administratif dans le contexte des vaccinations obligatoires. En se fondant sur des indices principaux tels que la proximité temporelle entre la vaccination et les premiers symptômes ou encore le bon état de santé antérieur du patient, le Conseil d’État décide que le lien entre la vaccination et la maladie est acquis. Ce faisant, le juge administratif ne pose pas de présomption générale d’imputabilité mais il se montre, en revanche, rigoureux dans l’exposé et le contrôle des indices pris en compte dans l’appréciation in concreto effectuée par les juges du fond.
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19.
À ce sujet, il ne faut en effet pas perdre de vue les problématiques assurantielles liées aux développements de ce type de contentieux : la faveur donnée à l’indemnisation entraîne une augmentation des primes d’assurance qui se répercute sur le prix des médicaments.
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20.
Pour le retard pris dans la transposition de la directive notamment en raison des réticences du législateur français à admettre cette cause d’exonération, v. not. Bacache-Gibeili M., Les obligations – La responsabilité civile extracontractuelle, 3e éd., 2016, Economica, nos 762 et s.
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21.
C. civ., art. 1245-10, 4°, art. 1386-11, 4°, anc.
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22.
Le doyen Carbonnier laissait d’ailleurs augurer le pouvoir grandissant de l’expertise : « Ainsi se profile à l’horizon un système juridique où, de plus en plus, le fond des conflits serait réglé par des experts (…) », Carbonnier J., Droit civil : Introduction, 27e éd., 2002, PUF, n° 103.
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23.
IGAS, rapp. de synthèse de l’enquête sur le Mediator, Dr Bensadon A.-C., Marie E. et Dr Morelle A., janv. 2011.
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24.
Gerry-Vernières S., Les « petites » sources du droit. À propos des sources étatiques non contraignantes, 2012, LGDJ. Aussi appelé soft law ou « droit souple », cet infra-droit occupe une place grandissante dans notre système juridique.
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25.
Bacache-Gibeili M., Les obligations – La responsabilité civile extracontractuelle, op. cit., n° 762.
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26.
En ce sens v. Bacache-Gibeili M., Les obligations – La responsabilité civile extracontractuelle, op. cit., n° 763 : « on peut regretter que le législateur ne supprime pas purement et simplement cette cause d’exonération pour les produits pouvant affecter la santé ou l’environnement, compte tenu de l’importance des enjeux ». L’article 17 bis du projet de loi n° 3881 relatif à la réforme du médicament, adopté par le Sénat le 17 octobre 2011, proposait de généraliser l’absence d’exonération aux médicaments.
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27.
Projet de réforme du Code civil, art. 1298-1.
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28.
V. communiqué de presse de Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice, 13 mars 2017 sur http://www.justice.gouv.fr/publication/dp_responsabilite.civile_20170310.pdf
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29.
Notons d’ailleurs que de nombreux systèmes juridiques sont demeurés attachés à une responsabilité pour faute en matière de médicaments, v. en ce sens Borghetti J.-S., La responsabilité du fait des produits défectueux. Étude de droit comparé, 2004, LGDJ, n° 176.
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30.
« Comme souvent, la faute continue de jouer un rôle, quelque peu perturbateur, dans ce régime objectif. Implicitement, par l’exonération pour risque de développement, car au fond cela revient à ce que le producteur démontre qu’il n’a pas commis de faute (…). Il serait sans doute plus juste de dire que ces responsabilités sont quasi objectives, et point totalement objectives », Le Tourneau P., JCP 2000, II, 10429.
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31.
« À côté de la responsabilité fondée sur le défaut du produit, il y a place pour une responsabilité fondée sur la faute – car le manquement au devoir de suivi n’est rien d’autre qu’une faute », note sous Cass. 1re civ., 7 mars 2006, n° 04-16179 : Bull. civ. I, n° 143 ; RDC 2006, p. 844, obs. Borghetti J.-S.
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32.
Cette espèce manifeste donc de façon originale les liens indissolubles entre l’action publique et l’action en réparation du dommage, et plus précisément entre le temps juridique de l’action publique et celui de l’action civile : « un destin commun là où l’histoire les avait séparés », Saenko L., Le temps en droit pénal des affaires, thèse, 2008, n° 523.
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33.
Contra Rassat M.-L., Procédure pénale, 3e éd., 2017, Ellipses, n° 740. L’auteur souligne que les actions publique et civile poursuivent des finalités distinctes ; dès lors, elle conclut : « nous persistons à ne pas voir idéalement la moindre contradiction entre une relaxe pénale et une condamnation civile pour faute à propos du même fait ».
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34.
Rappelons que des poursuites pénales ont été engagées sur deux fondements. D’une part, le délit de tromperie : l’article L. 441-1 du Code de la consommation punit le fait pour toute personne notamment de ne pas informer un contractant sur les qualités essentielles du produit. Or, la Cour de cassation reproche, expressis verbis, au laboratoire de ne pas avoir « inform[é] les médecins et les patients » sur la réalité du risque. Du point de vue de l’élément moral, la tromperie est un délit intentionnel qui « suppose la conscience chez le prévenu du caractère inexact des qualités qu’il prête au produit » (Lepage A., Maistre du Chambon P. et Salomon R., Droit pénal des affaires, 4e éd., n° 1209). L’appréciation de cet élément moral est particulièrement sévère pour les professionnels puisque « les juges peuvent déduire la mauvaise foi du prévenu du fait que celui-ci s’est soustrait aux obligations qui lui incombaient personnellement, d’exercer les contrôles nécessaires » (Cass. crim., 4 nov. 1993, n° 91-81639). On frôle ici les griefs de la Cour à l’encontre du laboratoire qui n’a pas procédé aux investigations requises.
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35.
D’autre part, des poursuites ont été engagées du chef d’homicide involontaire (C. pén., art. 221-6) : là encore, la Cour insinue, à demi-mot, que le défendeur, par ses négligences, exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer en l’état des connaissances scientifiques et techniques. La parenté avec la faute qualifiée est très nette, quoique la Cour se défende de tout pré-jugement pénal.
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36.
À supposer que le juge pénal s’écarte de la faute retenue par le juge civil, ce serait alors les deux fondements théoriques attribués au principe de primauté du pénal sur le civil qui seraient malmenés : « le souci d’éviter la contrariété de jugements mais surtout la primauté de la décision pénale qui intéresse la société sur la décision civile qui n’intéresse que les particuliers (…) », Roland H. et Boyer L., Adages du droit français, 4e éd., 1999, LexisNexis, n° 65, V° « Criminel (le) tient le civil en état ».
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37.
V. Lasserre V., Le nouvel ordre juridique – Le droit de la gouvernance, op. cit., n° 37. « Les juges sont ainsi aux premières loges dans la régulation de gigantesques drames humains qui relient inévitablement des victimes aux vies broyées à des opérateurs économiques puissants ». Cette même mansuétude avait guidé l’indemnisation de personnes vaccinées ayant développé la sclérose en plaques, v. not. Radé C., note sous Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-11073, Sté Sanofi Pasteur MSD c/ K. et a. : Bull. civ. I, n° 176 ; Resp. civ. et assur. 2009, étude 13, n° 5 : « la Cour de cassation choisit donc résolument le camp des victimes, ce dont on ne peut que se satisfaire compte tenu des conséquences terribles sur leur état de santé de la vaccination ». Selon l’auteur, la « charge du risque scientifique » doit, dans ce domaine, bénéficier au demandeur.
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V. not. Dugué M., « L’intérêt protégé en droit de la responsabilité civile », thèse dact., 2015, Jourdain P. (dir.), passim, spéc. n° 261 et s..