Seine-Saint-Denis (93)

Montreuil : débarquement de blouses blanches au Cap Horn

Publié le 22/12/2022
médecin, santé, consultation, docteur, maladie, hôpital
pressmaster/AdobeStock

La mairie de Montreuil fait de nouveau parler d’elle ! En lieu et place de bureaux vides depuis 2018, une maison de santé interprofessionnelle avec plus de 50 soignants vient d’ouvrir ses portes en centre-ville. Un appel d’air, dans une région touchée de plein fouet par le problème d’accès au soin.

En 2018, la mairie de Montreuil avait fait parler d’elle avec la réquisition des anciens bureaux de l’AFPA, dans sa commune, pour reloger 200 sans-papiers préalablement installés au foyer Bara. Cette fois, ce sont d’anciens bureaux de la ville situés à mi-chemin entre les villes haute et basse, qui ont été cédés à la toute jeune société Cap Horn Santé pour laisser place à l’une des plus grandes maisons de santé pluriprofessionnelles du pays, avec plus de cinquante soignants et un accueil de 1 500 patients par jour. Une solution gagnant-gagnant, pour Patrice Bessac, maire PCF-Nupes de la ville : « en 2019, j’ai souhaité que la ville soutienne l’installation à Montreuil d’une maison de santé pluriprofessionnelle. Grâce aux nombreuses spécialités dont dispose cette maison de santé, les patients peuvent bénéficier d’une prise en charge complète et pluridisciplinaire ».

La structure a ouvert ses portes le 7 novembre dernier, à point nommé pour attaquer un hiver rude, en termes épidémiques. Sur 3 500 mètres carrés et cinq niveaux, les habitants ne se retrouvent plus sans solution de prise en charge : ils peuvent obtenir des consultations auprès de cinq médecins généralistes, cinq urgentistes, quatre gynécologues, trois pédiatres. Un laboratoire d’analyse, un service d’imagerie, une pharmacie et un pôle paramédical complètent cette offre de soin capable de gérer le suivi des patients comme les petites urgences (les petits traumas, les blessures). De quoi soulager considérablement l’hôpital André Grégoire (qui a détaché avec l’hôpital Avicenne, plusieurs soignants), dont les urgences sont surchargées car le manque de soignants sur le territoire se fait de plus en plus sentir. « Tout le monde a besoin de plus de capacités et il est important que les urgences ne soient pas le lieu pour des rendez-vous qui peuvent être gérés par des généralistes, de la même manière qu’on puisse gérer en médecine de ville des petites urgences », nous a confié Patrice Bessac.

Une maison contre le désert

Selon l’Agence régionale de santé, 97,8 % du département de Seine-Saint-Denis sont classés comme « désert médical avancé « , ce qui représente environ 1,6 million d’habitants. Montreuil ne faisait pas exception à la règle : seuls 57 médecins généralistes et 71 médecins spécialistes sont implantés dans la commune de 110 000 habitants, d’après la Caisse primaire d’Assurance-maladie du 93 : des chiffres près de 20 % inférieurs à la moyenne nationale. La commune dispose déjà d’outils pour contrer les difficultés liées à ce manque : trois centres municipaux de santé (CMS) et la maison médicale de garde (consultations des médecins généralistes sans rendez-vous les soirs et week-ends).

La Maison de santé pluriprofessionnelle vient ajouter une nouvelle corde à l’arc de la ville. Créées en 2007, les MSP sont un mode d’exercice professionnel collectif et coordonné développé pour répondre au besoin de « Travailler ensemble » et aux problématiques de santé actuelles : prise en charge des maladies chroniques, vieillissement de la population… Elles constituent une réponse à l’évolution des modes d’exercice souhaités par de nombreux professionnels de santé, en favorisant également l’ouverture et la coordination des acteurs de prévention et d’éducation à la santé présents sur les territoires.

Le projet montreuillois a été lancé par quatre jeunes médecins, les radiologues David Marciano et David Zeitoun, et les deux urgentistes, Baptiste Gérard et Patrick Vidal. Convaincus de pouvoir changer les choses en s’associant, les soignants ont réussi à emprunter 20 millions d’euros d’emprunt bancaire et ont obtenu 250 000 euros de subvention de la part de l’ARS et de la Région, pile de quoi acheter le bâtiment, le rénover et l’équiper. « Cette histoire, c’est la rencontre entre convictions et opportunité. C’était une évidence pour la commune de mettre ces bâtiments vides à disposition d’une structure médicale. Et puis nous avons eu vent du projet des médecins. On a accompagné le projet, on a permis les liens avec l’hôpital : les consultations hospitalières en ville, c’est vraiment un bonus et nous sommes heureux d’avoir une véritable harmonie entre hospitaliers et libéraux », affirme Patrice Bessac.

Un lieu de soin et de travail convivial

Depuis son arrivée à la mairie, en 2014, le maire a commencé à se forger une conviction dans le domaine des déserts médicaux : «Je pense qu’il y a eu un phénomène de sous-formation des professionnels de santé, valable pour les médecins, le paramédical, mais aussi dans le secteur de la petite enfance… au bout de 15 ans, cela donne une pénurie. Il est de la responsabilité des municipalités de se battre pour attirer les médecins et les professionnels de santé. Nous avons la conviction, à la mairie, que la désertification médicale peut être combattue grâce à l’aide à l’installation des médecins, et surtout l’accompagnement de structures collectives ».

Selon le maire, la maison et sa belle salle de repos, sa salle de sport, sa terrasse conviviale pour les soignants correspond également aux aspirations nouvelles des médecins : « la tournée des popotes et la vie consacrée à la médecine, ça n’est plus l’objectif des médecins. Ils veulent une vie, travailler collectivement, construire des projets. Nous le constatons dans le réseau santé Montreuil mais aussi dans les initiatives privées, comme c’est le cas avec Cap Horn Santé ».

Le maire n’oublie pas non plus que ce nouvel outil est un plus pour l’attractivité de sa commune. « La maison de santé est nichée dans un quartier mixte, à deux pas d’un quartier très populaire avec un fort pourcentage de logements HLM et d’un quartier pavillonnaire. Cap Horn Santé, c’est l’occasion pour nous de donner le signe que nous faisons l’effort et les investissements nécessaires en matière de santé, pour que l’ensemble de la population en bénéficie ».

Une ouverture en fanfare… qui va faire des petits

Dès son ouverture, Cap Horn Santé a fait le plein. « Les créneaux de rendez-vous pour les médecins généralistes, la pédiatrie, la gynécologie et la neurologie se sont remplis de suite sur Doctolib », constate le Dr Patrick Vidal. Le maire, aussi, se frotte les mains : « tout le monde a bien accueilli cette ouverture, on souhaite aller plus loin qu’on aille au bout du remplissage du bâtiment, avec un pôle destiné aux femmes enceintes avec des sages-femmes, des spécialistes…» !

Face à ce succès, Cap Horn Santé va prochainement ouvrir un autre centre de taille équivalente à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne), et un autre, plus modeste, dans le XXe arrondissement parisien, en 2023 aussi. Un projet d’ouverture à Bagneux (Hauts-de-Seine) est également en cours de finalisation, et devrait voir le jour en 2025. « Nous sommes sur tous ces projets soutenus par l’ARS, financièrement et moralement, et les banques ont déjà validé les emprunts », a assuré Baptiste Gérard.

En parallèle de cette ouverture en fanfare, le 30 novembre dernier, la mairie de Montreuil a annoncé la création d’une Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) pour continuer de réduire les difficultés dans le suivi médical des Montreuillois. Le Docteur Laurent Prunier, président de la nouvelle CPTS a indiqué dans un communiqué : « la crise Covid a renforcé la coopération entre tous les professionnels, acteurs de la santé de notre ville : médecins libéraux, salariés, hospitaliers, infirmiers et infirmiers, pharmaciennes et pharmaciens… Nous passons à une nouvelle étape de coordination par la création de la « CPTS Montreuil ». Le premier projet à aboutir a été l’extension des horaires de la Maison médicale de garde de Montreuil. De nombreuses autres actions autour de la santé sont dès à présent en chantier. Tous ensemble, œuvrons pour améliorer l’offre de soins de notre territoire » !

Plan
X