Calcul des effectifs dans un groupement d’employeurs : les apports de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024

Publié le 15/04/2024
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La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a modifié les règles de calcul des effectifs « sécurité sociale » pour les groupements d’employeurs. Cette réforme entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2026.

Parmi les mesures contenues dans la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, l’une d’entre elles concerne les groupements d’employeurs visés aux articles L. 1253-1 et suivants du Code du travail. Elle complète les modalités de calcul des effectifs prévues à l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale.

Ce n’est pas la première fois que le législateur intervient en la matière. Ainsi, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 avait introduit une disposition spécifique dans le Code du travail1. Mais les effets de cette dernière ont été fortement atténués par la volonté d’uniformisation des règles de calcul des effectifs de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019. L’objectif de l’article 21 de la loi du 26 décembre 2023 est, à nouveau, de permettre aux groupements d’employeurs de bénéficier d’un traitement particulier en la matière.

Cette réforme, qui entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2026 avec la parution d’un décret d’application, constitue, sans nul doute, une excellente nouvelle pour les groupements d’employeurs. Plutôt que d’entrer dans les effectifs du groupement d’employeurs, les salariés mis à disposition vont entrer dans ceux des entreprises utilisatrices pour l’ensemble des dispositions du Code de la sécurité sociale qui prennent en compte l’effectif de l’employeur, à l’exception de celles relatives à la tarification accident du travail/maladie professionnelle.

Mais cette réforme, aussi notable soit-elle, met en lumière le manque d’uniformité qui caractérise certaines dispositions applicables aux groupements d’employeurs, lesquelles, selon les cas, s’apprécient soit au niveau du groupement, soit au niveau de l’entreprise utilisatrice.

I – La modification des modalités de calcul des effectifs « sécurité sociale »

Les modalités de calcul des effectifs ne sont pas régies par les mêmes principes selon que l’on se situe en matière de droit du travail ou de droit de la sécurité sociale. La loi du 26 décembre 2023 ne modifie au premier abord que les termes de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale. Mais, il s’avère que cette réforme a une incidence qui affecte différents dispositifs du Code du travail.

A – Ce qui ne change pas

Introduit par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’article L. 1253-8-1 du Code du travail institue pour les groupements d’employeurs une règle dérogatoire en matière de calcul des effectifs. Il prévoit en effet que : « Pour l’application du présent code, à l’exception de sa deuxième partie, les salariés mis à la disposition, en tout ou partie, d’un ou de plusieurs de ses membres par un groupement d’employeurs ne sont pas pris en compte dans l’effectif de ce groupement d’employeurs ».

De cette façon, les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs n’ont pas vocation à être pris en compte pour l’application des dispositions qui trouvent exclusivement leur origine dans le Code du travail. À ce principe, le législateur a institué une exception en matière de mise en place de la représentation du personnel au sein du groupement d’employeurs. Dans cette hypothèse, tous les salariés du groupement d’employeurs, qu’ils soient « permanents » et/ou mis à disposition, sont pris en compte dans l’effectif. Enfin, les salariés d’un groupement d’employeurs n’entrent dans les effectifs de l’entreprise où ils sont mis à disposition qu’à partir du moment où ils sont présents dans les locaux de cette dernière et y travaillent depuis au moins un an2.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 n’a pas modifié la portée de cet article du Code du travail qui reste applicable dans les mêmes conditions qu’auparavant.

B – Ce qui pourrait changer

La lecture du Code du travail permet de constater que le législateur a fait le choix de renvoyer, à différentes reprises, le calcul de l’effectif des salariés aux modalités prévues par l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale. Les thèmes concernés sont aussi divers que le harcèlement3, la durée et l’aménagement du temps de travail4, la mise en place d’un plan d’intéressement5, l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés6, les droits et garanties des travailleurs handicapés7, l’aide unique aux employeurs d’apprentis8, la participation au développement de la formation professionnelle continue9, etc.

Cette situation est la conséquence de la volonté d’uniformisation des règles applicables de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019. Depuis cette date, la situation des groupements d’employeurs est devenue complexe à analyser. D’un côté, l’article L. 1253-8-1 du Code du travail leur autorise de ne pas prendre en compte dans leurs effectifs les salariés mis à disposition pour l’application de l’ensemble des dispositions contenues dans le Code du travail, d’un autre côté, différents articles de ce même code se rattachent à l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale pour lequel les salariés mis à disposition entrent dans les effectifs qui doivent être comptabilisés.

C’est pour cette raison que la loi du 26 décembre 2023 est – ou plutôt serait – de nature à clarifier les règles applicables en matière de calcul des effectifs « droit du travail » d’un groupement d’employeurs.

L’emploi du conditionnel peut surprendre. Rien dans les termes de la loi n’indique que les articles du Code du travail qui effectuent un renvoi à l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale puissent être exclus de cette réforme. Certes, le législateur a bien pris le soin de préciser que cette réforme ne s’applique qu’au sens du Code de la sécurité sociale. Mais on imagine difficilement qu’il pourrait y avoir une interprétation différente d’un même article selon que le texte applicable se trouve dans le Code du travail ou le Code de la sécurité sociale.

Pour autant, rien n’est impossible. Les groupements d’employeurs se souviennent encore de la façon dont l’article L. 1253-24 du Code du travail, issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, a vu sa portée réduite par le décret n° 2016-1763 du 16 décembre 2016 et l’arrêté rendu le même jour. Alors que le législateur a posé un principe général d’accès des groupements d’employeurs à toutes les aides publiques en matière d’emploi et de formation professionnelle dont auraient bénéficié ses entreprises adhérentes si elles avaient embauché directement les personnes mises à leur disposition, le pouvoir réglementaire a fait non seulement le choix de mentionner les aides qui étaient éligibles, mais également, en ne mettant pas à jour l’arrêté du 16 décembre 2016, a enlevé toute portée à cette évolution législative salutaire.

L’histoire se répétera-t-elle ? C’est l’une des réponses qu’il se sera intéressant d’analyser lors de la parution du décret préalable à l’entrée en vigueur de la réforme de la loi du 26 décembre 2023.

C – Ce qui va changer

L’apport de la loi du 26 décembre 2023 est d’avoir introduit, à la fin de l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale, deux paragraphes consacrés spécifiquement aux groupements d’employeurs :

• « Au sens du présent code, les salariés mis à la disposition, en tout ou partie, d’un ou de plusieurs de ses membres par un groupement d’employeurs ne sont pas pris en compte dans l’effectif de ce groupement d’employeurs, sauf en ce qui concerne l’application des dispositions relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles » ;

• « Au sens du présent code, les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs sont pris en compte par l’entreprise utilisatrice à due proportion de leur temps de travail, pour le calcul de ses effectifs, sauf en ce qui concerne l’application des dispositions relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles ».

Cette évolution législative ne peut entrer en vigueur sans la parution d’un décret d’application qui doit intervenir au plus tard le 1er janvier 2026. Il en résulte que jusqu’à cette date, les règles applicables à l’heure actuelle ne sont pas modifiées, à savoir :

• les salariés mis à disposition sont comptabilisés dans l’effectif du groupement d’employeurs pour l’ensemble des règles qui prennent en compte l’effectif « sécurité sociale » de l’employeur ;

• les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs ne sont pas comptabilisés dans l’effectif « sécurité sociale » de l’entreprise d’accueil.

En revanche, lorsque le décret sera publié, il conviendra de distinguer la situation du groupement d’employeurs de celle des entreprises utilisatrices.

Du point de vue des groupements d’employeurs, l’ensemble des salariés du groupement, « permanents » et mis à disposition, seront pris en compte dans l’effectif pour l’application des dispositions relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles. En revanche, seuls les salariés dits « permanents » seront pris en compte dans l’effectif « sécurité sociale » pour l’ensemble des autres dispositions qui prennent en compte l’effectif de l’employeur (contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL), taux de contribution formation, etc.).

Du point de vue des entreprises adhérentes utilisatrices, les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs ne seront pas pris en compte pour l’application des dispositions relatives à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles. En revanche, ils seront pris en compte dans l’effectif « sécurité sociale » de l’entreprise utilisatrice, à due proportion de leur temps de travail, pour l’ensemble des autres dispositions qui prennent en compte l’effectif de l’employeur.

Pour l’heure, se posent un certain nombre de questions auxquelles qu’il appartiendra au décret d’application d’apporter une réponse. En voici quelques-unes.

La première est de savoir qui, du groupement d’employeurs ou de l’entreprise utilisatrice, est responsable du calcul des effectifs mis à disposition par le groupement d’employeurs ? Ce dernier devra-t-il, à des périodes régulières, effectuer une attestation en ce sens ? Est-ce que cela relève de la seule responsabilité de l’entreprise utilisatrice ?

L’autre question concerne la comptabilisation des salariés mis à disposition lorsque ces derniers sont absents (congés payés, action de formation, etc.) ou dont le contrat de travail est suspendu (arrêt de travail pour maladie ou maternité, etc.). Continueront-ils à être comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise utilisatrice, alors qu’ils ne sont pas effectivement présents au sein de cette dernière, ou le seront-ils au niveau du groupement d’employeurs ? En tout état de cause, on peut estimer qu’un salarié, à qui le groupement d’employeurs n’est pas en mesure de proposer une mise à disposition, sera comptabilisé au sein du groupement.

La dernière question concerne l’application des règles relatives à l’OPCO. L’article L. 6331-1 du Code du travail prévoit en effet que lorsqu’une entreprise est composée d’un effectif inférieur à 11 salariés, le montant de la cotisation est de 0,55 %, là où elle est de 1 % en cas de dépassement de ce seuil. De son côté, l’article L. 6332-17 du même code affirme qu’une entreprise de moins de 50 salariés est en mesure de bénéficier d’une prise en charge complémentaire au titre du plan de développement des compétences. Un groupement d’employeurs qui est composé de 4 salariés « permanents » et de 80 salariés mis à disposition pourra-t-il à l’avenir se prévaloir de l’ensemble de ces mesures ?

Lorsqu’elles vont entrer en vigueur, les dispositions spécifiques aux groupements d’employeurs contenues dans l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale vont obliger les entreprises utilisatrices à prendre en compte les salariés mis à disposition dans leurs effectifs « sécurité sociale », quitte à ce que cette opération leur fasse dépasser un seuil. Mais cette règle ne leur est pas étrangère. C’est la même qui s’applique en matière de représentation du personnel.

II – Le manque d’uniformité des règles applicables aux groupements d’employeurs

Les modalités de calcul des effectifs ne sont pas le seul domaine où les règles applicables aux groupements d’employeurs ont été élaborées par strates successives. L’identification de l’employeur – groupement d’employeurs ou entreprise utilisatrice –, à partir duquel doit s’apprécier une disposition contenue dans le Code du travail ou dans le Code de la sécurité sociale, en est un autre. Force est de constater que les apports de la loi du 26 décembre 2023 ne font que renforcer le sentiment d’enchevêtrement de normes sans suffisante coordination.

A – Le niveau d’appréciation de la règle applicable

Une opération de prêt de personnel met en œuvre un employeur de droit, celui qui assume les obligations mises à la charge d’un employeur, et un employeur de fait, celui à qui va être confié, le temps de la mise à disposition, le pouvoir de donner des ordres et d’en contrôler l’exécution.

Lorsqu’il s’agit de déterminer l’employeur à partir duquel va être interprétée une règle, force est de constater qu’il n’existe pas, en matière de groupement d’employeurs, une règle uniforme et que l’interprétation retenue par les juges et l’administration du travail peut, dans certains cas, interroger. En voici plusieurs exemples.

Le premier concerne le recours à un contrat à durée déterminée (CDD) pour lequel il appartient à l’employeur d’en justifier le motif. Dans un arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes10, il a été reproché à un groupement d’employeurs de ne pas avoir rapporté la preuve d’un surcroît d’activité inhabituel et limité dans le temps ayant nécessité le recours à un CDD alors même que cette condition était remplie pour l’entreprise utilisatrice où a été mis à disposition le salarié. Une même décision a été rendue pour déterminer le caractère saisonnier d’un emploi. Il en résulte que c’est au regard de l’activité du groupement d’employeurs et non de celle de l’entreprise utilisatrice11 que doit s’apprécier le recours au CDD.

Si, sur le plan de l’analyse juridique, ces décisions jurisprudentielles ne sont pas contestables, on peut néanmoins s’interroger quant à l’absence d’un texte d’origine législative qui, à l’instar de ce qui est autorisé aux groupements d’employeurs qui exercent une activité de remplacement du chef d’une entreprise agricole12, permettrait de se fonder sur l’activité de l’entreprise utilisatrice, car c’est le besoin exprimé par cette dernière qui est à l’origine de l’opération de prêt de main-d’œuvre.

Le deuxième exemple porte sur les dispositifs, mis en place par le législateur, qui permettent à un employeur de verser à ses salariés des primes exonérées des cotisations salariales et des contributions sociales. La question s’est immédiatement posée de l’éligibilité du salarié mis à disposition par un groupement d’employeurs.

La réponse apportée de manière similaire par le ministère du Travail13 et la jurisprudence applicable aux salariés temporaires qui peut être, dans le cas présent, transposée14 est que le principe d’égalité de traitement en matière de rémunération, posé par l’article L. 1253-9 du Code du travail, permet aux salariés d’un groupement d’employeurs de bénéficier de ce type de prime au sein de chaque entreprise où ils sont mis à disposition. De plus, lorsqu’une prime est attribuée à un même salarié par plusieurs entreprises utilisatrices ou par une ou plusieurs entreprises utilisatrices et par le groupement d’employeurs, chacune des entreprises ayant attribué la prime est considérée, pour l’appréciation du respect des conditions d’attributions prévues par chaque dispositif, comme un employeur distinct. Il est ainsi procédé à une forme d’application distributive des avantages financiers octroyés aux salariés mis à disposition, règle qui ne s’applique qu’en la matière15.

Le dernier exemple est en lien avec le recours au contrat de formation en apprentissage au sein d’un groupement d’employeurs16. Ainsi, lorsque l’apprenti est embauché par un groupement d’employeurs, c’est au niveau de l’entreprise accueillant l’apprenti que s’apprécie le nombre maximum d’apprentis par maître d’apprentissage et non au niveau du groupement d’employeurs17. Le même raisonnement s’applique en matière de recours à un contrat de professionnalisation18.

Ainsi, selon les cas, les règles applicables s’apprécient soit au niveau du groupement d’employeurs, soit au niveau de l’entreprise utilisatrice, soit au niveau des deux. Il n’existe pas de ligne directrice claire en la matière. Cette situation se rencontre également à l’occasion de contentieux à l’initiative du salarié mis à disposition.

B – L’identification de l’employeur responsable

La question de l’identification de l’employeur responsable se pose également en cas de condamnation faisant suite au non-respect d’une disposition législative ou réglementaire intervenu à l’occasion du déroulement d’une mise à disposition opérée par un groupement d’employeurs. Ce dernier étant l’employeur du salarié mis à disposition, il lui appartient naturellement d’en assumer les conséquences. Mais ce principe ne présente pas un caractère général.

En effet, l’entreprise utilisatrice étant responsable de l’exécution des conditions de travail du salarié mis à disposition19, c’est son représentant légal, et non celui du groupement d’employeurs, qui va devoir assumer toute condamnation pénale qui trouve son origine dans la méconnaissance des règles relatives à la santé et la sécurité du travail20. La question est de savoir si cette responsabilité ne pourrait pas être étendue aux conséquences civiles. La Cour de cassation l’a admis au profit d’un salarié d’une entreprise extérieure intervenant dans une entreprise utilisatrice à l’occasion d’une action en réparation de préjudices liés à l’exposition à l’amiante21. Le tribunal judiciaire de Bordeaux a également reconnu la responsabilité de l’entreprise utilisatrice à l’occasion d’un contentieux portant sur la faute inexcusable de l’employeur22. Cette décision n’a pas été confirmée par la cour d’appel de Bordeaux qui a néanmoins estimé que l’entreprise utilisatrice était responsable conjointement du préjudice avec le groupement d’employeurs23.

Enfin, on notera un arrêt rendu par la cour d’appel de Rouen24 qui a requalifié plusieurs CDD conclus par un salarié en contrat à durée indéterminée à l’encontre de l’entreprise utilisatrice où il a été mis à disposition. Cette décision peut surprendre car, à la différence des règles applicables en matière de travail temporaire25, il n’existe pas de dispositions législatives qui autorisent un juge à procéder ainsi.

Plus récemment, la cour d’appel de Pau a condamné in solidum l’entreprise adhérente et le groupement d’employeurs, dans les proportions de 80 % pour la première et 20 % pour le second, à payer au salarié mis à disposition les sommes découlant de la qualification d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse26. On notera également que dans cette affaire, seule l’entreprise utilisatrice a été condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié mis à disposition, du jour de la rupture de la relation de travail au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d’indemnités, le groupement d’employeurs n’ayant pas été associé à cette sanction.

On assiste ainsi à une évolution de la jurisprudence qui admet, de plus en plus, l’engagement de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice, alors même qu’elle n’est pas l’employeuse du salarié mis à disposition. Ce changement peut se comprendre car elle est le bénéficiaire de l’opération de prêt de main-d’œuvre. Encore faut-il que l’interprétation des juges se fonde sur des textes qui le permettent, ce qui n’est pas le cas en matière de groupement d’employeurs.

Pour conclure, l’auteur de cet article voudrait rendre un hommage appuyé aux directeurs et directrices de tous les groupements d’employeurs en France qui œuvrent, chaque jour, en faveur du travail à temps partagé alors que les règles légales et conventionnelles qui s’imposent à eux ne favorisent pas la mutualisation de l’emploi entre plusieurs adhérents, qui appliquent une convention collective qui ne correspond pas à l’opération de prêt de main-d’œuvre qu’ils effectuent au quotidien, qui doivent respecter des dispositions législatives et réglementaires très souvent inadaptées.

Contrairement aux idées reçues, la clarification des règles applicables ne passe pas uniquement par des réformes législatives. Bon nombre de dispositions pourraient être harmonisées par la voie d’une convention collective de branche applicable à tous les salariés de groupements d’employeurs. Gageons que cet objectif soit un jour atteint car il constitue l’une des conditions indispensables au développement de ce dispositif original de prêt de main-d’œuvre.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. trav., art. L. 1253-8-1.
  • 2.
    C. trav., art. L. 1111-2.
  • 3.
    C. trav., art. L. 1151-2.
  • 4.
    C. trav., art. L. 3121-38.
  • 5.
    C. trav., art. L. 3312-3.
  • 6.
    C. trav., art. L. 5212-1.
  • 7.
    C. trav., art. L. 5213-6-1.
  • 8.
    C. trav., art. L. 6243-1-1.
  • 9.
    C. trav., art. L. 6331-1, A.
  • 10.
    CA Nîmes, 19 avr. 2022, n° 19/01975.
  • 11.
    CA Montpellier, 29 juin 2022, n° 19/01569.
  • 12.
    C. trav., art. L. 1242-2, 5°.
  • 13.
    Art. 2.15 instruc. Minis Boss PPV, à jour au 1er janvier 2024.
  • 14.
    Cass. soc., 25 oct. 2023, nos 21-24161 et 22-21845.
  • 15.
    V. en ce sens l’article 5 du décret n° 2020-1103 du 1er septembre 2020, qui posait la règle selon laquelle les conditions liées au secteur d’activité, à l’effectif et à la baisse de chiffre d’affaires prises en compte pour déterminer l’éligibilité aux exonérations de cotisations en lien avec l’épidémie de Covid, devaient être appréciées au niveau du groupement et non au niveau de l’entreprise utilisatrice.
  • 16.
    V. également : D. n° 2023-1275 du 27 décembre 2023, qui autorise, de nouveau les groupements d’employeurs à pouvoir mettre à disposition des apprentis dans trois entreprises utilisatrices. On remarquera avec désolation que si l’on procède à une analyse littérale de cette nouvelle version de l’article R. 6223-10 du Code du travail, le groupement d’employeurs, qui est l’employeur, doit conserver à son service l’apprenti pendant plus de 50 % du temps de travail et la mise à disposition auprès des désormais trois adhérents ne peut être supérieure à 50 % du temps travaillé, ce qui ne correspond pas au mode de fonctionnement d’un dispositif de prêt de main-d’œuvre.
  • 17.
    C. trav., art. L. 6223-5.
  • 18.
    C. trav., art. D. 6325-10.
  • 19.
    C. trav., art. L. 1253-12.
  • 20.
    CA Pau, 10 sept. 2020, n° 17/01354.
  • 21.
    Cass. soc., 15 mars 2023, n° 20-23694.
  • 22.
    TJ Bordeaux, 13 déc. 2021, n° 18/02225.
  • 23.
    CA Bordeaux, 14 sept. 2023, n° 22/00164.
  • 24.
    CA Rouen, 10 févr. 2022, n° 19/02438.
  • 25.
    C. trav., art. L. 1251-39 et C. trav., art. L. 1251-40.
  • 26.
    CA Pau, 14 déc. 2023, n° 22/00391.
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