CPF : une loi pour lutter contre la fraude

Publié le 30/05/2023
CPF : une loi pour lutter contre la fraude
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Les fraudes relatives au compte personnel de formation et à sa mise en œuvre sont nombreuses, ce qui a amené à une loi destinée à lutter contre ces fraudes. Tour d’horizon sur le dispositif.

L. n° 2022-1587, 19 déc. 2022

Dans le domaine du droit du travail1, les fraudes au compte personnel de formation (CPF) qui se caractérisent souvent par des coups de téléphone d’un opérateur vous faisant miroiter d’alléchantes sommes pour de la formation professionnelle mais qui correspondent en réalité à de fausses formations prétendument gratuites et agréées par l’État2. Ces fraudes atteignent, d’après Tracfin, le montant impressionnant de 43,2 millions d’euros en 2021. La raison d’une telle fraude tient en partie au succès du dispositif – selon le gouvernement, plus de deux millions de personnes se sont inscrites à une formation en 2021 – mais aussi très largement à la monétisation des crédits disponibles, qui ont généré du démarchage abusif et des escroqueries. Car le CPF est maintenant alimenté de 500 € par an jusqu’à un plafond de 5 000 € (voire 8 000 € pour les emplois les moins qualifiés), alors qu’auparavant il était crédité en heures de formation3.

Ces fraudes existent aussi en matière de prestations sociales4. Elles sont nombreuses5, pas toujours sanctionnées et rarement à hauteur du préjudice qu’elles causent6. La loi du 19 décembre 20227 a pour objectif de mieux lutter contre le démarchage abusif et la fraude dans l’utilisation du compte personnel de formation (CPF), fraude récente et de grande ampleur qui nuit au CPF. Cette loi et ses conséquences seront analysées (I) ; il convient aussi de faire un rappel du dispositif du compte personnel de formation (CPF) (II).

I – Le texte de la loi contre la fraude au compte personnel de formation (CPF)

On a identifié certains types de fraudes, les plus fréquentes (A), mais il en existe probablement beaucoup d’autres que l’on pourra découvrir dans l’avenir et contre lesquelles le texte mis en place vise à lutter (B).

A – Identifier les fraudes les plus connues

On connaît, principalement, deux types de fraudes. D’abord, le phishing ou hameçonnage (1°) et la proposition de formations, réelles mais sans contenu (2°).

Le succès du CPF a également ouvert la porte à des pratiques commerciales agressives voire abusives. Si les fraudes telles que l’usurpation d’identité ou le détournement des droits au CPF sont peu nombreuses et font l’objet d’un contrôle accru par la CDC, le démarchage agressif a été largement utilisé.

1 – Phishing ou hameçonnage

Il s’agit de techniques consistant à lancer de fausses offres d’utilisation des crédits CPF, ayant pour unique but d’inciter le titulaire du compte à fournir ses données personnelles telles que le numéro de sécurité sociale, l’état civil, ou encore les identifiants et mots de passe.

Pour convaincre, les fraudeurs prétendent généralement que les crédits de formation sont sur le point d’expirer et qu’il faut donc les mobiliser au plus vite. Or, en réalité, les crédits CPF ne peuvent pas expirer.

2 – Propositions de formations, mais sans contenu

Certaines personnes se sont mises à proposer des formations, bien réelles, mais sans contenu. L’offre n’est pas fausse mais seulement inconsistante, et uniquement destinée à récupérer les fonds du CPF ; il existe aussi des formations fictives.

B – Un texte pour lutter contre les fraudes

On a cherché à mettre en place une loi dont l’objectif est la lutte contre la fraude au compte personnel de formation8.

Le texte prévoit des interdictions et sanctions et précise les conditions de conclusion des contrats de formation (1°), les mécanismes d’échanges d’informations entre les organismes chargés de la mise en œuvre du CPF (2°), les procédures de contrainte en matière de recouvrement (3°), les règles relatives aux référencements des organismes de formation (4°) et l’encadrement du recours à la sous-traitance (5°).

1 – Interdictions et sanctions

Cette loi prévoit d’interdire le démarchage des titulaires d’un CPF par téléphone, par SMS, par mail ou via les réseaux sociaux, si ce démarchage n’a pas lieu au titre d’une action de formation en cours entre le titulaire du CPF et l’organisme de formation9. Il est aussi interdit de collecter les données à caractère personnel, notamment le montant des droits inscrits sur le compte des personnes concernées10 par le compte personnel de formation (CPF) et sa mise en œuvre ou conclure un contrat portant sur des actions de formation11, à l’exception des sollicitations intervenant dans le cadre d’une action en cours et présentant un lien direct avec l’objet de celle-ci.

La personne qui viole ces interdictions sera passible d’une amende administrative maximum de 75 000 € si c’est une personne physique et de 375 000 € s’il s’agit d’une personne morale12. Cette amende est prononcée, dans les conditions prévues par le droit de la consommation13 pour les sanctions14 du non-respect des règles qu’il édicte chapitre II du titre II du livre V du Code de la consommation15, c’est-à-dire par les agents habilités16 qui sont :

  • les agents de contrôle de l’inspection du travail17 ;

  • les officiers et agents de police judiciaire ;

  • les agents des impôts et des douanes ;

  • les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés ;

  • les administrateurs des affaires maritimes, les officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la Mer ;

  • les fonctionnaires des corps techniques de l’aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés ;

  • les fonctionnaires ou agents de l’État chargés du contrôle des transports terrestres ;

  • les agents de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet ;

  • les agents du Conseil national des activités privées de sécurité commissionnés par son directeur et assermentés18 peuvent transmettre aux agents de la Caisse des Dépôts et Consignations tous renseignements et documents utiles à l’accomplissement par ces derniers des missions confiées à cet organisme19. Les agents de la CDC peuvent transmettre aux agents de contrôle20 tous renseignements et documents utiles à l’accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

2 – Échanges d’informations

Il est aussi prévu de faciliter les échanges d’informations21 entre la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui gère le CPF et France compétences22, ils peuvent échanger, spontanément ou sur demande, tous documents et informations détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur exercice23. Il est prévu aussi de permettre aux différents services de l’État24 chargés de lutter contre la fraude au CPF25, aux organismes financeurs26, aux instances de labellisation27, aux organismes et instances délivrant la certification Qualiopi28 et à Tracfin de transmettre des informations à la CDC et à l’Agence de services et de paiement29. Pour la gestion des fonds concernant la formation professionnelle30, la CDC peut, sur sa demande, recevoir de l’administration fiscale les informations contenues dans les fichiers nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues31 ainsi qu’à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées32. La CDC peut recevoir de l’administration fiscale, spontanément ou sur demande, communication de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues ainsi qu’à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées au titre du compte personnel de formation33.

3 – Procédures de contrainte

De même, il est prévu de permettre à la CDC d’obtenir le recouvrement forcé des fonds détournés34 au titre du CPF et le remboursement des sommes indûment versées ; pour cela elle est autorisée à utiliser la procédure de contrainte. Pour le remboursement des sommes indues qu’elle a versées, la CDC, par son directeur général, peut délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du prestataire devant la juridiction compétente35, comporte tous les effets d’un jugement36.

4 – Référencement des organismes de formation

La loi décide d’instaurer une procédure de référencement sur le portail numérique https://www.moncompteformation.gouv.fr/37. Les organismes de formation devront satisfaire à plusieurs conditions pour être référencés sur le portail. Des déférencements sont possibles lorsque les conditions exigées ne sont plus remplies.

5 – Encadrement du recours à la sous-traitance

Il est prévu d’encadrer le recours à la sous-traitance pour mettre fin aux abus38. Les sous-traitants devront respecter les mêmes conditions que celles exigées de l’organisme de formation donneur d’ordre afin d’être référencés sur le portail https://www.moncompteformation.gouv.fr/. En cas de manquement du sous-traitant, le donneur d’ordre pourra être déréférencé.

Le prestataire de formation39 peut confier à un sous-traitant, par contrat et sous sa responsabilité, l’exécution des actions de formation40, dans des conditions définies par voie réglementaire.

Le sous-traitant doit avoir préalablement procédé à la déclaration prévue41 et justifié du respect des conditions exigées42.

« Lorsqu’une ou plusieurs des conditions mentionnées cessent d’être remplies par le sous-traitant, la CDC, après avoir mis en demeure le prestataire selon des modalités fixées par voie réglementaire, procède au déréférencement du prestataire. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre43. La nécessité de mettre en place des moyens de lutter contre les fraudes s’expliquent largement par les défauts du système du compte personnel de formation (CPF) ».

II – Le compte personnel de formation (CPF)

Le principe du compte personnel de formation (A) a aussi des limites (B), qui ont ouvert la voie à certaines fraudes qui ont engendrée la loi.

A – Principes

Le CPF permet à toute personne active, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à la date à laquelle elle fait valoir ses droits à la retraite, d’acquérir des droits à la formation mobilisables tout au long de sa vie professionnelle, ce qui implique son alimentation (1°) et des conditions pour sa mise en œuvre (2°).

L’ambition du CPF est ainsi de contribuer, à l’initiative de la personne elle-même, au maintien de l’employabilité et à la sécurisation du parcours professionnel.

Le CPF ouvre à tout actif des droits à la formation mobilisables tout au long de sa vie professionnelle. Depuis le 1er janvier 2019, le CPF est crédité en euros et non plus en heures. Par le biais du portail numérique https://www.moncompteformation.gouv.fr/, chaque actif dispose ainsi sur son CPF d’un montant de 500 € par an pour se former, dans la limite de 5 000 €. Le CPF est alimenté chaque année par les employeurs, les opérateurs de compétences (OPCO), Pôle emploi ou les régions.

Les principes du CPF :

  • il s’adresse à toutes les personnes de 16 ans et plus ; les jeunes de 15 ans ayant signé un contrat d’apprentissage sont également concernés ;

  • il est fermé à la date à la laquelle son titulaire a fait valoir l’ensemble de ses droits à la retraite, par exception au titre des activités bénévoles et de volontariat que le salarié exerce ;

  • dès 65 ans, le CPF est automatiquement fermé pour les salariés ayant liquidé leurs droits à la retraite et n’ayant pas repris d’activité salariée ;

  • si, dépassé cet âge, la personne en retraite souhaite reprendre une activité professionnelle, le retraité actif a la possibilité de demander une réouverture de son CPF auprès du service client sur https://www.moncompteformation.gouv.fr/.

Chaque personne dispose, sur le site officiel https://www.moncompteformation.gouv.fr/ d’un espace personnel sécurisé lui permettant de s’identifier sur son CPF. Ce site lui permet également :

  • d’accéder aux informations qui le concernent (par exemple : le crédit en euros enregistré sur son compte) ;

  • d’obtenir des informations sur les formations auxquelles il peut recourir dans le cadre du CPF (les formations éligibles au CPF) ;

  • d’avoir un premier niveau d’information sur les financements de formation ;

  • d’avoir accès à des services numériques en lien avec l’orientation professionnelle comme le service gratuit du conseiller en évolution professionnelle (CEP).

1 – Alimentation du CPF

Depuis le 1er janvier 2019, chaque actif dispose d’un CPF crédité en euros, non plus en heures.

Les salariés

Les salariés ayant effectué une durée de travail supérieure ou égale à la moitié de la durée légale ou conventionnelle du travail sur l’ensemble de l’année ont acquis 500 € par an pour se former (plafonné à 5 000 €).

Pour les salariés peu ou pas qualifiés, qui n’auraient pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme classé au niveau 3 (CAP, BEP), le montant annuel du crédit CPF est majoré à 800 € (plafonné à 8 000 €).

Les salariés à temps partiel

Les salariés à temps partiel, dont le temps de travail est compris entre 50 % et moins de 100 % du temps complet sur l’ensemble de l’année, bénéficient des mêmes rythmes d’acquisition des droits que les salariés à temps plein afin de renforcer leur accès à la formation et leur employabilité. Une proratisation est maintenue pour les salariés dont le temps partiel est inférieur à 50 % du temps complet.

Les travailleurs indépendants

Le CPF est alimenté à hauteur de 500 € par année de travail, dans la limite d’un plafond de 5 000 € au titre des activités professionnelles accomplies. Lorsque le travailleur indépendant n’a pas exercé son activité au titre d’une année entière, ses droits CPF sont calculés au prorata du temps d’exercice de l’activité au cours de l’année. Pour bénéficier d’une alimentation de son compte, le travailleur indépendant doit être à jour du paiement de la contribution à la formation professionnelle (CFP).

Emplois à caractère saisonnier

Les salariés à caractère saisonnier44 peuvent bénéficier, en application d’un accord ou d’une décision unilatérale de l’employeur, de droits majorés sur leur CPF.

Les personnes en recherche d’emploi

Les droits à la formation acquis pendant l’activité sont attachés à la personne active, leur portabilité est assurée, y compris lorsque la personne passe du statut de salarié à celui de personne en recherche d’emploi, qu’elle soit inscrite ou non à Pôle emploi.

Les personnes en situation de handicap accueillies dans un établissement ou service d’aide par le travail (ESAT)

La personne d’au moins 16 ans admise en ESAT, ayant conclu un contrat de soutien et d’aide par le travail, bénéficie d’un CPF. Le montant annuel du crédit du CPF est majoré à 800 € par année d’admission à temps plein ou à temps partiel, dans la limite d’un plafond total de 8 000 €.

Ces droits à la formation ne sont pas cessibles. Il n’est donc pas possible de céder les crédits CPF, par exemple à un enfant du titulaire pour passer le permis B ou toutes actions de formation éligibles à https://www.moncompteformation.gouv.fr/. Le titulaire de compte est passible de devoir rembourser l’intégralité des montants engagés lors d’une fausse déclaration ou en cas d’incapacité de fournir certaines pièces justificatives. L’organisme de formation est également passible de sanctions qui peuvent aller jusqu’au déréférencement.

2 – Mise en œuvre

Le CPF est mobilisé par le titulaire ou son représentant légal afin qu’il puisse suivre, à son initiative, une formation. Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire ou de son représentant légal45.

a – Conditions relatives aux bénéficiaires

Conversion des droits

Les personnes ayant acquis des droits peuvent les convertir pour les mobiliser pour une formation directement dans https://www.moncompteformation.gouv.fr/ après s’être authentifiées, en fonction de leur statut au moment où ils en font la demande.

Situation des salariés

Pour un salarié, le refus de recourir à son crédit inscrit au CPF ne constitue pas une faute.

S’agissant de la nécessité d’obtenir l’accord de l’employeur, deux situations doivent être distinguées sachant que la formation doit être choisie parmi les formations éligibles au CPF :

  • la formation financée dans le cadre du CPF n’est pas soumise à l’accord de l’employeur lorsqu’elle est suivie, pour sa totalité, en dehors du temps de travail ;

  • lorsqu’elle est suivie, en tout ou partie, pendant le temps de travail, le salarié doit demander une autorisation d’absence à son employeur. La demande du salarié doit intervenir au minimum 60 jours avant le début d’une formation d’une durée inférieure à 6 mois et au minimum 120 jours pour une formation d’une durée de 6 mois ou plus. À compter de la réception de la demande, l’employeur dispose d’un délai de 30 jours calendaires pour notifier sa réponse au salarié. L’absence de réponse de l’employeur dans ce délai vaut acceptation de la demande.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel veut introduire une logique qualifiée de co-construction entre l’employeur et le salarié :

  • un accord collectif d’entreprise, de groupe ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir, dans des conditions fixées par décret, des modalités d’alimentation du CPF plus favorables, à la condition qu’elles soient assorties d’un financement spécifique46 ;

  • l’employeur peut par ailleurs alimenter le compte d’un salarié, les sommes correspondant à cette alimentation supplémentaire sont alors versées à la CDC dans des conditions fixées par décret47 ;

  • lorsque le coût de la formation est supérieur au montant des droits du salarié ou aux plafonds d’alimentation, l’employeur peut financer à la demande du titulaire des abondements en droits complémentaires pour assurer le financement de cette formation48 ;

  • un accord d’entreprise ou de groupe peut prévoir parmi les actions de formation éligibles au CPF celles pour lesquelles l’employeur s’engage à financer, dans les conditions définies par cet accord, de tels abondements49. Dans ce cas, l’entreprise peut prendre en charge l’ensemble des frais et peut demander le remboursement à la CDC des sommes correspondantes, dans la limite des droits inscrits sur le CPF de chaque salarié.

L’entreprise doit s’assurer auprès des salariés que ceux d’entre eux qui sont susceptibles d’être positionnés ont donné un accord exprès à la mobilisation de leur CPF50, le refus du titulaire du compte de mobiliser son compte ne constitue pas une faute. L’entreprise ne peut imposer la mobilisation du montant inscrit sur le CPF à son salarié et devra, en cas de refus, financer intégralement l’action de formation du salarié / des salariés concernés par un abondement.

Situation des demandeurs d’emploi

Toutes les personnes en recherche d’emploi qui ont déjà eu une activité professionnelle disposent d’un CPF et conservent le montant en euros capitalisé antérieurement, durant la période d’inactivité, le compte du demandeur d’emploi n’est toutefois pas alimenté.

Les demandeurs d’emploi peuvent faire une demande d’abondement à Pôle emploi directement sur https://www.moncompteformation.gouv.fr/. Cet abondement constitue un financement complémentaire que Pôle emploi peut accorder, sous conditions, pour financer le reste à charge d’un projet de formation dans les cas où les droits CPF sont insuffisants et que la formation correspond au projet professionnel du demandeur d’emploi. Si la prise en charge financière est acceptée par Pôle emploi, l’inscription en formation est automatiquement validée. La personne peut partir en formation.

Lorsque le demandeur d’emploi accepte une formation financée par la Région, Pôle emploi ou l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph), son compte est débité du montant de l’action de formation réalisée, dans la limite des droits inscrits sur son compte, et après en avoir été informé.

b – Formations

Sont éligibles au CPF pour tous les actifs :

  • une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ;

  • une attestation de validation de bloc de compétences faisant partie d’une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ;

  • une certification ou une habilitation enregistrée dans le répertoire spécifique (RS), dont la certification relative au socle de connaissances et de compétences professionnelles (CléA) ;

  • les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience (VAE)51 ;

  • le bilan de compétences ;

  • les actions de formation dispensée aux créateurs ou repreneurs d’entreprises ayant pour objet de réaliser leur projet de création ou de reprise d’entreprise et pérenniser l’activité de celle-ci ;

  • la préparation de l’épreuve théorique du Code de la route et de l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger (permis B) et du groupe lourd.

Les certificats de qualification professionnelle (CQP) ne sont plus éligibles au CPF, lorsqu’ils ne sont pas par ailleurs inscrits au RNCP.

II est de la responsabilité de l’organisme de formation de s’engager dans une démarche d’éligibilité et de qualité en matière de formations proposées sur https://www.moncompteformation.gouv.fr/.

Seuls les organismes de formation qui répondent à ces obligations sont référencés sur https://www.moncompteformation.gouv.fr/. Dans le cas où l’organisme de formation propose une formation non éligible au CPF, il n’est pas possible de mobiliser les droits au CPF. L’organisme doit donc s’engager dans une démarche d’éligibilité et de qualité auprès des services compétents pour proposer son catalogue de formation sur https://www.moncompteformation.gouv.fr/.

Formation à l’étranger

  • le CPF peut être mobilisé par son titulaire pour la prise en charge d’une formation à l’étranger52 ;

  • le CPF peut être mobilisé par son titulaire à la recherche d’emploi dans un État membre de l’Union européenne autre que la France s’il n’est pas inscrit auprès de Pôle emploi, sous réserve de la conclusion d’une convention entre cette institution et l’organisme chargé du service public de l’emploi dans le pays de la recherche d’emploi. Cette convention détermine les conditions de prise en charge des formations mobilisées par le demandeur d’emploi dans le cadre de son compte.

Lorsque le coût de la formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le compte, des abondements peuvent venir compléter les droits existants pour permettre la réalisation du projet de formation. Ces abondements ne sont pas pris en compte pour le calcul du plafond de droits (5 000 € ou 8 000 €), le titulaire du compte pourra compléter lui-même son financement si le montant CPF est insuffisant.

Les abondements peuvent être financés :

Pour les salariés

  • sur décision de l’employeur ;

  • dans le cadre d’un accord collectif ;

  • dans le cadre des abondements supplémentaires pour les salariés53 ;

  • par un opérateur de compétences (OPCO) en 2019.

Pour certaines catégories d’actifs concernés

  • par un opérateur de compétences en 2019 ;

  • par l’organisme chargé de la gestion du compte professionnel de prévention (CNAV) à la demande de la personne ;

  • par l’organisme chargé de la gestion de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, à la demande de la personne (CNAM) ;

  • par l’État ;

  • par les Régions ;

  • par Pôle emploi ;

  • par l’Association pour la gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) ;

  • par un fonds d’assurance-formation de non-salariés54 ;

  • par une chambre régionale de métiers et de l’artisanat ou une chambre de métiers et de l’artisanat de région ;

  • par une autre collectivité territoriale ;

  • par l’Agence nationale de santé publique, établissement public chargé notamment de la gestion de la réserve sanitaire.

Certains abondements ciblent des publics particuliers :

C’est le cas pour les salariés licenciés dans le cadre de la renégociation d’un accord d’entreprise impactant leur contrat de travail sur le temps de travail ou la rémunération. Les salariés refusant ce nouveau contrat de travail sont licenciés et bénéficient d’au minimum 3 000 € d’abondement sur leur compte personnel de formation55.

Salariés victimes d’un accident du travail ou de maladie professionnelle ayant entraîné un taux d’incapacité permanente supérieur ou égal à 10 %. Ces salariés seront dotés de 7 500 euros d’abondement sur leur compte personnel de formation.

Projet de transition professionnelle

Le « projet de transition professionnelle » est uniquement ouvert aux salariés en CDD ou CDI de droit privé.

Changement de situation

Le CPF est attaché à la personne et non au contrat de travail ou au statut : la personne peut acquérir des droits, sans limite de temps, dans la limite du plafond de 5 000 €. Le crédit en euros inscrit sur le compte demeure intégralement acquis pour la personne en cas de changement de statut, de situation professionnelle ou de perte d’emploi, quel que soit le motif de rupture du contrat de travail.

Litiges

En cas de litige entre un salarié lanceur d’alerte et son employeur, les juges du Conseil des prud’hommes peuvent condamner l’employeur à abonder le CPF du salarié ayant lancé l’alerte jusqu’au plafond global de 8 000 €. Si le Conseil des prud’hommes condamne l’employeur à abonder le CPF du salarié, il doit tenir compte du montant des droits inscrits sur le compte du lanceur d’alerte et du plafond de droits de 8 000 €, la condamnation ne peut excéder la différence entre ces deux montants.

Cette sanction complémentaire s’applique aussi aux personnes ayant aidé le lanceur d’alerte ou aux personnes en lien avec le lanceur d’alerte et ayant fait l’objet de mesures de sanctions de la part de leur employeur56.

B – Limites

Le système du CPF dans son dernier état, qui réforme une institution déjà existante57, comporte encore de nombreuses limites déjà présentes ou ajoutées par la réforme, dont le calcul des droits en euros et une exigence de participation du salarié au coût d’une action de formation. Ces limites ont ouvert la voie à certaines fraudes que la loi cherche maintenant à sanctionner (1°) et à bien d’autres encore (2°).

1 – Participation du salarié au coût d’une action de formation

Il est exigé une participation du salarié au coût d’une action de formation, d’une validation des acquis de l’expérience (VAE) ou d’un bilan de compétences effectués dans le cadre du CPF58. Cette participation pourrait être proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire. Les demandeurs d’emploi et les salariés dont l’employeur finance une partie de ce coût en seront exonérés.

2 – Autres limites

Une des limites du système du CPF59 d’aujourd’hui est qu’il s’inscrit dans une démarche de flexibilité60 et de réduction du coût du travail pour les employeurs61.

Après les ordonnances Macron qui représentaient le versant « flexibilité » du projet du gouvernement, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel62 a été présentée par certains comme étant le versant « sécurité »63 de ce qui devrait être la « flexisécurité » à la française64 ; ainsi cette réforme de la formation professionnelle65 n’a pas que des aspects positifs66.

La loi Avenir professionnel rompt avec la distinction entre formation professionnelle et formation initiale, qui existait auparavant67.

a – La monétisation des droits à formation

Les droits inscrits au CPF sont comptabilisés en euros et non plus en heures68, la monétisation peut conduire à un affaiblissement des droits des salariés et au développement de formations à bas coût mais peu qualifiantes afin de profiter de la manne financière que représenterait le CPF. Certains bénéficiaires ne pourraient pas suivre les mêmes formations qu’auparavant.

b – L’information et l’accès à la formation

Chaque titulaire du CPF a connaissance de ses droits par l’accès à une application gratuite numérique, donc dématérialisée69, méthode dont les limites sont bien connues70.

c – Formations mises en place à l’initiative de l’employeur

Les formations se déroulent le plus souvent dans le cadre du plan de formation de l’entreprise, c’est-à-dire dans le cadre de formations mises en place à l’initiative de l’employeur.

d – Le CPF, droit subjectif

Le CPF est un droit attaché à la personne, c’est-à-dire un droit subjectif dont les conditions d’acquisition et d’exercice sont détachées du statut d’emploi ce qui, pour les intéressés, est probablement beaucoup moins positif que ce qu’il n’y paraît.

Le CPF est certes conçu pour constituer un dispositif de formation professionnelle dans la sécurisation des parcours professionnels, en attachant un droit à la personne garanti collectivement, c’est-à-dire en ouvrant aux personnes des droits de tirages sociaux71 mais il s’agit là d’une notion difficile à manier.

Le CPF est un droit attaché à la personne dans un système dans lequel l’individu incarne l’idéal de la tradition libérale : libre, responsable, rationnel, capable de se projeter dans l’avenir. Le CPF apparaît comme un hybride, qui fait appel à l’initiative de la personne inscrit dans un cadre d’exercice collectif dont certains s’emploient à limiter les effets bénéfiques pour les salariés, notamment en cherchant à réduire l’influence des syndicats et leur poids réel sur les possibilités d’améliorer les conditions de travail72.

Conclusion

Ainsi, le problème conjoncturel de la nécessité d’une loi pour permettre de lutter contre les fraudes au CPF s’accompagne de la nécessité d’une réflexion urgente sur un problème structurel qui montre les limites de la vision du droit du travail que certains espéraient mettre en place73 en faisant l’économie d’une réflexion nécessaire sur la place du travail dans la société74.

Notes de bas de pages

  • 1.
    M. Richevaux, « Affaire Deliveroo : une sévérité avant tout apparente, néanmoins sur la bonne voie », Actu-Juridique.fr29 déc. 2022, n° AJU005k0.
  • 2.
    A. Delaporte (NUPES, débat AN, 6 oct. 2022).
  • 3.
    Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
  • 4.
    M. Richevaux, « Fraudes à l’égard des organismes sociaux obs. sous Cass. crim., 1er avr. 2020, n° 19-80433, F-D », LPA 8 déc. 2020, n° LPA155p6 ; M. Richevaux, « Le point sur la restitution des allocations-chômage indûment versées », Actu-Juridique.fr19 août 2022, n° AJU005a5 ; M. Richevaux, « Procédure de recouvrement des sommes dues à la CAF », Actu-Juridique.fr20 sept. 2022, n° AJU003x2 ; M. Richevaux, « Affaire Deliveroo : une sévérité avant tout apparente, néanmoins sur la bonne voie », Actu-Juridique.fr29 déc. 2022, n° AJU005k0.
  • 5.
    M. Richevaux, « Travail dominical l’après-midi dans un supermarché : conditions et limites », Actu-Juridique.fr 27 janv. 2023, n° AJU007i8 ; LPA 28 févr. 2023, n° LPA202b8.
  • 6.
    M. Richevaux, « Espionnage de ses salariés par une entreprise et caractère adapté de la peine », Actu-Juridique.fr6 déc. 2022, n° AJU001z2 ; LPA 31 déc. 2021, n° LPA201h7.
  • 7.
    L. n° 2022-1587, 19 déc. 2022 : JO, 20 déc. 2022.
  • 8.
    C. Bonnier, « CPF : une loi pour lutter contre la fraude », Actu-Juridique.fr 21 déc. 2022, https://lext.so/uXV1gj.
  • 9.
    C. trav., art. L. 6323-8-1.
  • 10.
    C. trav., art. L. 6323-8-1, 1°).
  • 11.
    C. trav., art. L. 6323-6.
  • 12.
    C. trav., art. L. 6323-8-1, 2°).
  • 13.
    J. Julien, Droit de la consommation, Précis Domat, 4e éd., 2022, LGDJ, EAN : 9782275125275 ; D. Bazin-Beust, « Les grandes évolutions du droit de la consommation », Constructif 2021/2 (n° 59), p. 16-19.
  • 14.
    M. Leroux-Campello, Les sanctions en droit de la consommation, thèse de doctorat en droit privé, Paris 2, soutenue le 10 décembre 2018.
  • 15.
    C. trav., art. L. 6323-8-1, 2°), in fine.
  • 16.
    C. consom., art. L521-1, modifié par la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 ; C. trav., art. L. 8271-5-2.
  • 17.
    C. trav., art L. 8112-1.
  • 18.
    C. trav., art. L. 8271-1.
  • 19.
    C. trav., art. L. 6323-9.
  • 20.
    C. trav., art. L. 8271-1-2.
  • 21.
    C. trav., art L. 6333-7-1.
  • 22.
    C. trav., art. L. 6113-2.
  • 23.
    C. trav., art. L. 6333-7-1.
  • 24.
    C. trav., art. L. 6333-7-1.
  • 25.
    C. trav., chapitre Ier du titre VI du Livre VI.
  • 26.
    C. trav., art. L. 6316-1.
  • 27.
    C. trav., art. L. 6316-2.
  • 28.
    C. trav., art. L. 6316-2 ; C. trav., art. L. 6316-2 ; C. trav., art. L. 6333-7-1.
  • 29.
    C. trav., art. L. 6333-7-1.
  • 30.
    C. trav., art. L. 6131-4 et C. trav., art. L. 6333-6 ; CGCT, art. L. 1621-4.
  • 31.
    LPF, art. L. 135, ZO.
  • 32.
    CGI, art. 1649 A.
  • 33.
    LPF, art. L. 135, ZO, I.
  • 34.
    C. mon. fin., art. L. 561-31.
  • 35.
    C. trav., art. L. 6351-1.
  • 36.
    C. trav., art L. 6323-44.
  • 37.
    C. trav., art L. 6323-9-1.
  • 38.
    C. trav., art L. 6323-9-2.
  • 39.
    C. trav., art. L. 6351-1.
  • 40.
    C. trav., art. L. 6323-6.
  • 41.
    C. trav., art L. 6351-1.
  • 42.
    C. trav., art. L. 6323-9-1, 1°-3° et 5°.
  • 43.
    C. trav., art L. 6323-9-1.
  • 44.
    C. trav., art. L.1242-2, 3°.
  • 45.
    C. trav., art. L. 6323-33 à C. trav., art. L. 6323-42.
  • 46.
    C. trav., art. L. 6323-11, al. 4.
  • 47.
    C. trav., art. L. 6323-4, III.
  • 48.
    C. trav., art. L. 6323-4, II.
  • 49.
    C. trav., art. L. 6323-11, al. 5.
  • 50.
    C. trav., art L. 6323-2.
  • 51.
    C. trav., art. L.6313-1, 3°.
  • 52.
    C. trav., art. L. 6323-6.
  • 53.
    C. trav., art. L. 6323-13 et C. trav., art. L. 6323-14.
  • 54.
    C. trav., art. L. 6332-9 ; C. rur., art. L. 718-2-1.
  • 55.
    Décret n° 2018-1171 du 18 déc. 2018, relatif aux modalités d’abondement du compte personnel de formation.
  • 56.
    Décret n° 2022-1686 du 28 décembre 2022, relatif à l'abondement du compte personnel de formation.
  • 57.
    N. Maggi-Germain, « Le compte personnel de formation », Cah. soc. fév. 2015, n° CSB115m9.
  • 58.
    L. fin. 2023 ; Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022, de finances pour 2023.
  • 59.
    J. Gautié, N. Maggi-Germain et C. Pérez, « Fondements et enjeux des "Comptes de Formation" : les regards croisés de l’économie et du droit », Dr. soc. 2015.
  • 60.
    G. Lyon-Caen, « La bataille truquée de la flexibilité », Dr. soc. 1985, p. 801-810.
  • 61.
    M. Richevaux, « Commerce et valeurs fondamentales de la société », Les Cahiers du CEDIMES, juill. 2015.
  • 62.
    La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
  • 63.
    Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel, art. 1-3 : JO, 6 sept. 2018 ; C. Morin, « Le compte personnel de formation des salariés au lendemain de la loi Avenir professionnel » GPL 4 déc. 2018, n° GPL338g7.
  • 64.
    D. Top et M. Richevaux, « Les grands principes du droit communautaire du travail » spéc. chap. Flexi-sécurité, 2007, L’Harmattan.
  • 65.
    L. n° 2014-288, 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale : JO, 6 mars 2014, texte n° 1.
  • 66.
    C. Willmann et M. Abherve, « La réforme du compte personnel de formation va-t-elle améliorer l’accès à la formation professionnelle ? », RDT 2018, p. 564 ; H. Puiliat, « Liberté de choisir son avenir professionnel : des dispositifs très critiqués », JCP A 2018, 465.
  • 67.
    P. Piccoli, « Une nouvelle réforme de la formation. À propos de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel », JCP G 2018, 1068.
  • 68.
    C. trav., art. L. 6323-2.
  • 69.
    C. trav., art. L. 6323-8.
  • 70.
    J.-P. Derosier, « Les limites du concept de souveraineté numérique », Centre de recherche Droits et perspectives du droit, ULR 4487 2018.
  • 71.
    A. Supiot, Créer une sécurité sociale professionnelle, Le Monde Économique, 6 juin 2005.
  • 72.
    Questions à A. Supiot, « Mise en perspective des réformes depuis 2013 », Dr. ouvr. 2015, p. 559.
  • 73.
    M. Richevaux, « La loi Macron : l’implantation de l’ultra-libéralisme en France », Les Cahiers du CEDIMES, juill. 2015.
  • 74.
    D. Méda, Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, 2008, Champs actuel ; Travail, la révolution nécessaire, 2010, Éditions de l’Aube ; Les nouveaux travailleurs des applis, 2019, PUF et avec F. Jany-Catrice, L’économie au service de la société. Autour de Jean Gadrey, 2019, Les petits matins.
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