Handicap, refus de prise en charge et recevabilité des recours
L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé est soumise à des conditions qui peuvent entraîner des recours et pour lesquelles on trouvera ici quelques précisions sur les règles à suivre.
Toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d’attribution, de formes d’aide sociale1. La personne devra faire la preuve de son droit dont l’appréciation est faite de manière individualisée et in concreto.
Le droit à l’aide sociale est fondé sur le besoin, ce qui en fait un droit alimentaire qui perdure tant que l’état de besoin existe. Ce droit ne répond pas uniquement à un besoin en termes de ressources minimums, mais prend également en compte des besoins spécifiques : accompagnement social, éducatif, etc. Le principe de spécialité des formes de l’aide sociale permet de prendre en compte des besoins particuliers liés à certaines populations : personnes âgées, enfants en danger, et personnes handicapées. L’aide apportée devra être utilisée exclusivement à la satisfaction du besoin reconnu. Cela concerne aussi la prestation de compensation du handicap (PCH) qui s’apparente à une prestation d’aide sociale, fait l’objet d’un contrôle d’effectivité et est versée par le département. La juridiction compétente en cas de litige relatif à son versement est la juridiction d’aide sociale (la commission départementale d’aide sociale et, en appel, la commission centrale d’aide sociale).
La loi2 a apporté une avancée substantielle pour le droit des personne handicapées en créant des PCH3, qui ont pour objet de financer les surcoûts consécutifs au handicap et relatifs à des besoins d’aide humaine, technique ou animalière, à l’aménagement du logement ou du véhicule, aux surcoûts liés aux frais de transport ou à la compensation de charges spécifiques ou exceptionnelles, telles que l’acquisition et l’entretien de produits liés au handicap, dont l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), qui était au cœur du litige4, est une déclinaison qui ne concerne que les enfants handicapés.
L’instruction de la demande correspondante, comme pour les demandes de PCH, et les autres prestations au bénéfice des personnes handicapées relèvent de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui est dotée d’une équipe pluridisciplinaire chargée d’évaluer les besoins de la personne à l’aide d’un guide d’évaluation multidimensionnelle. C’est la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui attribue la prestation de compensation, de nature à créer des contentieux dont certains sont judiciaires et posent le problème de la détermination du tribunal compétent pour statuer.
L’AEEH5 est une aide financière destinée à compenser les dépenses liées à la situation de handicap de l’enfant de moins de 20 ans. Elle peut être complétée par une majoration pour parent isolé et par des compléments pour compenser des surcoûts et des pertes de salaires en fonction du niveau de handicap de l’enfant.
Les compléments de l’AEEH sont attribués par la CDAPH. Elle est versée par la caisse d’allocations familiales ou la mutualité sociale agricole.
L’AEEH est composée d’une allocation de base (une aide forfaitaire pour les familles qui s’occupent d’un enfant handicapé) à laquelle peuvent s’ajouter six catégories de compléments, en fonction du niveau de handicap.
Les compléments de l’AEEH visent à compenser :
• des surcoûts : dépenses particulièrement coûteuses liées au handicap ;
• des pertes financières : recours fréquent à l’aide d’une tierce personne (réduction, cessation ou renoncement d’activité professionnelle d’un des parents, ou embauche d’un tiers).
Toute personne isolée bénéficiant de l’AEEH, ainsi que d’un complément au moins de deuxième catégorie, et qui assume seule la charge d’un enfant handicapé nécessitant le recours à une tierce personne, a droit à une majoration spécifique pour parent isolé.
C’est la MDPH qui examine les critères liés à la situation de handicap de l’enfant et, plus particulièrement, son taux d’incapacité.
L’AEEH peut être attribuée si le taux d’incapacité de l’enfant est :
• supérieur ou égal à 80 % ;
• compris entre 50 % et moins de 80 % avec un accompagnement par un établissement ou un service médico-social, un dispositif de scolarisation adapté lié au handicap, des soins et/ou des rééducations en lien avec le handicap, préconisés par la CDAPH.
Un des compléments de l’AEEH peut être attribué, sur justificatifs, si des critères relatifs aux besoins d’aide humaine ou aux frais à prendre en compte sont remplis.
Pour obtenir l’AEEH, le demandeur doit remplir, dater et signer le formulaire de demande de la MDPH, y joindre les pièces complémentaires obligatoires et l’adresser à cette institution avec un certificat médical, dont la durée a été allongée de six à douze mois, daté et signé par le médecin traitant ou spécialiste. Il doit comprendre, le cas échéant, les volets spécifiques concernant les atteintes auditives ainsi que les atteintes visuelles. Il faut aussi joindre une photocopie recto verso de la pièce d’identité du demandeur et, le cas échéant, celle de son représentant légal.
Le demandeur doit joindre un justificatif de domicile (pour les enfants, le justificatif de domicile du représentant légal ; pour les personnes hébergées par un tiers, il faut joindre le justificatif de domicile et l’attestation sur l’honneur de l’hébergeant).
Il faut aussi joindre une attestation de jugement en protection juridique pour les personnes concernées.
Pour la recevabilité du dossier, des pièces complémentaires peuvent être demandées lors de l’évaluation de la situation.
Le dossier complet de demande à la MDPH, accompagné du certificat médical et des pièces justificatives, doit ensuite être déposé ou envoyé à la MDPH du lieu de résidence principale par courrier ou en ligne.
L’AEEH de base peut être cumulée avec les compléments de l’AEEH et avec la PCH. Cependant, il n’est pas possible de cumuler le complément d’AEEH et la PCH.
En ce qui concerne le contentieux, la compétence des tribunaux concernés (I) se répartit entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif, ce qui a une incidence sur les procédures de recours (II).
I – Tribunal compétent
La compétence des tribunaux concernés se répartit entre le tribunal judiciaire et le tribunal administratif.
Selon la nature de la décision contestée, il existe deux tribunaux compétents6.
Le tribunal judiciaire est chargé d’examiner les décisions liées à :
• l’orientation ou l’insertion scolaire d’un enfant ou d’un adolescent handicapé ;
• la désignation d’un établissement pour enfant, adolescent ou adulte handicapé ;
• l’AEEH et ses compléments ;
• l’allocation adulte handicapé et son complément (CPR) ;
• le renouvellement de l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) ou pour frais professionnels (ACFP) ;
• la PCH ;
• l’accompagnement de personnes âgées handicapées de plus de 60 ans hébergées dans une structure spécialisée ;
• la carte mobilité inclusion : mention invalidité/priorité.
Le tribunal administratif est chargé d’examiner les décisions liées à :
• une orientation ou insertion professionnelle et sociale pour adultes ;
• une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ;
• une désignation d’établissement ou service concourant à la rééducation, à l’éducation, au reclassement et à l’accueil pour adultes ;
• carte mobilité inclusion : mention stationnement.
II – Procédures de recours
Au sein de la MDPH, la CDAPH est chargée de prendre les décisions relatives aux droits pouvant être attribués aux personnes handicapées.
Le refus d’attribution de la prestation au bénéfice de personnes handicapées est susceptible de recours. Il existe trois voies de recours possibles : la conciliation (A), le recours administratif préalable obligatoire (RAPO) (B) et le recours contentieux (C).
A – La conciliation
Pour la conciliation, le demandeur doit rédiger un courrier, accompagné de la notification de décision contestée, dans lequel il motivera sa contestation. Le demandeur doit l’adresser au directeur de la MDPH du département dans un délai de deux mois après la notification de la CDAPH. Il obtiendra par la suite un rendez-vous avec un conciliateur, qualifié et soumis au secret professionnel, extérieur à la MDPH et qui ne fait pas partie de l’équipe qui a instruit le dossier. Celui-ci a deux mois pour étudier la situation et rendre un rapport de mission avec des éléments de conciliation. Ce rapport sera ensuite étudié par la CDAPH qui rendra sa décision finale, si le demandeur n’est toujours pas d’accord avec la décision de la CDAPH, il a la possibilité de faire un recours.
B – Le RAPO
Une personne qui n’est pas d’accord avec la décision prise par la MDPH et qui souhaite que sa demande soit réexaminée par la CDAPH dispose d’un recours administratif qui est obligatoire. Depuis le 1er janvier 2019, le RAPO7 remplace l’ancien recours gracieux. Il précède obligatoirement le recours contentieux et entraîne le réexamen du dossier par la CDAPH. Il prend la forme d’un courrier adressé au président de la CDAPH dans les deux mois suivant la notification de la commission (soit la première décision, soit celle faisant suite à une conciliation). Cette lettre devra préciser les raisons de l’opposition.
La MDPH peut alors :
• demander des informations complémentaires sur la situation, ou celle de l’enfant ;
• interroger le lieu d’accompagnement de l’enfant (s’il est déjà accompagné) ;
• demander à s’entretenir avec le demandeur.
Dans le cas d’un recours gracieux, la seconde demande est automatiquement examinée. La CDAPH pourra ensuite accéder à la requête ou la refuser.
Le RAPO est une demande de réévaluation d’une décision. Il est effectué par le bureau des recours de la MDPH. Il peut être exercé en cas de désaccord avec une décision prise par la CDAPH.
Ce recours est un préalable obligatoire qui doit s’effectuer obligatoirement avant le recours contentieux auprès d’un tribunal. Une demande au président de la CDAPH doit être adressée par courrier dans un délai de deux mois après réception de la décision de la CDAPH.
Ce courrier doit être accompagné de la notification de décision contestée.
Le recours administratif doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision de la CDAPH. Il doit comporter une copie de la décision contestée ainsi que les motifs de contestation de la décision et les éléments que le demandeur estime insuffisamment ou incorrectement pris en compte, voire des informations nouvelles sur sa situation (certificat ou bilan médical, etc.).
Si, à la suite du recours administratif, le désaccord persiste avec la décision de la CDAPH, il est possible de former un recours contentieux dans un délai de deux mois.
L’absence de réponse au recours administratif dans un délai de deux mois vaut rejet. La décision contestée est alors maintenue. Il y a de fait la possibilité de former un recours contentieux à l’encontre de cette décision implicite de rejet du recours administratif.
Dans une affaire récente, il a été jugé que le fait que le recours préalable obligatoire ait été exercé avant la naissance de la décision implicite de rejet ne le rend pas irrecevable8.
C – Le recours contentieux
Le demandeur est en droit de lancer une démarche de recours contentieux nécessitant l’intervention d’un juge.
La démarche de recours contentieux ne nécessite pas obligatoirement le recours à un avocat. Le demandeur peut prendre l’initiative de présenter lui-même sa situation et ses objections, ou être représenté ou assisté par une association ou un avocat.
Le juge va ensuite évaluer le dossier. Il pourra demander une visite médicale complémentaire avant de rendre sa décision. Celle-ci sera alors définitive et il n’y aura plus de recours possible. Lors de l’attente de cette décision du tribunal, c’est la précédente notification de la CDAPH qui est appliquée.
Si, à la suite du RAPO, le demandeur n’est pas d’accord avec la nouvelle décision de la CDAPH, il peut formuler un recours contentieux auprès du tribunal compétent, dans les deux mois à réception de la notification.
Il faut alors adresser au tribunal, par lettre recommandée avec avis de réception, une requête motivée, une copie de la décision prise par la CDAPH à la suite du recours administratif, ainsi que tous les documents complémentaires utiles.
Si le demandeur, après son recours administratif, n’est toujours pas d’accord avec la décision prise par la CDAPH et souhaite que sa demande soit réexaminée par un tribunal, il peut exercer un recours contentieux.
Depuis le 1er janvier 2019, il est indispensable de former un RAPO avant d’exercer un recours contentieux.
Le recours contentieux doit être exercé par lettre recommandée avec accusé de réception. Il est nécessaire d’y joindre la copie de la décision contestée et il doit être adressé à la juridiction compétente dans un délai de deux mois après réception de la décision prise par la CDAPH par suite du recours administratif ou si le demandeur n’a pas eu de réponse à son recours administratif après deux mois (décision de rejet implicite du recours), dans un délai de quatre mois à compter de la date de l’accusé de réception du dépôt du recours administratif. Dans ce cas, le demandeur doit fournir une copie de l’accusé de réception de sa demande de recours contentieux.
Notes de bas de pages
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1.
CASF, art. L. 111-1.
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2.
L. n° 2005-102, 11 févr. 2005 : JO, 12 févr. 2005, relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
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3.
CASF, art. L. 245-1 à L. 245-14 – CASF, art. R. 245-1 à R. 245-72 – CASF, art. D. 245-73 à D. 245-78 – CASF, annexe 2-5.
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4.
CSS, art. L. 541-1 à L. 541-5 – CSS, art. R. 541-1 à R. 541-10.
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5.
CSS, art. L. 541-1 à L. 541-4 – CSS, art. R. 541-1 à R. 541.
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6.
L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle – Ord. n° 2018-358, 16 mai 2018, relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale – D. n° 2018-772, 4 sept. 2018, désignant les tribunaux de grande instance et cours d’appel compétents en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale – D. n° 2018-928, 29 oct. 2018, relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale.
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7.
CASF, art. R. 241-35 à R. 241-41.
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8.
CASF, art. R. 241-33.
Référence : AJU014t6