Insolite : Quand avaler de travers est un accident de travail
Si vous avez déjà avalé de travers au travail lorsqu’on vous refuse une augmentation ou des congés car « vous êtes le seul qui n’a pas d’enfant », alors cette jurisprudence est faite pour vous…
L’affaire commence dans les années 1980 lors du déjeuner d’une certaine Madame X. Nous ne savons rien d’elle excepté qu’un midi, alors qu’elle déjeune à son bureau comme tous les jours, celle-ci avale de travers. Il semble que les conséquences de cette fausse route aient été graves puisque la Cour de cassation précise qu’ont été engendrés des troubles ultérieurs.
Troubles suffisamment nombreux pour que la Caisse Primaire d’Assurance maladie (CPAM) refuse de qualifier les faits d’accident de travail au motif que « bien qu’il s’était produit au lieu du travail, il provenait d’une absorption de nourriture, cause totalement étrangère au travail ». Et bien qu’ayant perdu devant la cour d’appel de Paris en juillet 1981, la CPAM a décidé de porter ses arguments devant la Cour de cassation…
La sécurité sociale mauvaise joueuse
Mais c’était sans compter sur la jurisprudence constante concernant les accidents survenus à l’occasion du déjeuner en entreprise… Dès 1970, la chambre sociale de la Cour de cassation considérait comme un accident de travail l’intoxication alimentaire affectant un salarié qui déjeune sur son lieu de travail d’un sandwich acheté dans un stand de charcuterie voisin.
Car l’article 415 du Code de la Sécurité sociale considère comme accident du travail « l’accident survenu par le fait ou l’occasion du travail de toute personne, quelle qu’en soit la cause ». Dès lors, quasiment tous les événements de la vie peuvent être qualifiés d’accident du travail : troubles psychologiques suite à une agression, dépression soudaine après remontrance du patron, piqure de moustique…
Alors pourquoi la CPAM s’obstine-t-elle à contester à Madame X. le statut d’accidentée du travail ? Car à la différence d’une pathologie classique, elle doit prendre en charge 100 % des frais médicaux et ne pas infliger à Madame X. des jours de carence ? « Je pose la question », comme dirait l’autre…
Même un rapport sexuel peut être un accident du travail…
Toujours est-il que la Cour de cassation lui répond logiquement : « Mais attendu que la cour d’appel relève, d’une part, que Mme X… prenait de façon habituelle le repas de midi dans son bureau ou fonctionnaient en permanence des téléscripteurs enregistrant des messages dont certains exigeaient une réponse ou une intervention immédiate de sa part, d’autre part, que l’accident litigieux s’était produit lors de l’irruption dans le bureau d’une collègue venue lui demander un renseignement professionnel ; Qu’elle a pu en déduire que durant la pause de midi l’intéressée demeurait à la disposition et sous la subordination de son employeur et que la cause de l’accident survenu ainsi au temps et au lieu du travail n’était pas totalement étrangère au travail ».
Depuis les mésaventures judiciaires de Madame X., la Sécurité sociale semble avoir compris la leçon, peut-être trop ? Car 40 ans plus tard, elle a d’elle-même qualifié d’accident de travail l’infarctus ayant tué le salarié, en dehors des horaires de travail, en plein rapport sexuel adultérin avec une « parfaite inconnue » dans sa chambre d’hôtel au motif qu’il était en déplacement professionnel… Bonsoir !
Référence : AJU441169